Ceci est une invitation aux ‘Poètes d’ici’ à venir déposer en commentaires vos poèmes, vos textes lus lors des temps de lectures prévus au Programme du festival.
Mais aussi les textes que vous aviez préparés et qui n’ont pas été lus faute de temps.
Merci à vous de les partager
Ce texte de prose poétique, inspiré par le thème de L »Arbre », a été publié dans le dernier numéro du bulletin municipal « Le Jaguen » pour accompagner l’annonce du festival de poésie 2023.
Arbres…
5Pouvoir les appeler par leurs noms)
Depuis toujours, tu aimes les arbres. Tu aimes les voir luire sous le soleil, se balancer au vent, dégoutter sous la pluie, verdir, jaunir, roussir, se dévêtir et s’envelopper au long des saisons.
Tu aimes aussi les entendre bruire, siffler, grincer, se plaindre, crépiter, craquer dans l’air du temps.
Mais tu aimes surtout les reconnaître et les nommer. Tu aimes dire leurs noms, tu te délectes de leurs syllabes, voyelles fluides comme les feuilles, consonnes rugueuses comme les écorces fendues par les années ou douces comme les tiges des jeunes pousses. Les noms des arbres te ramènent immanquablement sur les chemins de ton enfance. Les fruits tombés sous les châtaigniers de novembre et que tu aperçois en passant sur le chemin des chrysanthèmes, font revivre les cueillettes des vacances de Toussaint, quand tous ceux que tu aimas ne t’avaient pas encore quitté. Les glands qui craquent sous tes pas le long d’un chemin de halage, par un jour fade de septembre, font resurgir les hauts chênes bruissants de hannetons de tes étés d’adolescence. L’odeur fruitée d’une haie que l’on taille près d’une plage te rendent tout proches encore les premiers baisers échangés derrière les cyprès.
Et si tu cherches un peu plus, tu t’aperçois que les noms des arbres te parlent tous de bonheur et de passé. Le balancement des peupliers rangés le long de la rivière se charge d’un souvenir de menthe écrasée par le piétinement du pêcheur qui t’enseigne à prendre tes premières truites. Les troncs des hêtres gris redeviennent les dossiers sur lesquels tu te cales pour lire pendant des heures, à l’abri d’un talus. L’ombre des tilleuls de la cour de l’école abrite des rondes et des parties de billes, et elle accueille aussi, quelques années plus tard, les verres débordants de cidre pétillant servi en l’honneur des bacheliers heureux du début de juillet..
Et puis, un jour tu t’en vas vivre loin, dans une île en forme de fleur posée sur un lagon turquoise et tiède. Tu reconnais les cocotiers qui se balancent exactement comme dans les films, les bananiers, à cause des bananes, bien qu’elles s’accrochent dans le sens inverse de celui que tu imaginais… Mais tout au long des plages de sable blanc ou noir, sur les flancs des volcans éteints des îles hautes, dans les lagunes des atolls balayés par les pluies ou grillés de soleil, poussent des dizaines d’espèces d’arbres dont tu ignores le nom. Tu es soudain très triste d’être obligé de les appeler arbres, faute de pouvoir mettre un nom sur leurs troncs, leurs branches, leurs feuilles et leurs fruits. Et si cette ignorance dure trop longtemps, si personne ne t’apprend à les distinguer les uns des autres, tu as envie de retourner chez toi où t’attendent le tremble près de l’étang, l’orme de la place de l’église, le troène, le pommier et le figuier de ton jardin.
Yvonne Le Meur-Rollet
Loin du monde
La douceur de vivre
ici et maintenant
dans les branches de ma maison.
Suspendue loin de la terre,
de ses désastres,
de ses guerres,
je contemple infiniment
le ciel, les aurores et j’entends
les oiseaux dans les feuillaisons.
Je bois l’eau des pluies et du vent,
dans mon hamac, près de la cime ;
Je rêve de nids, d’oisillons,
ma main caressant l’horizon.
Plus de tourments,
de peurs inutiles,
la vie naturelle s’affirme,
dans ses couleurs, dans son roman,
aux senteurs des quatre saisons.
