A cette heure d’entre chien et loup
Je me suis écorchée les genoux
Des bois si lourds, des mains griffues
M’ont emportée dessous dessus
Environnée de lamentos
De grondements et de sanglots
Un vieux radeau m’a embarquée
Plein de rêves et plein de pitié
Plein d’épinards et de cachets
Chargé d’alcool bien frelaté
Juste une pirouette, une cacahuète
Une histoire à peine esquissée
Qu’attendais-tu turlututu ?
On a tous un chapeau pointu
On le porte beaucoup en papier, en tissu,
C’est pour neutraliser ceux qui voudraient baver
Ou pire, postillonner, sur les visages amis ou juste rencontrés
Chez ceux qui nous gouvernent c’est la désinvolture
On arrime simplement le masque à la coiffure
On peut ainsi répandre de fausses vérités
Sur les gens innocents soucieux de leur santé
D’autres l’ont en Ray Ban sur le sommet du front
Pour jouer les play boy et bronzer du menton
Les dégoûtants les collent à leur cou dénudé
Pour mieux les bavouiller pendant leur déjeuner
Oubliant la serviette prévue à cet effet
Pour Trump et Sarkozy il le faudra en or à leur poignet
Les enfants le réclament en Donald ou Mickey
On leur dit vite fait qu’ils n’ont qu’à la fermer
Les porteurs de béquilles le plantent à une extrémité
Tenant bien à distance toute familiarité
Les assoiffés d’honneurs l’ont à la boutonnière
Les accordéonistes le portent en bandoulière
Les chasseurs sans pitié l’accrochent à leur fusil
Pour faire de gros dégâts dans la chair de leur proie
Les pêcheurs le choisissent usagé et en font un appât
Pour les poissons curieux insoucieux du trépas
Bref vous l’aurez compris tous les coups sont permis
Pour tenter d’éviter le masque sur le nez
Craignez pourtant l’absence de bon sens
Des furies despotiques prêtes à vous aligner
Pour 135 euros prix de la liberté
Bravo Dominique pour ce texte qui exprime avec énergie et humour une évidente détestation des masques et un goût prononcé pour la vérité et la liberté. Yvonne
Louisette, derrière son apparente simplicité, ton poème est bouleversant. Tu réussis, avec pudeur et subtilité, à dire l’indicible. La lecture de tes vers fait naître une profonde émotion , et montre ainsi la force de la Poésie pour dénoncer tous les crimes dissimulés et exprimer toutes les douleurs que l’on masque.
Elle est debout sur la jetée,
Ses cheveux flottent au vent,
Dans la mer son regard s’est noyé.
Une larme coule sur sa joue
Essuyée furtivement
D’un revers de main.
C’est encore une enfant.
Sur ses épaules un lourd fardeau
Lui interdit la candeur.
Elle pense à sa mère
Qui ne doit rien savoir
Et faire comme avant
Même si son cœur est noir.
Depuis quelques temps,
Elle camoufle sa douleur
En posant sur sa triste figure
Un sourire de mascarade,
Faire semblant devant les autres,
Jouer la comédie;
Ne pas afficher sa honte.
Son corps est blessé,
Son cœur est meurtri,
Elle s’enferme dans son mal-être
Et ses journées trop courtes,
Ne laissent rien paraître.
Mais aujourd’hui les gouttes salées
Qui lacèrent son teint
En sillons étoilés,
Ne sont pas des embruns
L’homme blanc fait des grimaces
il s’est tordu la mâchoire
et cassé les dents
C’était un fou de sang
un marchand d’or
qui rêvait de voir la neige
dans un pays de fièvre
Homme blanc
ôte ton masque
Ici les hommes et les femmes dansent
comme jamais tu ne sauras le faire
Toi qui as rêvé de l’Afrique
Tu n’es qu’un domestique
il faut que la vague te roule
et que le nègre t’insulte
ô nègre ô négresse
Vos tam tam hantent mes nuits
ô nègres ô négresses
ô lances ô masques
« Voici ma main Clarice et avec elle c’est mon coeur tout entier que je vous offre »
30 ans que derrière le rideau
Je répète ces mots…….
