merci à tous ceux qui offriront en partage leurs poèmes sur le site : presquilenpoesie.org
« Le Désir » thème du mois de Mars et du Printemps des Poètes
Ce contenu a été publié dans A la Une, Evénements poétiques, Mots en cadeau. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.
Derniers désirs
Le jour où je mourrai, je voudrais qu’un grand feu
Aux éclats de lucioles
Monte en la cheminée…
Dans la cuisine tiède
Passerait le café.
On grillerait du pain, et l’on cuirait des pommes
En écoutant Bechet, Mouloudji ou Ferré.
Et ce serait l’automne…
Le jour où je mourrai, je voudrais que mes frères
Me tiennent par la main
Et que leurs yeux racontent
Les pages du vieux livre emprunté à l’école
Qui parle d’éléphants
Défricheurs de forêts
De rats sur des navires
Discutant en anglais
D’un âne qui s’envole
Sur un aéroplane
Et d’une anguille blonde
Sous son grand nénuphar…
Et j’entendrais leurs voix
Résonnant sous les arches
Du vieux pont déserté par la rivière tue…
Je voudrais que ma sœur me dise ce poème
Qui nous menait jadis « dans les forêts profondes
Où nous nous déchirions les pieds sur les cailloux ».
Et ce serait le soir…
Comme on apaise l’ombre
Elle mettrait son bras autour de mon épaule
Et poserait sa paume
Aux cendres de mon front.
Nous serions des enfants, voyageant dans un monde
Où l’on peut être heureux, en inventant des contes.
Des secrets retenus couleraient de nos bouches
Et du fond du silence,
Deux ou trois mots magiques
Passeraient le miroir piqueté par l’absence.
Le jour où je mourrai, nous parlerons d’amour
D’avenir et d’espoir, même si c’est trop tard.
Yvonne Le Meur-Rollet ( dans « Conficences croisées »- 2003)
Ce poème parvient à transcender la gravité du thème par l’énumération des souvenirs d’une enfance heureuse , le rappel des gestes rassurants du quotidien, et surtout l’accompagnement des chers disparus que la poétesse imagine » de retour » pour l’accueillir…Ne sommes-nous pas des êtres désirant jusqu’au bout de la vie ? Quel beau et émouvant poème . Michèle
Un peu d’espoir….Les temps sont durs !
Coup de cœur
La nuit n’est jamais complète,
Il y a toujours puisque je le dis,
Puisque je l’affirme,
Au bout du chagrin, une fenêtre ouverte,
une fenêtre éclairée.
Il y a toujours un rêve qui veille,
désir à combler, faim à satisfaire,
un cœur généreux,
une main tendue, une main ouverte,
des yeux attentifs,
une vie: la vie à se partager.
Paul Eluard (1895-1952)
» Derniers poèmes d’amour «
QUATRE QUATRAINS DU MERVEILLEUX FRANCOIS CHENG !
C’est le premier jour du printemps,
Tu longes le mur d’un jardin.
Une branche fleurie qui dépasse
Te murmure à l’oreille : « passe outre ! »
___________________________
Nous rions, nous trinquons. En nous défilent les blessés,
Les meurtris; nous leur devons mémoire et vie. Car vivre,
C’est savoir que tout instant de vie est rayon d’or
Sur une mer de ténèbres, c’est savoir dire merci.
__________________________________
Au bout de la nuit, un seuil éclairé
Nous attire encore vers son doux mystère.
Les grillons chantant l’éternel été,
Quelque part, la vie vécue reste entière.
__________________________________
Ce moment partagé, nous nous en souviendrons
Un jour, comme d’un mont par-delà les nuages,
Où tout demeure en soi et se change en son autre :
Arbre en fleur chant de source, feuille au vent papillon.
Merci Gwenola de nous avoir fait partager ces magnifiques quatrains de François Cheng.
Quatorze juillet
Si je m’étais penchée, un soir à la fenêtre,
Je t’aurais aperçu, t’avançant sur le mail.
Des craintes de l’enfance écartant le trémail,
J’aurais couru vers toi, sous des lampions, peut-être…
Nous nous serions rejoints dans l’ombre d’un portail,
J’aurais ployé le cou sous tes lèvres de saule,
J’aurais senti tes doigts, brûlants sur mon épaule,
J’aurais laissé mes seins jaillir de mon chandail.
Tu m’aurais entraînée à l’écart de la rue,
Dans un vieux parc ouvert aux flonflons de juillet,
J’aurais tendu la main, vers le pourpre bouquet
Que, pour moi, tu dressais, fragile offrande nue.