J’habite un arbre, une petite île,
heureux Robinson en exil,
moitié sauvage, moitié hors du temps !
Je vis ici et maintenant
loin des villes, loin des parterres,
loin des cris, loin de la misère,
Vendredi est mon seul amant,
dans les nuages,
dans l’abandon.
Michèle PETTAZZONI
Un saphir dans le cœur.
Mon amour s’écrit comme « j’aime »
gravé dans l’écorce d’un bois,
Caché par les branches nouvelles,
personne ne sait qu’il est là.
Au fond du cœur il se tapit,
loin des yeux, loin des blablablas,
une mémoire dans la chair,
saphir serti par tant d’émois .
Mon amour vit comme un poème,
mais sans titre et sans porte-voix,
il est plus secret qu’un « je l’aime »,
nul sur mon œil ne le lira.
Si un jour mon arbre périt,
Couvrant mon amour de ses bras,
S’arracheront tous mes « je t’aime »
pour une flambée dans ses bois.
Michèle Pettazzoni
Voici un pantoum écrit sur le thème de l’arbre.
Le cerisier auquel s’identifie le narrateur , est souvent représenté sur les estampes japonaises, d’où son double titre.
‘L’amant nippon (ou Estampe)
Un cerisier dans un jardin,
Lorsque le ciel se japonise,
Dresse sa torche de satin.
Là-haut, la neige s’éternise…
Lorsque le ciel se japonise,
Dans l’étincelle du matin,
Là-haut, la neige s’éternise
Au flancs d’un volcan clandestin.
Dans l’étincelle du matin,
Retombe ma paume indécise.
Aux flancs d’un volcan clandestin,
J’estampe une douleur exquise…
Retombe ma paume indécise,
S’émerillonne mon chagrin.
J’estampe une douleur exquise,
Qui creuse et mord comme un burin.
S’émerillonne mon chagrin…
Ma faim de toi toujours s’aiguise,
Qui creuse et mord comme un burin,
Brasier couvant sous la banquise.
Ma faim de toi toujours s’aiguise…
Je suis un amant incertain,
Brasier couvant sous la banquise,
Un cerisier dans un jardin.
Yvonne Le Meur-Rollet
Fin de siècle
Tempête, carnage.
Arbres qui ploient ou s’abattent.
Troncs brisés, tordus, cassés, déchiquetés.
Branches qui grincent, s’arrachent, partent à la volée.
Éclairs fulgurants. Le tonnerre n’est qu’un murmure de plus.
Le vent mugit, rugit,
enrage comme animal en furie.
Renverse tout ce qui lui fait barrage.
Branches cassantes qui raclent le sol !
Branches flexibles qui résistent en sifflant !
Les jeunes arbres dansent entre la vie et la mort,
se courbent, se tordent, se redressent comme un fouet,
s’effondrent comme de lourds Albatros sur le pont d’un bateau.
Les biens enracinés, les biens placés, les chanceux demeurent.
Les fragiles, les chargés d’aiguilles vernissées cassent sec.
Les vieux, les centenaires, les remarquables, s’abattent.
Longues déchirures qui retentissent au cœur du bois.
Douleurs de l’arrachement qui affole ma mémoire.
Coups de canon qui claquent en cascade.
Chaîne de ruptures qui s’accélèrent.
Fracas de fin du monde.
Souffrance inhumaine
que je partage,
effondrée.
Je ne sais
ce que vit un arbre
blessé à mort par le vent.
Que perçoit-il de ce qui lui arrive ?
De quelle nature est sa ‘’ souffrance ‘’ ?
Ce n’est pas de l’anthropomorphisme, mais une question :
l’arbre vit, croît, se reproduit et enfin meurt.
Comment pourrait-il ne pas ressentir
ce qui menace directement
sa survie ?
Les plantes sont dotées de sensibilité
et de moyens de communication
dont la science découvre la richesse,
décrypte les mécanismes.
Une ‘’ intelligence de la vie ‘’ qui fait leur réussite évolutive.
