Texte de Yvonne Le Meur-Rollet écrit sur sur la musique de « J’aime les filles » de Jacques Dutronc.
Interprété à la guitare par Franc-Loup Mahé des Portes, accompagné par Olivier Guérin.
J’aime le pont / de Tancarville ,
Les ponts du Rhin, / les ponts du Nil.
J’aime le pont /d’la rivièr’ Kwaï,
Et l’pont d’ Arcol’/ dans la bataille.
J‘aime les ponts / d’San Francisco
Les ponts de lianes / sur le Congo,
Les ponts sur le / Guadalquivir
Et bien sûr le / Pont des Soupirs.
Si vous aimez ça, téléphonez-moi
Si vous aimez ci, téléphonez-me.
J’aime le via / duc de Millau
J’aime aussi le / Pont du Guildo.
J’aime le Vieux / Pont sur la Rance,
Et à Brest le / Pont d’Recouvrance.
J’aime les ponts / à plusieurs piles,
Les ponts qui nous / relient aux îles,
Et ne l’répé / tez à personne,
Le Pont d’la rout’ / de Madison.
Si vous aimez ça, téléphonez moi
Si vous aimez ci, téléphonez me.
J’aime les ponts / tout en béton
Sur lesquels pass’ /des marathons.
J’aime les ponts / vibrant au vent,
Suspendus à /de fins haubans.
J’aime les ponts /qu’on reconstruit
Aussitôt qu’ la / guerre est finie ,
Et allez donc / savoir pourquoi,
Les ponts sur la / Bérézina.
Si vous êtes comm’moi, téléphonez-moi
If you are like me, please, oh ! pleas’ lov’ me.
La vie, telle un grand fleuve, séparant les générations, sinue entre ses berges, emportant sur son passage , les traditions, les coutumes, les usages, mais se jette inexorablement dans les grands fonds.
Semer des mots comme une envolée de graines par dessus la fougue des flots et essayer de les faire germer avant qu’ils se noient.
Avoir envie de contrarier ce cours et empêcher que tout parte à la mer, bâtir un pont avec les pavés de ma mémoire, les pierres de mes souvenirs, et relier l’autre rive avec mes héritages…
Ressentir le besoin de jeter sur des pages, les mots de mon enfance ,les moments heureux ,le parler de ma grand’mère, des témoignages qui écorchent parfois, des mots qui font rire, des mots vrais…
Envoyer ces mots, mine de rien aux oreilles de mes petites filles, pour les faire sourire ou bien reprendre ensemble les comptines que ma grand mère me chantait..
J’écris, je griffonne, je transporte sur le papier, mes souvenirs, avec l’espoir que le jour venu, mes petites filles, en fouillant dans les cartons se rappellent avec bonheur ces mots, qui tels des papillons légers se sont posés et ont été cueillis au creux de leur oreille…
« Tu te souviens Maëlanne? tu te souviens Manon? tu te souviens Marilys? » quand Mémé nous récitait le r’nard et la con/nie.
Le pont raidit le paysage
C’est comme un étranglement des rives
Une invitation à forcer le fleuve vert
A filer vers sa destinée, la mer
Loin, très loin, des premières gouttes de sa naissance.
Aucun bac n’ira couper sa route
Le pont l’enjambe avec la prestance d’un géant
Un Gargantua qui aurait figé ses bottes
Dans les anfractuosités de la roche qui l’enserre
Et qui regarde l’eau glisser entre ses doigts
De granit, de schiste, en soulevant son lit d’argile.
L’eau peut s’étendre, se couler dans sa couche
Retrouver l’enchantement d’un vieux bras
Mais il lui faudra franchir l’espace de cette arche
Arc-boutée entre ciel et terre,
Baldaquin à son alcôve.
Jusque dans mes entrailles
Je ressens ce bruissement
Ces tourbillons de fluide
Au flot et au jusant
Cette lutte des éléments
Qui grignotent peu à peu
L’hérésie des hommes,
Qui ronge patiemment son béton
Jusqu’à arracher un jour ses assises au vieux pont
Défi illusoire à l’érosion du temps qui s’écoule.
L’ouvrage d’art éphémère alors s’écroule,
Ultime tentative de barrage
Au jaillissement inéluctable de la vie.
