6è édition, sur le thème de « L’arbre », trouvez ici en commentaires les poèmes écrits par les ‘Poètes d’ici’

Ceci est une invitation aux ‘Poètes d’ici’ à venir déposer en commentaires vos poèmes, vos textes lus lors des temps de lectures prévus au Programme du festival.

Mais aussi les textes que vous aviez préparés et qui n’ont pas été lus faute de temps.

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7 réponses à 6è édition, sur le thème de « L’arbre », trouvez ici en commentaires les poèmes écrits par les ‘Poètes d’ici’

  1. Yvonne Le Meur-Rollet dit :

    Ce texte de prose poétique, inspiré par le thème de L »Arbre », a été publié dans le dernier numéro du bulletin municipal « Le Jaguen » pour accompagner l’annonce du festival de poésie 2023.
    Arbres…
    5Pouvoir les appeler par leurs noms)

    Depuis toujours, tu aimes les arbres. Tu aimes les voir luire sous le soleil, se balancer au vent, dégoutter sous la pluie, verdir, jaunir, roussir, se dévêtir et s’envelopper au long des saisons.
    Tu aimes aussi les entendre bruire, siffler, grincer, se plaindre, crépiter, craquer dans l’air du temps.
    Mais tu aimes surtout les reconnaître et les nommer. Tu aimes dire leurs noms, tu te délectes de leurs syllabes, voyelles fluides comme les feuilles, consonnes rugueuses comme les écorces fendues par les années ou douces comme les tiges des jeunes pousses. Les noms des arbres te ramènent immanquablement sur les chemins de ton enfance. Les fruits tombés sous les châtaigniers de novembre et que tu aperçois en passant sur le chemin des chrysanthèmes, font revivre les cueillettes des vacances de Toussaint, quand tous ceux que tu aimas ne t’avaient pas encore quitté. Les glands qui craquent sous tes pas le long d’un chemin de halage, par un jour fade de septembre, font resurgir les hauts chênes bruissants de hannetons de tes étés d’adolescence. L’odeur fruitée d’une haie que l’on taille près d’une plage te rendent tout proches encore les premiers baisers échangés derrière les cyprès.
    Et si tu cherches un peu plus, tu t’aperçois que les noms des arbres te parlent tous de bonheur et de passé. Le balancement des peupliers rangés le long de la rivière se charge d’un souvenir de menthe écrasée par le piétinement du pêcheur qui t’enseigne à prendre tes premières truites. Les troncs des hêtres gris redeviennent les dossiers sur lesquels tu te cales pour lire pendant des heures, à l’abri d’un talus. L’ombre des tilleuls de la cour de l’école abrite des rondes et des parties de billes, et elle accueille aussi, quelques années plus tard, les verres débordants de cidre pétillant servi en l’honneur des bacheliers heureux du début de juillet..
    Et puis, un jour tu t’en vas vivre loin, dans une île en forme de fleur posée sur un lagon turquoise et tiède. Tu reconnais les cocotiers qui se balancent exactement comme dans les films, les bananiers, à cause des bananes, bien qu’elles s’accrochent dans le sens inverse de celui que tu imaginais… Mais tout au long des plages de sable blanc ou noir, sur les flancs des volcans éteints des îles hautes, dans les lagunes des atolls balayés par les pluies ou grillés de soleil, poussent des dizaines d’espèces d’arbres dont tu ignores le nom. Tu es soudain très triste d’être obligé de les appeler arbres, faute de pouvoir mettre un nom sur leurs troncs, leurs branches, leurs feuilles et leurs fruits. Et si cette ignorance dure trop longtemps, si personne ne t’apprend à les distinguer les uns des autres, tu as envie de retourner chez toi où t’attendent le tremble près de l’étang, l’orme de la place de l’église, le troène, le pommier et le figuier de ton jardin.
    Yvonne Le Meur-Rollet

  2. Michèle PETTAZZONI dit :

    Loin du monde

    La douceur de vivre
    ici et maintenant
    dans les branches de ma maison.
    Suspendue loin de la terre,
    de ses désastres,
    de ses guerres,
    je contemple infiniment
    le ciel, les aurores et j’entends
    les oiseaux dans les feuillaisons.

    Je bois l’eau des pluies et du vent,
    dans mon hamac, près de la cime ;
    Je rêve de nids, d’oisillons,
    ma main caressant l’horizon.
    Plus de tourments,
    de peurs inutiles,
    la vie naturelle s’affirme,
    dans ses couleurs, dans son roman,
    aux senteurs des quatre saisons.