Elle fort peu en commun avec la notre, mais peut-être rien à lui envier !
Une manière d’être au monde qui nous est radicalement étrangère,
et malgré tout si proche !
Ode à un ginkgo centenaire blessé par le vent
Arbre aux écus d’or,
toi qui te couvres d’or au déclin de l’été,
l’Asie t’a nommé Fontaine de Jouvence pour tes vertus nombreuses,
la science t’a baptisé Ginkgo biloba pour tes feuilles en éventail.
Tu avais su résister à la trop longue nuit de cette fin de ce siècle,
mais ce matin d’été, voilà, tu lâches prise.
Cette tornade n’aura nulle pitié de ta beauté sereine.
Violence. Déchirure. Perte et séparation.
Arbre vivant, aujourd’hui torturé par le vent,
concentre tes forces, préserve l’essentiel.
Tes éventails volent comme oiseaux blessés,
qui jonchent ça et là l’herbe tourmentée.
En écho aux vents furieux, s’enroulent tes plaintes échevelées.
Tes lourdes branches partagent la danse d’éléments déchaînés.
Plaquées au sol. Inertes. Abandonnées.
Sans fruit à venir.
Mais tu soupires enfin dans le vent qui s’apaise,
oublieux sans doute de ta ramure perdue.
Heureux d’être vivant. Debout. Enraciné.
Sais-tu que femme se fit complice du vent
pour dérober tes branches cachées dans l’herbe humide ?
Sais-tu que de ton bois deux sculptures sont nées ?
Façonnées par une main amie.
Œuvre d’arbre. Toujours en devenir.
Écorce bosselée aux dessins tourmentés,
peau rugueuse qui protégeait l’arbre vivant !
Bois à fine texture qui appelle la caresse
les spirales du temps te parcourent.
Arbre mythique, symbole de renaissance et d’immortalité,
tu ne seras point livre où s’inscrit ton histoire,
ni humus au pied de l’arbre,
ni fumée dans la cheminée
mais poème emporté
par le vent.
Et si mes sculptures étaient des poèmes ?
Des mots ayant trouvé à s’incarner
dans des fragments de bois morts ?
Des bois abandonnés, qui ces jours lointains furent racines,
troncs et branches d’arbres que le vent faisait frémir !
Des bois trouvés, puis recueillis, au hasard de la vie,
des besoins, des envies, des idées, des amis.
Et si les mains aussi parlaient,
façonnant lentement des mots
qui fusent comme des cris ?
Inscrits dans le bois ?
Cachés au fond de ma mémoire ?
Nés de rencontre ?
Pas de langue de bois,
une sculpture a le poids
des rêves qu’on porte en soi.
L’œil les caresse,
la main les effleure,
sans y penser, sans s’attarder.
Mots d’ombres et de lumières
que des mains attentives déchiffrent,
faisant douce provision d’émotions et de sens.
Des mots pour plonger dans le bois comme au miroir d’un lac
Pour explorer l’espace, vivre le temps qui passe, m’y sentir vivante.
Des mots qui s’enracinent, vibrants comme l’air et l’eau.
Des mots qui s’offrent nus, ronds tels des fruits mûrs.
Et fleurit la douceur de vivre,
secret partagé.
Déchirure
Flamme figée
dressée entre ciel et terre.
Écho lointain à l’arbre d’Hiroshima
Ta verticalité s’affirme malgré la fêlure oblique.
Ton écorce témoigne que tu fus arbre vivant.
L’entaille béante témoigne de la lutte
Ton bois éclaté se souvient de la tempête.
La résine épouse les fibres de ton bois déchiqueté
Et sous la transparence, la fureur du vent demeure emprisonnée.
Mais ta blessure s’environne de douceur.
Fontaine de jouvence
Union intime des contraires
ta forme circulaire est plénitude.
Il est des Ginkgos mâles et des Ginkgos femelles.
Pleins et vides s’équilibrent
Yin et Yang.
Œil et regard.
Un univers de courbes te parcourt
des ouvertures te traversent,
chemins de lumière joignant les opposés.