Pont de Rance,
Tu signes la ligne de partage des eaux
Et la bétonnes
Des tonnes de sable il a fallu
Volées aux dunes, aux falaises, aux herbus
Pour bâtir ce rempart au fleuve,
Aux vives et mortes eaux,
Dans ta cage, tu emprisonnes
Cétacés, phoques et une baleine à bosse,
Ces mammifères marins qui nous font rêver
A en oublier la fée électricité
Les rives s’envasent à chaque marée
Tadornes, aigrettes, hérons, bernaches,
Traits fulgurants, noirs, gris et blancs
Contre le limon couleur de ciel
De mauvais temps
Pont de Rance,
Combien de fois ai-je pesté
Pressé, contre ton tablier levé
Des morts tu en as connu
Retour de soirées éthérées
Bravade, griserie de vitesse
Fin d’ivresse dans ton parapet
Même pas froissé
Jeunes, ados, décédés,
Vies dévastées
Un pont c’est presque rien
Quand on n’y prête pas garde
C’est pourtant, si l’on y songe bien, ce lien
Qui nous unit à ceux de l’autre rive
Eux qui nous regardent et s’immobilisent
C’est un éclair qui immortalise
La lumière dans la nuit
Une prière accueillie
Quand tu me dis
Que tu ne vas pas bien
C’est la joie d’une rencontre inespérée
Le retour de l’enfant apeuré
Le chant du cygne
Dans les eaux glacées
Les doigts qui s’invitent
Entre le père et le fils
Dans la chapelle Sixtine
Son arche est faite de nos corps entrelacés
De nos vies assemblées
De nos chairs déchirées
Mais il tient bon
Tant que ne tombent pas les bombes
Il nous supporte autant que nous nous supportons
Frères humains, donnons-nous la main.
Je vous ai dit souvent qu’il n’est pas de hasard.
Ce qui doit arriver se produit tôt ou tard
Et j’aime à penser que les carrefours ne sont
Que pour se rencontrer comme un fleuve et un pont.
Un petit pas vers l’un, vers l’autre un peu plus loin,
À mi-chemin l’ouvrage en devient le témoin.
Car un pont se construit de chacune des rives
D’où les deux bâtisseurs franchissent les eaux vives.
Deux vies se rencontraient. C’était la destinée
Qui s’obligeait à eux. Mais dans cette épopée
On peut se demander où sont les origines
Des ponts qui leur donnaient l’amour des rimes fines.
D’un pont entre les deux s’est bâtie l’amitié
Comme un ouvrage qui se trouvait fortifié.
Sans être dépendants, ils étaient en commun
Un peu de temps en temps sur le même chemin.
Leur pont était le lien entre leurs berges bleues
De ceux qui se traversent pour visiter les lieues
Des arcanes fleuris, des éthers de l’esprit
Qui coulent sous les ponts comme un sonnet s’écrit.
Le premier s’ancre dans la terre
Structure solide, rêve de pierre
Nous reconnaissons à ses lignes
Un créateur honnête et digne.
Le second offre sa portée
Chaussée de géant à nos pieds
Réussir à en venir à bout
Relève d’un pari fou.
Le troisième plante son mât
Directement dans le ciel
Il capte le soleil
Nous le restitue éternel.
Tant d’autres suivent et ne se ressemblent pas.
Certains se parent des couleurs de l’arc-en-ciel
Ils nous émerveillent
Ceux-ci se fondent dans les noirs et gris
De nos mémoires en survie…
Ces ouvrages construits par la main de l’ homme
Enjambent montagnes et volcans
Se riant des frontières et des orages hurlants.
Ces ponts de papier, on les nomme : liber. bog, ramaat, book, kaitan…livre !
Ils sont monumentaux, impressionnants, déstabilisants
Légers, poétiques, attirants…
Quintessence unique de nos existences éphémères
Tellement fragiles aussi : on les brûle, on les ampute, on les enferme…
On les oublie dans les prisons du temps qui nous perd tous.
Ces ponts que nous recherchons, ces livres que nous aimons
Nous relient les uns aux autres
Qu’importe la couleur du drapeau sur leurs bandeaux
Ou la couleur des mains sur leurs chagrins.
Ponts voyageurs, tapis magiques
Ils nous transportent de la terre à la lune
Jusqu’aux étoiles…et au-delà.
Texte de Yvonne Le Meur-Rollet
Pontons désertés.
La rivière, là-bas, s’étire
Entre les chênes émondés.
L’orme, penché sur l’eau, soupire,
Rameaux et branches dénudés.
Entre les chênes émondés,
Le temps est passé sans sourire.
Rameaux et branches dénudés,
C’est un soir où l’automne expire.
Le temps est passé sans sourire…
Tous les ponts se sont écroulés.
C’est un soir où l’automne expire,
Sous les piliers démantelés.
Tous les ponts se sont écroulés,
Est-il d’autres mots pour le dire ?
Sous les piliers démantelés
Ton visage aimé se déchire.
Est-il d’autres mots pour le dire ?
Les serments se sont effrités.
Ton visage aimé se déchire,
Au long des pontons désertés.