    J’habite un arbre, une petite île,
    heureux Robinson en exil,
    moitié sauvage, moitié hors du temps !
    Je vis ici et maintenant
    loin des villes, loin des parterres,
    loin des cris, loin de la misère,
    Vendredi est mon seul amant,
    dans les nuages,
    dans l’abandon.

    Michèle PETTAZZONI

    Un saphir dans le cœur.

    Mon amour s’écrit comme « j’aime »
    gravé dans l’écorce d’un bois,
    Caché par les branches nouvelles,
    personne ne sait qu’il est là.

    Au fond du cœur il se tapit,
    loin des yeux, loin des blablablas,
    une mémoire dans la chair,
    saphir serti par tant d’émois .

    Mon amour vit comme un poème,
    mais sans titre et sans porte-voix,
    il est plus secret qu’un « je l’aime »,
    nul sur mon œil ne le lira.

    Si un jour mon arbre périt,
    Couvrant mon amour de ses bras,
    S’arracheront tous mes « je t’aime »
    pour une flambée dans ses bois.

    Michèle Pettazzoni

  3. Yvonne Le Meur-Rollet dit :

    Voici un pantoum écrit sur le thème de l’arbre.
    Le cerisier auquel s’identifie le narrateur , est souvent représenté sur les estampes japonaises, d’où son double titre.

    ‘L’amant nippon (ou Estampe)

    Un cerisier dans un jardin,
    Lorsque le ciel se japonise,
    Dresse sa torche de satin.
    Là-haut, la neige s’éternise…

    Lorsque le ciel se japonise,
    Dans l’étincelle du matin,
    Là-haut, la neige s’éternise
    Au flancs d’un volcan clandestin.

    Dans l’étincelle du matin,
    Retombe ma paume indécise.
    Aux flancs d’un volcan clandestin,
    J’estampe une douleur exquise…

    Retombe ma paume indécise,
    S’émerillonne mon chagrin.
    J’estampe une douleur exquise,
    Qui creuse et mord comme un burin.

    S’émerillonne mon chagrin…
    Ma faim de toi toujours s’aiguise,
    Qui creuse et mord comme un burin,
    Brasier couvant sous la banquise.

    Ma faim de toi toujours s’aiguise…
    Je suis un amant incertain,
    Brasier couvant sous la banquise,
    Un cerisier dans un jardin.
    Yvonne Le Meur-Rollet

  4. Elise Feuillade-Pagès dit :

    Fin de siècle

    Tempête, carnage.
    Arbres qui ploient ou s’abattent.
    Troncs brisés, tordus, cassés, déchiquetés.
    Branches qui grincent, s’arrachent, partent à la volée.
    Éclairs fulgurants. Le tonnerre n’est qu’un murmure de plus.

    Le vent mugit, rugit,
    enrage comme animal en furie.
    Renverse tout ce qui lui fait barrage.
    Branches cassantes qui raclent le sol !
    Branches flexibles qui résistent en sifflant !
    Les jeunes arbres dansent entre la vie et la mort,
    se courbent, se tordent, se redressent comme un fouet,
    s’effondrent comme de lourds Albatros sur le pont d’un bateau.
    Les biens enracinés, les biens placés, les chanceux demeurent.
    Les fragiles, les chargés d’aiguilles vernissées cassent sec.
    Les vieux, les centenaires, les remarquables, s’abattent.
    Longues déchirures qui retentissent au cœur du bois.
    Douleurs de l’arrachement qui affole ma mémoire.
    Coups de canon qui claquent en cascade.
    Chaîne de ruptures qui s’accélèrent.
    Fracas de fin du monde.
    Souffrance inhumaine
    que je partage,
    effondrée.

    Je ne sais
    ce que vit un arbre
    blessé à mort par le vent.
    Que perçoit-il de ce qui lui arrive ?
    De quelle nature est sa ‘’ souffrance ‘’ ?
    Ce n’est pas de l’anthropomorphisme, mais une question :
    l’arbre vit, croît, se reproduit et enfin meurt.
    Comment pourrait-il ne pas ressentir
    ce qui menace directement
    sa survie ?

    Les plantes sont dotées de sensibilité
    et de moyens de communication
    dont la science découvre la richesse,
    décrypte les mécanismes.

