Mon enfant, ma sœur,
Songe à la douceur
D’aller là-bas vivre ensemble !
Aimer à loisir,
Aimer et mourir
Au pays qui te ressemble !
Les soleils mouillés
De ces ciels brouillés
Pour mon esprit ont les charmes
Si mystérieux
De tes traîtres yeux,
Brillant à travers leurs larmes.
Là, tout n’est qu’ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.
Des meubles luisants,
Polis par les ans,
Décoreraient notre chambre ;
Les plus rares fleurs
Mêlant leurs odeurs
Aux vagues senteurs de l’ambre,
Les riches plafonds,
Les miroirs profonds,
La splendeur orientale,
Tout y parlerait
À l’âme en secret
Sa douce langue natale.
Là, tout n’est qu’ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.
Vois sur ces canaux
Dormir ces vaisseaux
Dont l’humeur est vagabonde ;
C’est pour assouvir
Ton moindre désir
Qu’ils viennent du bout du monde.
– Les soleils couchants
Revêtent les champs,
Les canaux, la ville entière,
D’hyacinthe et d’or ;
Le monde s’endort
Dans une chaude lumière.
Là, tout n’est qu’ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.
Ont été évoqués lors de présentation du thème Parfums et Épices les noms de:
-Michel Tournier, écrivain.
-Patrick Süskind, écrivain, auteur du livre Le Parfum.
-Dino Risi, cinéaste, pour le film Parfum de femme.
-Guy de Maupassant, écrivain.
-Haruki Murakami, écrivain.
Texte lu par Dominique Mongodin
Reviviscence
Fraîcheur verte des pins qui bordent les étangs,
Longs effluves boisés mêlés d’ondes florales,
Sillages se chargeant de senteurs animales,
Tous les souffles du vent me grisent au printemps.
Mon corps se réjouit chaque fois que je cueille
La menthe, les oeillets, les lilas du jardin.
Et, quand le haut tilleul embaume le chemin
Je m’enivre du lait sucré du chèvre-feuille.
Autour de moi s’attarde un parfum d’autrefois,
Qui, derrière le temps, s’exhale en permanence,
Nostalgique murmure émanant d’un sous-bois.
De ma mémoire alors, libérant sa fragrance
Captive sous l’écorce épaisse des saisons,
Le passé renaissant s’échappe en longs frissons.
“Mais, quand d’un passé ancien rien ne subsiste, après la mort des êtres, après la destruction des choses, seules, plus frêles mais plus vivaces, plus immatérielles, plus persistantes, plus fidèles, l’odeur et la saveur restent encore longtemps, comme des âmes, à se rappeler, à attendre, à espérer, sur la ruine de tout le reste, à porter sans fléchir, sur leur gouttelette presque impalpable, l’édifice immense du souvenir.”
― Marcel Proust, mort en 1922, Du côté de chez Swann
Les fleurs réjouissaient la maison
Couleurs et senteurs familières
Des enfants, menottes guerrières
Se rapprochaient des tiges fières
Dressées droites comme un appel…
Le vase haut, presqu’éternel
En retenant ses prisonnières
Paraissait une citadelle !
Toujours des fleurs dans ma demeure
Dans la cuisine et le salon
Sur les tables et le balcon,
Contre mes lèvres c’est si bon !
Un souffle chaud les fait danser,
Fleurs de jeunesse et de beauté,
Baume parfumé de tendresse
Sur des souvenirs qui me blessent.
Des fleurs dans l’ancienne maison :
Les tiges amollies se penchent,
Corolles flétries qui s’épanchent
Répandant leurs fortes odeurs.
Deux frêles mains sur un bouquet
L ´emprisonnent, mort, sur le cœur
Sur le jardin du désespoir
Sans me parler et sans me voir.
La Nature est un temple où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles;
L’homme y passe à travers des forêts de symboles
Qui l’observent avec des regards familiers.