En murmurant tout bas: »Ainsi font les amants »,
J’aurais aidé ma jupe à glisser sur la mousse,
Tu m’aurais dit: »Je t’aime » ou « Que ta bouche est douce »…
Nous aurions savouré le miel de nos seize ans.
La terre aurait frémi. Sous l’éclair des fusées,
J’aurais fermé les yeux, te pressant contre moi…
Nos paumes, en vibrant, se seraient embrasées,
Et tu n’aurais pas su que j’avais peur de toi.
Yvonne Le Meur-Rollet ( dans « Confidences croisées »-2003)
Printemps
Vouloir cueillir une fleur sans vouloir la couper.
Vouloir prendre une chaise sans vouloir s’y asseoir.
Désirer aller loin sans vouloir avancer.
Ne pas se décider, vouloir sans le vouloir.
Dominique Mongodin
Quatre vers suffisent pour nous dévoiler avec justesse et finesse une facette du désir humain.
Michéle
Un jour lointain de mai…
Si je n’avais pas cru
M’abriter du soleil
Là-bas sur l’autre rive
Je n’aurais pas osé
Franchir la passerelle
Au dessus de l’écluse
Et me mettre à courir
Au milieu des ombelles.
Je n’aurais pas perdu
L’une de mes sandales
Dans un bouquet de joncs.
Je n’aurais pas croisé
Un regard inconnu
Dans l’ombre d’une haie
Un regard de pêcheur
Patient entre les saules.
Je n’aurais jamais su
La douceur de l’attente
Quand la truite s’envole
Vers la cime des aulnes
Pour venir expirer
Sur un lit de fougère
Dans l’osier d’un panier.
Je n’aurais pas senti
Qu’en restant je troublais
Un homme aux mains tranquilles
Qui hésita un peu
Avant de me sourire
Quand je lui demandai
De sauver ma chaussure
Flottant dans le courant.
Je n’aurais pas connu
La chaleur de ses bras
Sa bouche au goût de menthe
Et ma faim de caresses…
Si je n’avais pas cru
M’abriter du soleil
Un jour lointain de mai.
Yvonne Le Meur-Rollet
merci à vous Yvonne et merci à vous toutes pour vos textes du mois . Ce thème me paraissait trop difficile pour moi, (trop « grand ») et puis ayant eu quelques soucis de santé l’inspiration n’était pas là. Je vous retrouverai en avril.
J’avais juste pensé à la chanson de Ferrat « L’amour est cerise ». Sans doute la connaissez-vous…..
Rebelle et soumise
Paupières baissées
Quitte ta chemise
Belle fiancée
L’amour est cerise
Et le temps presse
C’est partie remise
Pour aller danser
etc, etc, …..
La la la la la la la la
Elisabeth Loridan
La femme endormie
Elle est la femme endormie
son corps pose dans l’oubli
nudité comme un habit
de cérémonie.
Quelle étrange satiété
les seins, les deux cuisses pleines
le ventre rond relâché
calme volupté.
Troublante envie de toucher
peau blanche, sol enflammé
buisson noir, frisant secret
de féminité.
Michèle PETTAZZONI
Ce qui n’est à personne est à moi
J’embrasse le crépuscule d’eau
Je suis debout au flanc des nuages
Je respire l’air frais du soir
Tant qu’il y aura une étoile
Je brillerai avec ma chanson
Et je chanterai à voix de tête.
RODNEY SAINT ELOI
Pourrais –tu ignorer
Que chaque jour, Pour Toi,
un ciel entier s’éclaire ?
A Tous les pas de cet élan
qu’est notre vie
A tous les jeux de cette rage
J’ai ouvert les bras
Et gémi
Et sur le grand vent refermé,
Au long des temps
Mes bras heureux brûlent encore
De leur désir.
ANITA CONTI
SPOLIATION
Je ne surprendrai plus
La petite flamme
Qui brillait dans tes yeux,
Je ne sentirai plus
Ton odeur musquée,
Ni ton souffle dans mon cou
Quand tu passais derrière moi
Et déposais un baiser sur ma joue.
Je ne goûterai plus
A la douceur de tes mains
Sur mon ventre fané,
Ni a celle de tes doigts impatients
Qui glissaient sous mon corsage
Je ne connaîtrai plus
La chaleur de ton corps
Allongé près du mien,
Et la tiédeur de tes jambes
Dans mes jambes emmêlées
N’est plus qu’un souvenir
Je n’éprouverai plus
Ce frisson à la caresse
De mes hanches épaissies,
Je ne ressentirai plus
Cette ivresse montante
Qui animait encore
Mon vieux corps fatigué…….
