Ceux-là nous racontaient des histoires de chat
Botté, de princesses, d’épines de roses
Ou de destins de rois, de nababs, de pachas.
Et nous buvions sans soif la magie de leur prose.
Ceux-là de leur enfance nous parlaient rarement
Emplis de leur pudeur, empreints de modestie.
Leurs maux étaient sans mot. Leurs peurs évidemment
Ne devaient être nôtres. Ils étaient investis.
Ceux-là rentraient le soir fourbus et mains calleuses
Crevassées par le gel. Éreintés par l’effort,
Ils se montraient à nous valeureux et heureuse,
Convaincus que cela les rende encor’ plus forts.
Ceux-là étaient pour nous avant d’être pour eux
Jamais un sacrifice, c’est un mot qu’ils ignorent.
Mais ils n’ignoraient pas qu’ils avaient le même vœu,
C’était pour eux après, c’était pour nous d’abord.
Ceux-là offraient souvent leurs plus jolis sourires
Donnant sans recevoir leurs valeurs éternelles.
C’était ça leur crédo, c’était là leur plaisir,
De nous sentir heureux au halo maternel.
Qu’avons-nous mérité, qu’avons-nous commencé ?
Avons-nous retenu un peu de tout cela ?
Sommes-nous parvenus, avons-nous avancé
Ne serait-ce d’un pas ? Serons-nous de ceux-là ?
Les fleurs ont chaud !
Abandonnées sur la terrasse
dans de grands pots de terre grasse
quêtent de l’eau …
Un ciel si beau !
De ce doux bleu qui nous terrasse
quand notre œil se perd ou se glace
près d’un ruisseau …
L’espace est clos !
Je compatis à ce marasme,
Cruel enclos !
Pleurent-elles, les belles vivaces,
lorsque la main qui les enlace
fane au tombeau ?
Dessous de sombres dalles grasses
quelque longue racine lasse
attend son eau …
Pluie de sanglots.
De ces murs défraichis de la salle à manger
Les couleurs sont encor de notre tendre enfance
À bien y regarder rien n’est à déranger
Des tableaux aux cloisons et des plats en faïence.
Les couleurs sont encor de notre tendre enfance
Les odeurs des rôtis et des fruits d’oranger
Des tableaux aux cloisons et des plats en faïence
Où se lovaient nos nuits à l’abri du danger.
Les odeurs des rôtis et des fruits d’oranger
Flattant nos appétits d’innocente jouvence
Où se lovaient nos nuits à l’abri du danger
Nous nous évadions bercés par l’insouciance.
Flattant nos appétits d’innocente jouvence
Le pick-up grésillait un tempo étranger
Nous nous évadions bercés par l’insouciance
De ces murs défraichis de la salle à manger.
Les racines du « blues »
Moi je viens d’un pays où sur les eaux du fleuve
glissent des crocodiles et des fûts d’okoumés.
Dans les arbres des rives, des singes se poursuivent
et des perroquets gris profèrent des insultes
qu’aucun Blanc ne comprend.
Des guerriers sont venus m’arracher à l’Afrique
pour me vendre sans honte à d’avides marchands.
Homme déraciné jeté dans une cale,
j’ai vu pleurer mes frères, enchaînés et tremblants
sans savoir que les vents nous menaient vers l’enfer.
Nous avons survécu malgré les coups, les chaînes,
et nos enfants sont nés , esclaves comme nous.
Nos pieds d’ébène lisse ont planté leurs racines
entre les marigots et les champs de coton.
Enveloppés d’écorce, nous avons contenu
la sève des colères.
Nos espoirs étouffés ont coulé dans nos voix
et le « blues » a couru, entre les rangs de cannes
tandis que sur nos bras se creusaient des entailles
et que nos troncs saignaient sous les marques des fouets.
Nos racines ont puisé des énergies secrètes
dans les terres fécondes, teintées de notre sang,.
