J’ai appris le mot résistance,
Un peu avant d’avoir huit ans.
Une armée baîllonnait la France
Et s’imposait en l’occupant.
Nous savions tous que notre père,
Parti très loin de la maison,
N’était pas prisonnier de guerre
Mais se battait sur d’autres fronts.
Quand l’hiver sifflait aux fenêtres,
Nous l’imaginions au maquis,
Soldat bivouaquant sous les hêtres,
Le ventre creux, le corps transi.
Nous rêvions de nuits d’embuscades,
De plans secrets, de vieux fusils,
D’évasions et de cavalcades
Pour échapper à l’ennemi.
Ainsi se passa notre enfance,
Nid de révolte et de passion.
Nous attendions, pleins d’impatience,
Le jour de la Libération.
Mais quand la paix fut retrouvée,
Je fus envoyée en pension
Et, dans les couloirs du lycée,
Je me sentis comme en prison.
On voulut que je sois docile,
Que j’accepte l’autorité ;
Et des règlements imbéciles
Me privèrent de liberté.
On m’apprit à baisser le front
A retenir mes mots sauvages
A dire « merci » et « pardon »,
Comme on l’exigeait à cet âge.
Je tentai de me révolter
Pour échapper au formatage ;
Je dus finalement céder
Et me plier aux bons usages.
Mais aujourd’hui, dès que j’entends
Monter la haine et la violence
Dans des discours intolérants
J’en appelle à la résistance.
Yvonne Le Meur-Rollet