Tu es parti trop vite
Me laissant le coeur frustré.
Tu as largué les amarres
Emportant dans le sillage
De ta barque en errance,
Les souvenirs, les regrets
Et les désirs aussi .
Louise Montagne -15 mars 2021-
Très beau poème sur les désirs du corps et la frustration. merci Louisette
Louisette, j’ai fait une manipulation trop brusque après la lecture de ton poème « Spoliation », et comme je ne sais pas comment le corriger, je le complète par le 2eme message ci-dessous:
En lisant ton poème j’ai été touchée par l’évocation « en négatif » d’un bonheur perdu qui reposait sur une très grande tendresse et une sensualité assumée. Tout est dit, avec nuance et délicatesse, sur la frustration que représente la perte de l’être aimé et le sentiment de manque dont on prend douloureusement conscience quand l’être avec qui l’on a tout partagé n’est plus là. Une fois de plus, la justesse du ton et la sobriété du langage s’associent pour faire naître l’émotion sur une petite musique triste dédiée à celui qui est « parti trop vite » en laissant après lui un cœur et un corps frustrés.
Attente
Pas d’appel ce matin
et c’est déjà demain …
Mon espoir en éveil
roule peau de chagrin.
Pas d’appel à midi,
mon espoir vire au gris.
Le silence m’étreint,
je me mange les mains.
Attendre … heure après heure …
Et la nuit qui revient !
Je ravale mes pleurs …
Peut-être que demain …
Michèle PETTAZZONI
merci Annie pour ces magnifiques textes.
Chora
Qui dira le grain doré de la lumière
le pur éclat de l’aube ?
Qui inventera la caresse ?
Ta main
un soir d’été
sur mes épaules nues
Annie Coll
Le Rif
En pays berbère
j’ai ressenti l’amour
Non celui de l’amant
aux doigts troublants
Ni même celui de l’enfant
au regard tendre
mais celui du grand vent
dans les eucalyptus
Non celui de l’amant
aux yeux de menthe
mais celui de l’Atlas
aux couleurs fondantes
Non celui de l’amant
aux lèvres d’amande
mais celui des oliviers et des agaves
qui mouraient doucement
Non celui de l’amant au ventre doux
mais celui des marchés lourds de poussière
Aux parfums de coriandre et de cumin
Non celui de l’amant aux épaules d’acier
Mais celui du ciel chaud sur la terre écartelée
Non celui de l’amant au sexe de velours
mais celui du désert infini qui perd l’horizon
Non celui de l’amant aux caresses brûlantes
mais celui du soleil qui pénètre les corps
celui d’un pays au chant profond et envoûtant
comme la chair et le sang
Annie Coll
Pylos
Lumière du matin
orage doux
A genoux j’accomplis le rite
l’amour charnel et céleste confondus
guettant l’inconnu de nos visages
Nous risquons l’impossible amour
Murmures, regrets
rêves révolus
L’instant se creuse
et demeure
dans l’éblouissement de nos corps
J’ai faim des fruits de l’été
Annie Coll
Et encore …
A minuit, à l’envi
à l’aurore, dans un port
sur le sable
sur l’oubli …
J’écris.
A l’ombre de ton corps
sur mon ombre, endormie …
A mon tremble-désir
dans ton corps assoupi …
A n’en jamais finir
et encore, et encore …
J’écris.
Michèle PETTAZZONI
Le désir
Il franchit tous mes obstacles
dans sa course vers mes soleils.
Il est plus haut que l’Everest.
Il distend mon univers.
Il embrase mon infiniment grand.
Il ignore ma justice des hommes
et ne se courbe pas devant moi.
Il est rebelle ; il est teigneux.
Il est né de l’humanité hurlante
depuis la nuit des temps…
Et sa force animale me bouleverse
jusqu’au plus rouge de mon ventre.
Michèle PETTAZZONI
JE VOUDRAIS
Me lever le matin
Pour aller travailler,
Ne plus avoir faim
Garder ma dignité.
Gagner de la tune
Juste pour vivre assez,
Je n’demande pas la lune
Simplement me loger.
Respirer de l’air pur,
Il est encore gratuit,
Pour aérer ma figure
Et celle de mes petits.
Endiguer la violence
Supprimer la barbarie,
Enfin vivre en harmonie
Dans un monde de tolérance.