    Une ‘’ intelligence de la vie ‘’ qui fait leur réussite évolutive.
    Elle fort peu en commun avec la notre, mais peut-être rien à lui envier !
    Une manière d’être au monde qui nous est radicalement étrangère,
    et malgré tout si proche !

    Ode à un ginkgo centenaire blessé par le vent

    Arbre aux écus d’or,
    toi qui te couvres d’or au déclin de l’été,
    l’Asie t’a nommé Fontaine de Jouvence pour tes vertus nombreuses,
    la science t’a baptisé Ginkgo biloba pour tes feuilles en éventail.

    Tu avais su résister à la trop longue nuit de cette fin de ce siècle,
    mais ce matin d’été, voilà, tu lâches prise.
    Cette tornade n’aura nulle pitié de ta beauté sereine.
    Violence. Déchirure. Perte et séparation.
    Arbre vivant, aujourd’hui torturé par le vent,
    concentre tes forces, préserve l’essentiel.

    Tes éventails volent comme oiseaux blessés,
    qui jonchent ça et là l’herbe tourmentée.
    En écho aux vents furieux, s’enroulent tes plaintes échevelées.
    Tes lourdes branches partagent la danse d’éléments déchaînés.
    Plaquées au sol. Inertes. Abandonnées.
    Sans fruit à venir.

    Mais tu soupires enfin dans le vent qui s’apaise,
    oublieux sans doute de ta ramure perdue.
    Heureux d’être vivant. Debout. Enraciné.

    Sais-tu que femme se fit complice du vent
    pour dérober tes branches cachées dans l’herbe humide ?
    Sais-tu que de ton bois deux sculptures sont nées ?
    Façonnées par une main amie.
    Œuvre d’arbre. Toujours en devenir.

    Écorce bosselée aux dessins tourmentés,
    peau rugueuse qui protégeait l’arbre vivant !
    Bois à fine texture qui appelle la caresse
    les spirales du temps te parcourent.

    Arbre mythique, symbole de renaissance et d’immortalité,
    tu ne seras point livre où s’inscrit ton histoire,
    ni humus au pied de l’arbre,
    ni fumée dans la cheminée
    mais poème emporté
    par le vent.

    Et si mes sculptures étaient des poèmes ?

    Des mots ayant trouvé à s’incarner
    dans des fragments de bois morts ?

    Des bois abandonnés, qui ces jours lointains furent racines,
    troncs et branches d’arbres que le vent faisait frémir !
    Des bois trouvés, puis recueillis, au hasard de la vie,
    des besoins, des envies, des idées, des amis.

    Et si les mains aussi parlaient,
    façonnant lentement des mots
    qui fusent comme des cris ?

    Inscrits dans le bois ?
    Cachés au fond de ma mémoire ?
    Nés de rencontre ?
    Pas de langue de bois,
    une sculpture a le poids
    des rêves qu’on porte en soi.

    L’œil les caresse,
    la main les effleure,
    sans y penser, sans s’attarder.
    Mots d’ombres et de lumières
    que des mains attentives déchiffrent,
    faisant douce provision d’émotions et de sens.

    Des mots pour plonger dans le bois comme au miroir d’un lac
    Pour explorer l’espace, vivre le temps qui passe, m’y sentir vivante.

    Des mots qui s’enracinent, vibrants comme l’air et l’eau.
    Des mots qui s’offrent nus, ronds tels des fruits mûrs.
    Et fleurit la douceur de vivre,
    secret partagé.
    Déchirure

    Flamme figée
    dressée entre ciel et terre.
    Écho lointain à l’arbre d’Hiroshima
    Ta verticalité s’affirme malgré la fêlure oblique.
    Ton écorce témoigne que tu fus arbre vivant.

    L’entaille béante témoigne de la lutte
    Ton bois éclaté se souvient de la tempête.
    La résine épouse les fibres de ton bois déchiqueté
    Et sous la transparence, la fureur du vent demeure emprisonnée.
    Mais ta blessure s’environne de douceur.

    Fontaine de jouvence

    Union intime des contraires
    ta forme circulaire est plénitude.
    Il est des Ginkgos mâles et des Ginkgos femelles.
    Pleins et vides s’équilibrent
    Yin et Yang.

    Œil et regard.
    Un univers de courbes te parcourt
    des ouvertures te traversent,
    chemins de lumière joignant les opposés.