Anneau traversé par de la lumière
Tu tiens en équilibre sur ta pierre anguleuse
Suspendu par un lien à l’arceau de métal
Les spirales du temps te parcourent
Fragment du plus vieux des arbres
Toi qui connut les premiers matins du monde.
Encore une fois
Encore une fois
planter un arbre.
Encore une fois cueillir une fleur.
Est-il encore debout
ce hêtre pourpre
au jardin de l’enfance ?
Encore une fois
couper la branche
d’un arbre que j’ai vu mourir.
Sont-ils encore debout
les aulnes
sur la rivière de ma jeunesse ?
Encore une fois
sculpter leur bois.
Encore une fois créer une œuvre.
Sont-ils encore debout
les frênes
du petit bois derrière chez moi ?
Encore une fois
dormir à l’ombre
d’un arbre que j’ai vu grandir.
Est-il encore penché vers la source
ce saule pleureur
qui m’a vu grandir ?
Dès l’aube
Sac au dos
bottes aux pieds.
Pêcheur d’images
d’émotions.
Avance furtive
tous sens en éveil.
Dans la terre
gorgée d’eau,
la trace d’un sabot.
Toute fraîche !
La biche ?
Elle était là !
Une branche craque
le héron s’envole
le ragondin plonge.
Me voilà seule.
Désemparée.
Et pourtant,
les arbres sont là.
Droits, tordus,
leur verticalité
me rassure.
Fragilité des fougères
que le plan d’eau nourrit.
Levée du vent ,
le lac s’anime.
La lumière miroite
s’éparpille et fuit.
Un rayon tardif
effleure le rameau d’un chêne.
Doux balancements.
Et tombe la pluie.
Danse du feuillage.
Silence des oiseaux.
Sous le tambour des gouttes
le lac a la chair de poule.
Seule avec la forêt
Seule
dans la forêt immobile,
assise au bord de l’eau.
En ce lieu du bout du monde,
je crois enfin être à ma place.
Ce pays n’est pas le mien, sachez le,
où tendresse et violence se côtoient,
mais l’esprit du lieu me pénètre et m’absorbe.
Je crois même à la fois m’y dissoudre et m’y ressourcer.
Envoûtée par la magie de ce lieu silencieux, étrange, et reculé,
j’aime que nulle parole dure ne puisse m’atteindre et me blesser.
Attentive, je vois la lumière oblique ricocher sur les pierres immergées,
car toute création, fugitive et belle, est entrevue quand vient le soir.
On se croit encore riche d’un futur ô combien prometteur,
dur apprentissage d’une sagesse qui me dépasse.
Trop petit jardin encore sauvage et libre,
où la goutte d’eau miroite doucement.
Tout ce calme n’est qu’une illusion
dans ce monde de mouvement.
Saura-t-on t’aimer assez
toi qui nous supportes,
la terre.
Élise Feuillade-Pagès
LE LIEU D’OR
Après bien des forêts et tant de fleuves,
De bras d’eau morts sous les frondaisons,
Je perds toute lucidité, suis transi.
Une luciole, comme un appel,
Une boussole,
Luit.
De guerre lasse je la suis,
Plus par dépit que par envie.
Comme d’une amphore,
Il en sort une seconde,
Une myriade,
Une pléthore
Ce sillage de phosphore
Se fait ténu fil d’Ariane
Guide inopiné
Parmi les lianes
De ce désert vert.
L’espoir se plaît à renaître
Les bras saisissent les rames
L’esquif retrouve de l’erre
De l’avant, aller de l’avant,
C’est la seule idée qui vaille
Le dos tourné vers son avenir.
Oublieux des fatigues
Le buste se cambre,
Le dos se cabre,
Tel un cheval de Troie
Prêt à investir l’imprenable,
Se rendre maître du lieu sacré,
Du lieu d’or.
Une trouée soudain s’ouvre dans la canopée
Tel un ponton en plein océan
Le grappin est lancé, la barque amarrée,
Le talus sauté. Je vole vers ce miroir sans tain.