Les serments se sont effrités,
Reste un reflet que je désire…
Au long des pontons désertés,
La rivière, là-bas, s’étire.
Texte de Yvonne Le Meur-Rollet écrit sur sur la musique de « J’aime les filles » de Jacques Dutronc.
Interprété à la guitare par Franc-Loup Mahé des Portes, accompagné par Olivier Guérin.
J’aime le pont / de Tancarville ,
Les ponts du Rhin, / les ponts du Nil.
J’aime le pont /d’la rivièr’ Kwaï,
Et l’pont d’ Arcol’/ dans la bataille.
J‘aime les ponts / d’San Francisco
Les ponts de lianes / sur le Congo,
Les ponts sur le / Guadalquivir
Et bien sûr le / Pont des Soupirs.
Si vous aimez ça, téléphonez-moi
Si vous aimez ci, téléphonez-me.
J’aime le via / duc de Millau
J’aime aussi le / Pont du Guildo.
J’aime le Vieux / Pont sur la Rance,
Et à Brest le / Pont d’Recouvrance.
J’aime les ponts / à plusieurs piles,
Les ponts qui nous / relient aux îles,
Et ne l’répé / tez à personne,
Le Pont d’la rout’ / de Madison.
Si vous aimez ça, téléphonez moi
Si vous aimez ci, téléphonez me.
J’aime les ponts / tout en béton
Sur lesquels pass’ /des marathons.
J’aime les ponts / vibrant au vent,
Suspendus à /de fins haubans.
J’aime les ponts /qu’on reconstruit
Aussitôt qu’ la / guerre est finie ,
Et allez donc / savoir pourquoi,
Les ponts sur la / Bérézina.
Si vous êtes comm’moi, téléphonez-moi
If you are like me, please, oh ! pleas’ lov’ me.
Poème de Louise Montagne
LE PONT
La vie, telle un grand fleuve, séparant les générations, sinue entre ses berges, emportant sur son passage , les traditions, les coutumes, les usages, mais se jette inexorablement dans les grands fonds.
Semer des mots comme une envolée de graines par dessus la fougue des flots et essayer de les faire germer avant qu’ils se noient.
Avoir envie de contrarier ce cours et empêcher que tout parte à la mer, bâtir un pont avec les pavés de ma mémoire, les pierres de mes souvenirs, et relier l’autre rive avec mes héritages…
Ressentir le besoin de jeter sur des pages, les mots de mon enfance ,les moments heureux ,le parler de ma grand’mère, des témoignages qui écorchent parfois, des mots qui font rire, des mots vrais…
Envoyer ces mots, mine de rien aux oreilles de mes petites filles, pour les faire sourire ou bien reprendre ensemble les comptines que ma grand mère me chantait..
J’écris, je griffonne, je transporte sur le papier, mes souvenirs, avec l’espoir que le jour venu, mes petites filles, en fouillant dans les cartons se rappellent avec bonheur ces mots, qui tels des papillons légers se sont posés et ont été cueillis au creux de leur oreille…
« Tu te souviens Maëlanne? tu te souviens Manon? tu te souviens Marilys? » quand Mémé nous récitait le r’nard et la con/nie.
-Montagne Louise – février 2023 –
LE PONT
– HÉRÉSIE DES HOMMES –
Le pont raidit le paysage
C’est comme un étranglement des rives
Une invitation à forcer le fleuve vert
A filer vers sa destinée, la mer
Loin, très loin, des premières gouttes de sa naissance.
Aucun bac n’ira couper sa route
Le pont l’enjambe avec la prestance d’un géant
Un Gargantua qui aurait figé ses bottes
Dans les anfractuosités de la roche qui l’enserre
Et qui regarde l’eau glisser entre ses doigts
De granit, de schiste, en soulevant son lit d’argile.
L’eau peut s’étendre, se couler dans sa couche
Retrouver l’enchantement d’un vieux bras
Mais il lui faudra franchir l’espace de cette arche
Arc-boutée entre ciel et terre,
Baldaquin à son alcôve.
Jusque dans mes entrailles
Je ressens ce bruissement
Ces tourbillons de fluide
Au flot et au jusant
Cette lutte des éléments
Qui grignotent peu à peu
L’hérésie des hommes,
Qui ronge patiemment son béton
Jusqu’à arracher un jour ses assises au vieux pont
Défi illusoire à l’érosion du temps qui s’écoule.
L’ouvrage d’art éphémère alors s’écroule,
Ultime tentative de barrage
Au jaillissement inéluctable de la vie.