    Anneau traversé par de la lumière
    Tu tiens en équilibre sur ta pierre anguleuse
    Suspendu par un lien à l’arceau de métal
    Les spirales du temps te parcourent
    Fragment du plus vieux des arbres
    Toi qui connut les premiers matins du monde.

    Encore une fois

    Encore une fois
    planter un arbre.
    Encore une fois cueillir une fleur.

    Est-il encore debout
    ce hêtre pourpre
    au jardin de l’enfance ?

    Encore une fois
    couper la branche
    d’un arbre que j’ai vu mourir.

    Sont-ils encore debout
    les aulnes
    sur la rivière de ma jeunesse ?

    Encore une fois
    sculpter leur bois.
    Encore une fois créer une œuvre.

    Sont-ils encore debout
    les frênes
    du petit bois derrière chez moi ?

    Encore une fois
    dormir à l’ombre
    d’un arbre que j’ai vu grandir.

    Est-il encore penché vers la source
    ce saule pleureur
    qui m’a vu grandir ?
    Dès l’aube

    Sac au dos
    bottes aux pieds.
    Pêcheur d’images
    d’émotions.

    Avance furtive
    tous sens en éveil.

    Dans la terre
    gorgée d’eau,
    la trace d’un sabot.
    Toute fraîche !

    La biche ?
    Elle était là !

    Une branche craque
    le héron s’envole
    le ragondin plonge.

    Me voilà seule.
    Désemparée.

    Et pourtant,
    les arbres sont là.

    Droits, tordus,
    leur verticalité
    me rassure.

    Fragilité des fougères
    que le plan d’eau nourrit.

    Levée du vent ,
    le lac s’anime.
    La lumière miroite
    s’éparpille et fuit.

    Un rayon tardif
    effleure le rameau d’un chêne.
    Doux balancements.

    Et tombe la pluie.
    Danse du feuillage.
    Silence des oiseaux.

    Sous le tambour des gouttes
    le lac a la chair de poule.

    Seule avec la forêt

    Seule
    dans la forêt immobile,
    assise au bord de l’eau.
    En ce lieu du bout du monde,
    je crois enfin être à ma place.
    Ce pays n’est pas le mien, sachez le,
    où tendresse et violence se côtoient,
    mais l’esprit du lieu me pénètre et m’absorbe.
    Je crois même à la fois m’y dissoudre et m’y ressourcer.
    Envoûtée par la magie de ce lieu silencieux, étrange, et reculé,
    j’aime que nulle parole dure ne puisse m’atteindre et me blesser.
    Attentive, je vois la lumière oblique ricocher sur les pierres immergées,
    car toute création, fugitive et belle, est entrevue quand vient le soir.
    On se croit encore riche d’un futur ô combien prometteur,
    dur apprentissage d’une sagesse qui me dépasse.
    Trop petit jardin encore sauvage et libre,
    où la goutte d’eau miroite doucement.
    Tout ce calme n’est qu’une illusion
    dans ce monde de mouvement.
    Saura-t-on t’aimer assez
    toi qui nous supportes,
    la terre.

    Élise Feuillade-Pagès

  5. Jean-Bernard Vivet dit :

    LE LIEU D’OR

    Après bien des forêts et tant de fleuves,
    De bras d’eau morts sous les frondaisons,
    Je perds toute lucidité, suis transi.

    Une luciole, comme un appel,
    Une boussole,
    Luit.
    De guerre lasse je la suis,
    Plus par dépit que par envie.

    Comme d’une amphore,
    Il en sort une seconde,
    Une myriade,
    Une pléthore
    Ce sillage de phosphore
    Se fait ténu fil d’Ariane
    Guide inopiné
    Parmi les lianes
    De ce désert vert.

    L’espoir se plaît à renaître
    Les bras saisissent les rames
    L’esquif retrouve de l’erre
    De l’avant, aller de l’avant,
    C’est la seule idée qui vaille
    Le dos tourné vers son avenir.

    Oublieux des fatigues
    Le buste se cambre,
    Le dos se cabre,
    Tel un cheval de Troie
    Prêt à investir l’imprenable,
    Se rendre maître du lieu sacré,
    Du lieu d’or.

    Une trouée soudain s’ouvre dans la canopée
    Tel un ponton en plein océan
    Le grappin est lancé, la barque amarrée,
    Le talus sauté. Je vole vers ce miroir sans tain.