Comme de longs échos qui de loin se confondent
Dans une ténébreuse et profonde unité,
Vaste comme la nuit et comme la clarté,
Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.
II est des parfums frais comme des chairs d’enfants,
Doux comme les hautbois, verts comme les prairies,
— Et d’autres, corrompus, riches et triomphants,
Ayant l’expansion des choses infinies,
Comme l’ambre, le musc, le benjoin et l’encens,
Qui chantent les transports de l’esprit et des sens.
Reconnaître un désir
Mis de coté longtemps
Par la force des ans
Et sentir ce parfum
De loin mais le sentir
Avant qu’il soit passé
Juste tout près de soi.
Revivre en les taisant
Ces fantômes frissons
Inavouables sens
D’épices égarés
Dont se charge l’espace
Qui va rétrécissant
Avant de disparaitre.
Recroiser ce regard
Flou sans l’interpeller
Puis en fermant les yeux
Respirer dans le vent
Les effluves qui fuient
Pour ne plus revenir
Qu’au sein de la mémoire.
Entendre retentir
Soudain comme un éclair
Jaillissant dans la nuit
Cette voix qui supplie
Et puis se retourner
Dans un soulagement
En lui ouvrant les bras.
Croquer un nem en deux
En sauce l’immerger
Et mes yeux dans tes yeux
Cristallins me plonger.
Sauter quelques gambas
Qui me laissent le goût
Poivré de ton embrasse
Et des mets aigre-doux.
Sucer mon doigt collant
Comme au temps de nuit folle
Qu’après le riz gluant
Nous prenions notre envol.
Revoudras-tu du porc au caramel
À aimer le sucré qui dans ta gorge coule
Alors qu’une eau salée se perd dans ton rimmel
Pour troubler le saké dont encor je me saoule.
L’Invitation au Voyage de Charles Baudelaire
Mon enfant, ma sœur,
Songe à la douceur
D’aller là-bas vivre ensemble !
Aimer à loisir,
Aimer et mourir
Au pays qui te ressemble !
Les soleils mouillés
De ces ciels brouillés
Pour mon esprit ont les charmes
Si mystérieux
De tes traîtres yeux,
Brillant à travers leurs larmes.
Là, tout n’est qu’ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.
Des meubles luisants,
Polis par les ans,
Décoreraient notre chambre ;
Les plus rares fleurs
Mêlant leurs odeurs
Aux vagues senteurs de l’ambre,
Les riches plafonds,
Les miroirs profonds,
La splendeur orientale,
Tout y parlerait
À l’âme en secret
Sa douce langue natale.
Là, tout n’est qu’ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.
Vois sur ces canaux
Dormir ces vaisseaux
Dont l’humeur est vagabonde ;
C’est pour assouvir
Ton moindre désir
Qu’ils viennent du bout du monde.
– Les soleils couchants
Revêtent les champs,
Les canaux, la ville entière,
D’hyacinthe et d’or ;
Le monde s’endort
Dans une chaude lumière.
Là, tout n’est qu’ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.
Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal (1857)
Ont été évoqués lors de présentation du thème Parfums et Épices les noms de:
-Michel Tournier, écrivain.
-Patrick Süskind, écrivain, auteur du livre Le Parfum.
-Dino Risi, cinéaste, pour le film Parfum de femme.
-Guy de Maupassant, écrivain.
-Haruki Murakami, écrivain.
Texte lu par Dominique Mongodin
Reviviscence
Fraîcheur verte des pins qui bordent les étangs,
Longs effluves boisés mêlés d’ondes florales,
Sillages se chargeant de senteurs animales,
Tous les souffles du vent me grisent au printemps.
Mon corps se réjouit chaque fois que je cueille
La menthe, les oeillets, les lilas du jardin.
Et, quand le haut tilleul embaume le chemin
Je m’enivre du lait sucré du chèvre-feuille.