Le rideau d’arbres se déchire alors
Tout à fait
Et laisse découvrir
Dans ce théâtre de verdure
Parfait
Une cité sereine
Aux arcades percluses d’or
Aux murs d’émail luisant
Bleu azur, lapis lazuli,
Et cornaline
Un lieu où sans peine
Je m’endors, où sans peine
Je m’éveille, comme si j’avais
Mille ans
Où la volupté dit son nom
Dans chaque effluve
Dans la fleur que l’on frôle
Dans la brume odorante
Qui confie ses gouttes
A la bouche,
Dans le bruissement têtu des insectes
Fébrile fond sonore
Dans le plaisir des pas
Perdus sans pesanteur
Dans l’arythmie du cœur
Qui s’écoute
Dans le diffus et le confus
Foisonnement des sens
Dans le bourdonnement intense
Des tempes
Je glisse l’amble sous une branche
Comme le ferait un cheval
Je ne pense plus à rien que
De m’étendre, me détendre
Ne rien plus attendre
Que la lumière et ses bienfaits :
Un subtil reflet d’ange
Sous l’arche ovale d’un pont
Dans le courant lent de l’eau
Qui cache ses remous
Comme une mère
Ses petits.
Jean-Bernard Vivet
Saint-Malo, 15 juin 2017
LE PARC ARBORÉ
Dans le parc aux grands arbres, moi, tout petit, en plein midi,
Retour d’école, à l’abri des regards et de tout curieux,
Tout alentour se nimbe de mystères, de géhenne,
Dans la prunelle de mes yeux
Le séquoia s’élève au zénith
De grands rêves plein les branches
Et je médite sur son tronc qu’ailleurs on dynamite
Sur les entrailles du temps ouvert à tout va
Le catalpa ne subit pas ce sort là, pourquoi ?
De son bois, de ses fruits longs, personne n’en n’a cure,
Ce sont ses feuilles, son architecture, port altier et majesté,
Qui retiennent le regard, son étrangeté,
Les fleurs du marronnier : autant de chandeliers
Eclairant de rose et de blanc nos vertes années
Dans ce jardin je suis né
A l’abri des fourrés, des bosquets,
Où je me suis maintes et maintes fois promené
Dans le labyrinthe de buis vert doré
J’ai contemplé la statue blanche de Marie
Bien tranquille sur son piédestal
Et j’ai perdu les pédales dans ce dédale
Art, religion, beauté, que sont ces choses au fond ?
Déambulation d’un enfant dans ce monde trop vaste, perdu
Dans ces buissons épineux à l’image de l’homme
Ces dahlias que ma mère aimait tant :
Fleurs coupées pour le seul plaisir d’un instant
Que faire quand tout dans la tête est vibration,
Envie de croître jusques aux nues ou bien garder son enfance ingénue ?
De quel bois suis-je donc fait ?
Aurais-je un jour la joie d’un répons,
A l’heure où j’entends au loin la hache du bûcheron ?
Jean-Bernard Vivet
Saint-Suliac, 15 juillet 2023
Festival de poésie ‘’La houle de mots’’
Saint-Jacut-de-la-mer
28, 29, 30 Juillet 2023
‘’La houle des cimes, arbre de vie pour retisser des liens avec la nature’’
Lectures proposées par Dominique Mongodin
Préambule
Bonjour, merci d’être venus
Je vais tenter de vous distraire
Dans les parcours trop inconnus
Des arbres et de leur mystère.
Juste après mon introduction,
Allons de saison en saison.
Souvenirs d’un billot (Introduction)
Au charme bien nommé (pour le Printemps)
L’arbre à lettres (pour l’Été)
Fin d’été (pour l’Automne)
Brume (pour l’Hiver)
Souvenirs d’un billot
Ma sève desséchée, sous mon écorce grise
Et ridée par les ans, garde le souvenir
Des oisillons moqueurs, des douceurs de la brise
Et des fruits violacés que j’offrais à nourrir.
Protégés par les hêtres et entourés de charmes
Nous grandissions croyant à ces noces de chênes
Et les hivers passaient sans qu’on rende les armes.
Je feuillais au printemps, ils exhibaient leurs faines.