    Le rideau d’arbres se déchire alors
    Tout à fait
    Et laisse découvrir
    Dans ce théâtre de verdure
    Parfait
    Une cité sereine
    Aux arcades percluses d’or
    Aux murs d’émail luisant
    Bleu azur, lapis lazuli,
    Et cornaline

    Un lieu où sans peine
    Je m’endors, où sans peine
    Je m’éveille, comme si j’avais
    Mille ans

    Où la volupté dit son nom
    Dans chaque effluve
    Dans la fleur que l’on frôle
    Dans la brume odorante
    Qui confie ses gouttes
    A la bouche,
    Dans le bruissement têtu des insectes
    Fébrile fond sonore
    Dans le plaisir des pas
    Perdus sans pesanteur
    Dans l’arythmie du cœur
    Qui s’écoute
    Dans le diffus et le confus
    Foisonnement des sens
    Dans le bourdonnement intense
    Des tempes

    Je glisse l’amble sous une branche
    Comme le ferait un cheval
    Je ne pense plus à rien que
    De m’étendre, me détendre
    Ne rien plus attendre
    Que la lumière et ses bienfaits :
    Un subtil reflet d’ange
    Sous l’arche ovale d’un pont
    Dans le courant lent de l’eau
    Qui cache ses remous
    Comme une mère
    Ses petits.

    Jean-Bernard Vivet
    Saint-Malo, 15 juin 2017

  6. Jean-Bernard Vivet dit :

    LE PARC ARBORÉ

    Dans le parc aux grands arbres, moi, tout petit, en plein midi,
    Retour d’école, à l’abri des regards et de tout curieux,

    Tout alentour se nimbe de mystères, de géhenne,
    Dans la prunelle de mes yeux
    Le séquoia s’élève au zénith
    De grands rêves plein les branches
    Et je médite sur son tronc qu’ailleurs on dynamite
    Sur les entrailles du temps ouvert à tout va

    Le catalpa ne subit pas ce sort là, pourquoi ?
    De son bois, de ses fruits longs, personne n’en n’a cure,
    Ce sont ses feuilles, son architecture, port altier et majesté,
    Qui retiennent le regard, son étrangeté,

    Les fleurs du marronnier : autant de chandeliers
    Eclairant de rose et de blanc nos vertes années

    Dans ce jardin je suis né
    A l’abri des fourrés, des bosquets,
    Où je me suis maintes et maintes fois promené

    Dans le labyrinthe de buis vert doré
    J’ai contemplé la statue blanche de Marie
    Bien tranquille sur son piédestal
    Et j’ai perdu les pédales dans ce dédale

    Art, religion, beauté, que sont ces choses au fond ?
    Déambulation d’un enfant dans ce monde trop vaste, perdu
    Dans ces buissons épineux à l’image de l’homme

    Ces dahlias que ma mère aimait tant :
    Fleurs coupées pour le seul plaisir d’un instant

    Que faire quand tout dans la tête est vibration,
    Envie de croître jusques aux nues ou bien garder son enfance ingénue ?

    De quel bois suis-je donc fait ?
    Aurais-je un jour la joie d’un répons,
    A l’heure où j’entends au loin la hache du bûcheron ?

    Jean-Bernard Vivet

    Saint-Suliac, 15 juillet 2023

  7. Dominique Mongodin dit :

    Festival de poésie ‘’La houle de mots’’
    Saint-Jacut-de-la-mer
    28, 29, 30 Juillet 2023
    ‘’La houle des cimes, arbre de vie pour retisser des liens avec la nature’’
    Lectures proposées par Dominique Mongodin

    Préambule

    Bonjour, merci d’être venus
    Je vais tenter de vous distraire
    Dans les parcours trop inconnus
    Des arbres et de leur mystère.

    Juste après mon introduction,
    Allons de saison en saison.

    Souvenirs d’un billot (Introduction)
    Au charme bien nommé (pour le Printemps)
    L’arbre à lettres (pour l’Été)
    Fin d’été (pour l’Automne)
    Brume (pour l’Hiver)

    Souvenirs d’un billot

    Ma sève desséchée, sous mon écorce grise
    Et ridée par les ans, garde le souvenir
    Des oisillons moqueurs, des douceurs de la brise
    Et des fruits violacés que j’offrais à nourrir.

    Protégés par les hêtres et entourés de charmes
    Nous grandissions croyant à ces noces de chênes
    Et les hivers passaient sans qu’on rende les armes.
    Je feuillais au printemps, ils exhibaient leurs faines.