Autour de moi s’attarde un parfum d’autrefois,
Qui, derrière le temps, s’exhale en permanence,
Nostalgique murmure émanant d’un sous-bois.
De ma mémoire alors, libérant sa fragrance
Captive sous l’écorce épaisse des saisons,
Le passé renaissant s’échappe en longs frissons.
Yvonne Le Meur- Rollet (Novembre 2024)
Lu par Michèle PETTAZZONI
“Mais, quand d’un passé ancien rien ne subsiste, après la mort des êtres, après la destruction des choses, seules, plus frêles mais plus vivaces, plus immatérielles, plus persistantes, plus fidèles, l’odeur et la saveur restent encore longtemps, comme des âmes, à se rappeler, à attendre, à espérer, sur la ruine de tout le reste, à porter sans fléchir, sur leur gouttelette presque impalpable, l’édifice immense du souvenir.”
― Marcel Proust, mort en 1922, Du côté de chez Swann
Parfum d’oubli dans la maison
Les fleurs réjouissaient la maison
Couleurs et senteurs familières
Des enfants, menottes guerrières
Se rapprochaient des tiges fières
Dressées droites comme un appel…
Le vase haut, presqu’éternel
En retenant ses prisonnières
Paraissait une citadelle !
Toujours des fleurs dans ma demeure
Dans la cuisine et le salon
Sur les tables et le balcon,
Contre mes lèvres c’est si bon !
Un souffle chaud les fait danser,
Fleurs de jeunesse et de beauté,
Baume parfumé de tendresse
Sur des souvenirs qui me blessent.
Des fleurs dans l’ancienne maison :
Les tiges amollies se penchent,
Corolles flétries qui s’épanchent
Répandant leurs fortes odeurs.
Deux frêles mains sur un bouquet
L ´emprisonnent, mort, sur le cœur
Sur le jardin du désespoir
Sans me parler et sans me voir.
Michèle Pettazzoni 01/12/2024
Correspondances
La Nature est un temple où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles;
L’homme y passe à travers des forêts de symboles
Qui l’observent avec des regards familiers.
Comme de longs échos qui de loin se confondent
Dans une ténébreuse et profonde unité,
Vaste comme la nuit et comme la clarté,
Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.
II est des parfums frais comme des chairs d’enfants,
Doux comme les hautbois, verts comme les prairies,
— Et d’autres, corrompus, riches et triomphants,
Ayant l’expansion des choses infinies,
Comme l’ambre, le musc, le benjoin et l’encens,
Qui chantent les transports de l’esprit et des sens.
Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal
Re-connaissance
Reconnaître un désir
Mis de coté longtemps
Par la force des ans
Et sentir ce parfum
De loin mais le sentir
Avant qu’il soit passé
Juste tout près de soi.
Revivre en les taisant
Ces fantômes frissons
Inavouables sens
D’épices égarés
Dont se charge l’espace
Qui va rétrécissant
Avant de disparaitre.
Recroiser ce regard
Flou sans l’interpeller
Puis en fermant les yeux
Respirer dans le vent
Les effluves qui fuient
Pour ne plus revenir
Qu’au sein de la mémoire.
Entendre retentir
Soudain comme un éclair
Jaillissant dans la nuit
Cette voix qui supplie
Et puis se retourner
Dans un soulagement
En lui ouvrant les bras.
Sucré…..salé
Croquer un nem en deux
En sauce l’immerger
Et mes yeux dans tes yeux
Cristallins me plonger.
Sauter quelques gambas
Qui me laissent le goût
Poivré de ton embrasse
Et des mets aigre-doux.
Sucer mon doigt collant
Comme au temps de nuit folle
Qu’après le riz gluant
Nous prenions notre envol.
Revoudras-tu du porc au caramel
À aimer le sucré qui dans ta gorge coule
Alors qu’une eau salée se perd dans ton rimmel
Pour troubler le saké dont encor je me saoule.