Sur ma peau caressante venait le solitaire
Se détendre le dos, borner son territoire.
Au début de l’automne, ne pouvant plus se taire,
Le roi des lieux lui-même bramait son répertoire.
À vaincre les grands froids et les étés torrides,
À puiser l’énergie plus loin dans nos racines,
Nous vivions entre nous sur nos terres acides
Où les vents s’efforçaient à courber nos échines.
Un jour j’ai vu partir mes premiers congénères
Rongés par la vermine, résignés, trop âgés
Et tant d’autres si beaux aux postures altières
Dont vous m’avez volé les parfums ombragés.
Puis vous êtes venus abattre mes efforts,
Tous ces ans déployés dans mes cernes marquées.
Vos dents m’ont pénétré et je hurlais aux morts
Quand vous m’avez couché au milieu des bosquets.
Je fais feu de tout bois, c’est la ma destinée
Je siffle, je transpire. Je pète sans esclandres
Dans ce crématorium qu’est votre cheminée.
Je suis né dans l’humus, je finis par les cendres.
.
Au charme bien nommé
Repliée savamment dans son bourgeon oblong
Charnu, gorgé de sève, gavé de soleil,
Une feuille patiente avant son éclosion.
D’un baiser de rosée la princesse s’éveille.
Les entrelacs de bois noueux et parme
Se brodent lentement d’une dentelle
Délicate qui dévoile son charme.
Et les rameaux se courbent devant elle.
Brillante petite feuille de charmille
Origami fragile sur sa brindille.
L’arbre à lettres
(À fleur de mots)
Les branches chargées sont trop fragiles
Pour garder tout le poids des fleurs
Qui se sont épanouies au fil
Des mois et des jours et des heures.
Le vent devient alors pour l’arbre un allié
Et libère les rameaux des pétales pesants.
Les corolles s’élancent, prennent leur liberté
Dans un ballet coloré et odorant.
Trop fraiches pour germer si elles tombent à terre
D’être baies : impossible ! Elles manqueront de sève.
Elles doivent voleter pour devenir matière
À transporter les âmes et exaucer les rêves.
Elles forment un nuage parfumé et fruité
Dans les espaces qui se proposent à elles
Et les invitent à se métamorphoser
Pour qu’elles se pollinisent en consonnes et voyelles.
Ainsi les mots paraissent et les paroles s’envolent
Au bon gré des caprices du souffle hasardeux
Jusqu’à trouver jardin sur des bouches frivoles
Ou dans l’encre fébrile d’un poète amoureux.
Il faut œil prévenant ou oreille attentive
Avant que se dispersent et viennent s’égarer
Les phrases inspirées par la branche lascive.
Alors je prends le temps de voir et d’écouter.
Fin d’été
Voilà que les frondaisons recommencent à jaunir
Les cimes des arbres se dégarnissent en premier
La sève ne monte plus jusqu’à elles pour nourrir
Les rameaux qui se sont formés depuis le mois de mai.
Le terrien trop pressé oublie ce que sont les saisons
L’hivernage ne lui semble qu’une perte de temps
Il veut que son sang bout toujours et sans défloraison
L’hiver n’est pas l’été, l’automne n’est pas le printemps.
J’entends les chutes des feuilles séchées et dénutries
Métronomes inéluctablement désordonnés
Par un souffle d’air ou l’envol d’un migrant martinet.
Quand ils auront enfin perdu leurs feuillages flétris
Pour se mettre en sommeil, les poumons de la terre
Livreront leurs branches nues aux froids soleils d’hiver.
Brume
C’était une légère brume
Semblable à l’écume
Oubliée sur la plage.
Elle glissait jusqu’aux rivières
En voilant la lumière
Dessus les pâturages.
Un oiseau s’évada
De l’écran naturel
Et puis il retourna
Le temps de deux coups d’ailes
Se perdre dans le vide
Cotonneux et humide.
La brume s’effaçait
Sans qu’on s’en aperçoive.
Dans l’eau se reflétait
Un hêtre, tel une épave.
Au ruisseau il offrait
Les feuilles qui lui restaient.