    Sur ma peau caressante venait le solitaire
    Se détendre le dos, borner son territoire.
    Au début de l’automne, ne pouvant plus se taire,
    Le roi des lieux lui-même bramait son répertoire.

    À vaincre les grands froids et les étés torrides,
    À puiser l’énergie plus loin dans nos racines,
    Nous vivions entre nous sur nos terres acides
    Où les vents s’efforçaient à courber nos échines.

    Un jour j’ai vu partir mes premiers congénères
    Rongés par la vermine, résignés, trop âgés
    Et tant d’autres si beaux aux postures altières
    Dont vous m’avez volé les parfums ombragés.

    Puis vous êtes venus abattre mes efforts,
    Tous ces ans déployés dans mes cernes marquées.
    Vos dents m’ont pénétré et je hurlais aux morts
    Quand vous m’avez couché au milieu des bosquets.

    Je fais feu de tout bois, c’est la ma destinée
    Je siffle, je transpire. Je pète sans esclandres
    Dans ce crématorium qu’est votre cheminée.
    Je suis né dans l’humus, je finis par les cendres.

    .
    Au charme bien nommé

    Repliée savamment dans son bourgeon oblong
    Charnu, gorgé de sève, gavé de soleil,
    Une feuille patiente avant son éclosion.
    D’un baiser de rosée la princesse s’éveille.

    Les entrelacs de bois noueux et parme
    Se brodent lentement d’une dentelle
    Délicate qui dévoile son charme.
    Et les rameaux se courbent devant elle.

    Brillante petite feuille de charmille
    Origami fragile sur sa brindille.

    L’arbre à lettres
    (À fleur de mots)

    Les branches chargées sont trop fragiles
    Pour garder tout le poids des fleurs
    Qui se sont épanouies au fil
    Des mois et des jours et des heures.

    Le vent devient alors pour l’arbre un allié
    Et libère les rameaux des pétales pesants.
    Les corolles s’élancent, prennent leur liberté
    Dans un ballet coloré et odorant.

    Trop fraiches pour germer si elles tombent à terre
    D’être baies : impossible ! Elles manqueront de sève.
    Elles doivent voleter pour devenir matière
    À transporter les âmes et exaucer les rêves.

    Elles forment un nuage parfumé et fruité
    Dans les espaces qui se proposent à elles
    Et les invitent à se métamorphoser
    Pour qu’elles se pollinisent en consonnes et voyelles.

    Ainsi les mots paraissent et les paroles s’envolent
    Au bon gré des caprices du souffle hasardeux
    Jusqu’à trouver jardin sur des bouches frivoles
    Ou dans l’encre fébrile d’un poète amoureux.

    Il faut œil prévenant ou oreille attentive
    Avant que se dispersent et viennent s’égarer
    Les phrases inspirées par la branche lascive.
    Alors je prends le temps de voir et d’écouter.

    Fin d’été

    Voilà que les frondaisons recommencent à jaunir
    Les cimes des arbres se dégarnissent en premier
    La sève ne monte plus jusqu’à elles pour nourrir
    Les rameaux qui se sont formés depuis le mois de mai.

    Le terrien trop pressé oublie ce que sont les saisons
    L’hivernage ne lui semble qu’une perte de temps
    Il veut que son sang bout toujours et sans défloraison
    L’hiver n’est pas l’été, l’automne n’est pas le printemps.

    J’entends les chutes des feuilles séchées et dénutries
    Métronomes inéluctablement désordonnés
    Par un souffle d’air ou l’envol d’un migrant martinet.

    Quand ils auront enfin perdu leurs feuillages flétris
    Pour se mettre en sommeil, les poumons de la terre
    Livreront leurs branches nues aux froids soleils d’hiver.

    Brume

    C’était une légère brume
    Semblable à l’écume
    Oubliée sur la plage.
    Elle glissait jusqu’aux rivières
    En voilant la lumière
    Dessus les pâturages.
    Un oiseau s’évada
    De l’écran naturel
    Et puis il retourna
    Le temps de deux coups d’ailes
    Se perdre dans le vide
    Cotonneux et humide.
    La brume s’effaçait
    Sans qu’on s’en aperçoive.
    Dans l’eau se reflétait
    Un hêtre, tel une épave.
    Au ruisseau il offrait
    Les feuilles qui lui restaient.

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