Jean-Bernard Vivet Saint-Suliac, 11 février 2023
PONT DE RANCŒUR
Pont de Rance,
Tu signes la ligne de partage des eaux
Et la bétonnes
Des tonnes de sable il a fallu
Volées aux dunes, aux falaises, aux herbus
Pour bâtir ce rempart au fleuve,
Aux vives et mortes eaux,
Dans ta cage, tu emprisonnes
Cétacés, phoques et une baleine à bosse,
Ces mammifères marins qui nous font rêver
A en oublier la fée électricité
Les rives s’envasent à chaque marée
Tadornes, aigrettes, hérons, bernaches,
Traits fulgurants, noirs, gris et blancs
Contre le limon couleur de ciel
De mauvais temps
Pont de Rance,
Combien de fois ai-je pesté
Pressé, contre ton tablier levé
Des morts tu en as connu
Retour de soirées éthérées
Bravade, griserie de vitesse
Fin d’ivresse dans ton parapet
Même pas froissé
Jeunes, ados, décédés,
Vies dévastées
Tu peux bien ouvrir tes vannes
Et pleurer.
Jean-Bernard Vivet Saint-Suliac, 22 février 2023
UN PONT C’EST PRESQUE RIEN
Un pont c’est presque rien
Quand on n’y prête pas garde
C’est pourtant, si l’on y songe bien, ce lien
Qui nous unit à ceux de l’autre rive
Eux qui nous regardent et s’immobilisent
C’est un éclair qui immortalise
La lumière dans la nuit
Une prière accueillie
Quand tu me dis
Que tu ne vas pas bien
C’est la joie d’une rencontre inespérée
Le retour de l’enfant apeuré
Le chant du cygne
Dans les eaux glacées
Les doigts qui s’invitent
Entre le père et le fils
Dans la chapelle Sixtine
Son arche est faite de nos corps entrelacés
De nos vies assemblées
De nos chairs déchirées
Mais il tient bon
Tant que ne tombent pas les bombes
Il nous supporte autant que nous nous supportons
Frères humains, donnons-nous la main.
Jean-Bernard Vivet Saint-Suliac, 22 février 2023
Il n’est pas de hasard, il est juste des ponts
Je vous ai dit souvent qu’il n’est pas de hasard.
Ce qui doit arriver se produit tôt ou tard
Et j’aime à penser que les carrefours ne sont
Que pour se rencontrer comme un fleuve et un pont.
Un petit pas vers l’un, vers l’autre un peu plus loin,
À mi-chemin l’ouvrage en devient le témoin.
Car un pont se construit de chacune des rives
D’où les deux bâtisseurs franchissent les eaux vives.
Deux vies se rencontraient. C’était la destinée
Qui s’obligeait à eux. Mais dans cette épopée
On peut se demander où sont les origines
Des ponts qui leur donnaient l’amour des rimes fines.
D’un pont entre les deux s’est bâtie l’amitié
Comme un ouvrage qui se trouvait fortifié.
Sans être dépendants, ils étaient en commun
Un peu de temps en temps sur le même chemin.
Leur pont était le lien entre leurs berges bleues
De ceux qui se traversent pour visiter les lieues
Des arcanes fleuris, des éthers de l’esprit
Qui coulent sous les ponts comme un sonnet s’écrit.
D’un pont à l’autre
Le premier s’ancre dans la terre
Structure solide, rêve de pierre
Nous reconnaissons à ses lignes
Un créateur honnête et digne.
Le second offre sa portée
Chaussée de géant à nos pieds
Réussir à en venir à bout
Relève d’un pari fou.
Le troisième plante son mât
Directement dans le ciel
Il capte le soleil
Nous le restitue éternel.
Tant d’autres suivent et ne se ressemblent pas.
Certains se parent des couleurs de l’arc-en-ciel
Ils nous émerveillent
Ceux-ci se fondent dans les noirs et gris
De nos mémoires en survie…
Ces ouvrages construits par la main de l’ homme
Enjambent montagnes et volcans
Se riant des frontières et des orages hurlants.
Ces ponts de papier, on les nomme : liber. bog, ramaat, book, kaitan…livre !
Ils sont monumentaux, impressionnants, déstabilisants
Légers, poétiques, attirants…
Quintessence unique de nos existences éphémères
Tellement fragiles aussi : on les brûle, on les ampute, on les enferme…
On les oublie dans les prisons du temps qui nous perd tous.
Ces ponts que nous recherchons, ces livres que nous aimons
Nous relient les uns aux autres
Qu’importe la couleur du drapeau sur leurs bandeaux
Ou la couleur des mains sur leurs chagrins.
Ponts voyageurs, tapis magiques
Ils nous transportent de la terre à la lune
Jusqu’aux étoiles…et au-delà.
Michèle Pettazzoni