Et nos chants ont porté nos désirs et nos peines,
avant que la révolte n’embrase nos douleurs.
Alors nos sombres voix ont ébranlé ce monde
où l’homme blanc, toujours, a imposé ses lois.
LIANE
– TES MAINS QUI NOUS LIENT –
Mon papier confident
Eclaire ma pensée :
Cette ultime légèreté de l’être
Quand il est en amour
Quel est ce lien mystérieux
Qui nous unit ainsi qu’une liane ?
Nous attache, nous enserre,
Nous deux immobiles,
Dans l’attente,
Comme les murs sculptés
D’un temple d’Angkor
Enchâssé de racines,
Oublié du temps
Quelle est cette force qui nous lie
En dehors de tout serment ?
Cette force qui me fait vibrer
Quand je prends tes mains dans les miennes ?
Nous sommes beaux, tout simplement beaux
Et ne voulons pas croire que la beauté existe
Les deux branches du diapason
Vibrent-elles vraiment à l’unisson ?
Je crois les entendre dans le concert de tes mains
Elles me parlent sincèrement
Dans leur mouvement incessant
Te reverrai-je demain ?
Instants sacrés, délicats
Qui ne se décrètent pas,
Divin accord de nos peaux douces
Je te désire dans mes bras
Sans savoir pourquoi
Être aimé, être aimé
Jean-Bernard Vivet
Saint-Suliac, automne 2019
Ceux-là
Ceux-là nous racontaient des histoires de chat
Botté, de princesses, d’épines de roses
Ou de destins de rois, de nababs, de pachas.
Et nous buvions sans soif la magie de leur prose.
Ceux-là de leur enfance nous parlaient rarement
Emplis de leur pudeur, empreints de modestie.
Leurs maux étaient sans mot. Leurs peurs évidemment
Ne devaient être nôtres. Ils étaient investis.
Ceux-là rentraient le soir fourbus et mains calleuses
Crevassées par le gel. Éreintés par l’effort,
Ils se montraient à nous valeureux et heureuse,
Convaincus que cela les rende encor’ plus forts.
Ceux-là étaient pour nous avant d’être pour eux
Jamais un sacrifice, c’est un mot qu’ils ignorent.
Mais ils n’ignoraient pas qu’ils avaient le même vœu,
C’était pour eux après, c’était pour nous d’abord.
Ceux-là offraient souvent leurs plus jolis sourires
Donnant sans recevoir leurs valeurs éternelles.
C’était ça leur crédo, c’était là leur plaisir,
De nous sentir heureux au halo maternel.
Qu’avons-nous mérité, qu’avons-nous commencé ?
Avons-nous retenu un peu de tout cela ?
Sommes-nous parvenus, avons-nous avancé
Ne serait-ce d’un pas ? Serons-nous de ceux-là ?
Attention, fragile
Elle est si peu ancrée dans la vie …
Ses racines effleurent le sable
et le vent impudent la dénude chaque nuit
Elle prend si peu de place dans la vie …
Si peu d’air soulève sa poitrine
qu’elle bleuit au vent quand il fait gris
Elle a si peu confiance dans la vie …
Amis, elle vous tend les mains
serrez-la fort, fixez sa vie
Que le Grand Vent du Nord qui chasse
ne l’emporte pas avec lui …
Michèle PETTAZZONI
Espace clos
Les fleurs ont chaud !
Abandonnées sur la terrasse
dans de grands pots de terre grasse
quêtent de l’eau …
Un ciel si beau !
De ce doux bleu qui nous terrasse
quand notre œil se perd ou se glace
près d’un ruisseau …
L’espace est clos !
Je compatis à ce marasme,
Cruel enclos !
Pleurent-elles, les belles vivaces,
lorsque la main qui les enlace
fane au tombeau ?
Dessous de sombres dalles grasses
quelque longue racine lasse
attend son eau …
Pluie de sanglots.