Que les hommes deviennent sages
Que dans leurs yeux renaisse le désir
Et qu’un nouveau sourire
Eclaire leur visage
Mais comme dit le proverbe
Et il est sans pitié
Il ne faut pas prendre ses rêves
Pour des réalités.
Louise Montagne
Le désir
Ce serait tout d’abord n’être plus qu’un regard
Arrêter de penser et cesser de vouloir
Déposer sans regret l’idée de destinée
Ouvrir enfin les mains et partir si léger
Dans l’espace infini ou dans la mer glacée
Rien ne peut plus blesser le corps désincarné
L’âme est à la dérive et ne peut rien heurter
Prendre l’humeur du ciel y déceler le bleu
Le noir le blanc le gris mêlés et indécis
Découvrir l’univers dans le grain de la pluie
Être un de ces cailloux du torrent qui dévale
Être un de ces brins d’herbe fragiles et obstinés
Être une de ces branches par le vent bousculées
Un petit grain de sable au milieu du désert
Un de ces points brillants de la nuit étoilée
Conscient d’être le rien et le tout à la fois
Le rire d’un enfant et ses pleurs tout autant
Refuser d’obéir pour exister vraiment
Laisser la nuit venir pour se fondre dedans
Abandonner sa vie pour mieux la recréer
Oublier l’avenir et rayer le passé
Dominique Verdé de Lisle
Pluie de désir
Pieds nus sur l’herbe mouillée,
Je danse en silence, désinhibée.
Je goutte au plaisir retrouvé,
de mon corps déshabillé par la rosée.
Pieds nus sur le sable mouillé,
Je me douche sous la brume.
Mille gouttes d’eau vaporisées,
Sur ma peau, lavée par l’écume.
Mise à nu par mes sens réveillés,
Je transpire la vie, ça ruisselle l’été.
Et aux bords des yeux, des larmes de joie oubliées,
Viennent percuter mes désirs inachevés.
Pieds nus, sur le granit mouillé,
Mon coeur bat en débordement,
La marée haute est à son point culminant.
Debout, du bout des orteils, je me sens vibrer, je me sens exister.
Pieds nus sur mon esquisse mouillée,
Je vois dans mes yeux des paillettes scintiller.
Suspendue en l’air, je lévite en eau troublée,
Mes cellules en ébullition respirent l’eau salée.
Mise à nu, par ses mains animées,
Je m’enivre de sa soif de désir, en arborescence.
Des pépites de joie frissonnantes et électrisées,
Circulent en mon sang, en tous sens.
Mains nues, sur le pont de mon coeur chaviré,
Il me réanime, le goût de vivre.
Une explosion d’endorphines en mes veines transfusées,
Vient diffuser le parfum du désir et enfin me délivre.
Pervenche MAHE
Naissance de Vénus
Quand je ferme les yeux, d’étranges paysages,
Qui gardent dans leurs ciels, mes rêves envolés,
Portent l’écho des cris et des abois mêlés
D’une meute attendant d’impérieux partages.
Ils s’élèvent alors, les longs souffles sauvages,
Les feux jamais éteints de mes désirs celés,
Embrasant les naseaux des coursiers attelés
Aux chars appesantis de rutilants mirages.
Je me retrouve seul sur le pont d’un navire
Dont la toile se tend, dont le haut mât s’étire,
Dressé vers la nuit tiède offerte au vent d’été;
J’attends sous l’alizé pour voir naître une étoile.
Enfin, Vénus paraît, aveuglante, sans voile,
Et mes yeux éblouis découvrent la Beauté.
Yvonne Le Meur-Rollet ( dans le recueil « Confidences croisées »-2003)
J’écris
J’écris sous la pulsion,
j’écris avec sa main.
J’écris pour le plaisir
qui m’enserre et me tient.
J’écris dans le désir
et sa faim est sans fin.
Sous mes doigts il expire
et renaît à deux mains.
Michèle PETTAZZONI
Merci Michèle d’être la première à illustrer le thème de mars avec un aussi joli poème riche de tendresse et de sensualité.
Désir d’enfant
Tous les mots que je tricote
en attendant le nouveau-né
je les maillote
je les dorlote
j’essuie leurs minois barbouillés …
Tous les mots que je tricote
en attendant ton p’tit bout de nez
je les mâchouille
je les trifouille
je les entends même gazouiller …
Les brins d’amour que je tricote
mailles câlines et frisottées
t’enveloppent
mon presque-né
du doux maillot de mes pensées.
Michèle PETTAZZONI