Michèle PETTAZZONI
L’appartement
De ces murs défraichis de la salle à manger
Les couleurs sont encor de notre tendre enfance
À bien y regarder rien n’est à déranger
Des tableaux aux cloisons et des plats en faïence.
Les couleurs sont encor de notre tendre enfance
Les odeurs des rôtis et des fruits d’oranger
Des tableaux aux cloisons et des plats en faïence
Où se lovaient nos nuits à l’abri du danger.
Les odeurs des rôtis et des fruits d’oranger
Flattant nos appétits d’innocente jouvence
Où se lovaient nos nuits à l’abri du danger
Nous nous évadions bercés par l’insouciance.
Flattant nos appétits d’innocente jouvence
Le pick-up grésillait un tempo étranger
Nous nous évadions bercés par l’insouciance
De ces murs défraichis de la salle à manger.
Fougères
Partout dans le jardin,
Les cris d’enfants fusaient
Des mercredis matin
Aux dimanches de Mai.
Les mères papotaient
Entre deux remontrances.
Les soupirants osaient
Leurs premières avances.
En contrebas je vois
S’étendre la vallée,
La même qu’autrefois,
Avant mon envolée.
Sous le vent mon passé
Frissonne de moiteur
Comme il fut caressé
Au temps de ma candeur.
Je perçois les couleurs
De ma prime jeunesse
Et leurs douces odeurs
Face à la forteresse.
Les arrondis des pierres
Du château cuirassé
Déploient ses meurtrières
À l’aplomb du fossé.
Mélusine et Raoul,
Saint-Hilaire et Coigny,
Seront toujours debout
Quand je serai parti.
Et devant Saint-Sulpice,
Coulent dans le Nançon
Les larmes du supplice
Et le sang des bretons.
Doyenne sentinelle
Des marches de l’Armor
Tu es, ma citadelle,
Mon meilleur réconfort.
Dans le jardin public
Où je jouais naguère
Mon cœur est nostalgique
Face au fort de Fougères.
Regret de n’avoir pas pu entendre ta belle voix lire ces deux poèmes magnifiant la nostalgie de nos racines communes , l’enfance !
Les racines du « blues »
Moi je viens d’un pays où sur les eaux du fleuve
glissent des crocodiles et des fûts d’okoumés.
Dans les arbres des rives, des singes se poursuivent
et des perroquets gris profèrent des insultes
qu’aucun Blanc ne comprend.
Des guerriers sont venus m’arracher à l’Afrique
pour me vendre sans honte à d’avides marchands.
Homme déraciné jeté dans une cale,
j’ai vu pleurer mes frères, enchaînés et tremblants
sans savoir que les vents nous menaient vers l’enfer.
Nous avons survécu malgré les coups, les chaînes,
et nos enfants sont nés , esclaves comme nous.
Nos pieds d’ébène lisse ont planté leurs racines
entre les marigots et les champs de coton.
Enveloppés d’écorce, nous avons contenu
la sève des colères.
Nos espoirs étouffés ont coulé dans nos voix
et le « blues » a couru, entre les rangs de cannes
tandis que sur nos bras se creusaient des entailles
et que nos troncs saignaient sous les marques des fouets.
Nos racines ont puisé des énergies secrètes
dans les terres fécondes, teintées de notre sang,.
Et nos chants ont porté nos désirs et nos peines,
avant que la révolte n’embrase nos douleurs.
Alors nos sombres voix ont ébranlé ce monde
où l’homme blanc, toujours, a imposé ses lois.
Et le « blues » a vibré comme un chant de combat.
Yvonne Le Meur-Rollet. Octobre 2022
Merci pour ce poème beau et troublant qui plonge jusqu’aux racines du mal pour en sortir de l’or…
Un grand merci à Dominique pour avoir fait passer magnifiquement ce texte grâce à sa lecture pleined’émotion maîtrisée.