» Ecco la mia mano Clarice e con ella tutto il mio cuore che vi offro »
30 ans que je rêve d’être Silvio
L’Amoureux éperdu d’amour pour sa belle
Et même si je ne suis pas fait pour ce rôle
Et même si je n’en ai plus l’âge
J’en rêve encore
30 ans que derrière le rideau le coeur battant
J’attends d’entrer en scène à mon tour
Je les entends chuchoter toussoter gigoter sur leurs sièges
Puis, faire le silence
Ce soir Ils seront bons
Je le sais je le sens
Dans quelques instants vêtu de mon habit bariolé
La batte glissée à ma ceinture
Sous le masque noir du bouffon Magnifique
– Celui qui en fait toujours trop –
Sur la scène du Piccolo Teatro
Je ferai mon entrée en Arlequin
Arlecchino en italien
Arlequin « serviteur de deux maîtres »
» Il servitore di due padroni »
De tous les valets de la Commedia dell’arte
Il est le plus célèbre
Réjouissant le public de ses acrobaties et pitreries
Menteur comploteur flatteur provocateur moqueur
A la fois sot et rusé
Il se plaît aussi à jouer les grands séducteurs
Auprès d’ Esméraldine ou de Colombine
30 ans que je suis le serviteur zélé de ce gredin
C’est lui qui ose tout
Moi je ne suis que son pantin docile lui prêtant mon corps et ma voix
Quand pour la première fois
J’ai enfilé son costume à losanges de toutes les couleurs
Posé sur mon visage son masque noir aux sourcils broussailleux
Je sortais de la guerre meurtri mais vivant
Je n’avais qu’une envie : rire et faire rire
Faire le comique pour oublier ces années tragiques
Mais le temps a passé
Les théâtres se vident et nous n’avons pas vaincu la barbarie
Ce soir le comédien qui depuis si longtemps se cache derrière son génie
N’a plus envie de jouer la comédie
Il comico è stanco
Fatigué le comédien Fatigué
Sa Colombine l’a quitté
Lassée de cette vie de saltimbanque
Où l’ombre se joue sans cesse de la lumière
Ce soir c’est la dernière de la saison
Ce soir malgré ma lassitude je serai bon
Peut-être encore meilleur que les autres soirs
Je jouerai jusqu’au délire leur bouffon
Je singerai à la perfection mes maîtres
Pour séduire Esméraldine j’improviserai une sarabande à lui en donner le vertige
Pour la dernière fois je veux les entendre rire à mes lazzi, mes pitreries, mes jeux de mots
Mauvais mes jeux de mots
Mais rigolos
Je veux entendre leurs bravos
Bravo Arlecchino Bravissimo !!!!!
Je veux qu’ils crient leur plaisir encore et encore
Avant de quitter la scène je retirerai mon masque
Ce n’est pas Arlequin qui les saluera
Mais leur vieux compagnon de jeu
Lassé de jouer la comédie
J’ai oublié de préciser les références de la phrase » Voici ma main……mon coeur tout entier ». C’est la première réplique de la pièce de Goldoni » le serviteur de deux maîtres ». Autre précision: Dans cette pièce, Arlequin s’appelle Truffaldin mais en réalité il s’agit bien du même personnage. » Le serviteur de deux maîtres « a d’ailleurs été rebaptisée par Giorgo Strehler ( fondateur du Piccolo Teatro)
« Arlequin, serviteur de deux maîtres » ce pour indiquer plus clairement au public l’appartenance de la pièce à la Commedia dell’arte et son caractère comique.
Concernant mon italien ( recherche dans un dictionnaire et sur un site) j’espère ne pas avoir fait trop de fautes.
Je profite de ce message pour vous remercier pour vos textes que je lis et relis. J’ai beaucoup de difficultés à faire des retours « à chaud » craignant de ne pas trouver les mots justes. J’ai trouvé que le thème du masque inspirait parfois des textes un peu différents invoquant des faits sociétaux ( les sans-abris; la colonisation de l’Afrique), je trouve cela intéressant aussi. Moi, j’ai eu envie d’écrire sur le théâtre sans doute parce que cette pratique me manque terriblement.
Lors de ces lectures et relectures une idée m’est venue que j’aimerais vous soumettre. Dans la mesure où ce groupe est constitué majoritairement de femmes, il est évident que cela se ressent dans ce que nous écrivons. Pourquoi lors du festival ne pourrions-nous pas sélectionner quelques-uns de nos textes dans lequel la femme serait présente ( qu’elle soit en devenir, qu’elle soit mère, jeune femme ou …..moins jeune mais toujours amoureuse), la femme se souvenant de son enfance meurtrie ou heureuse, de son amour perdu, du jour où sa vie a basculé, etc, etc (l’aventure n’est pas finie). Une fois ces textes sélectionnés, nous pourrions en faire une mise en voix. Nous ne prendrions ni beaucoup de place ni beaucoup de temps mais ce serait une façon de partager avec le plus grand nombre ce qui reste pour l’instant très confidentiel me semble-t-il ce qui me semble dommage .
Elisabeth Thomas-Loridan
Merci Elisabeth pour tes poèmes et tes commentaires qui font vivre le site.
Quant à l’idée d’un groupe de poésie exclusivement féminine je n’y suis pas favorable. La poésie est universelle transcendant les genres et débordant de » l’entre-soi « .
À mon avis il vaut mieux ‘ouvrir ‘ que contraindre un public déjà restreint.
Cordialement, Michèle Pettazzoni.
Il me semble que « l’entre-soi » c’est ce que nous vivons actuellement. Majoritairement ce sont des femmes qui écrivent et envoient leurs poèmes chaque mois et ce sont des femmes qui leur répondent et ce sont toujours les mêmes. C’est un constat pas plus. Mon intention était juste de lire quelques-uns de nos textes devant un public que j’aurais espéré bien entendu le plus large possible parce que je le répète je trouve cela dommage que ces textes restent « confinés ». Quant au choix du thème je trouve que ceux qui évoquent l’amour perdu, l’enfance meurtrie, etc, etc, écrits par des femmes sont particulièrement beaux. Pourquoi se priver de cette parole ? La faire entendre n’est pas exclure celle de l’Autre qu’il soit Homme, petit bout d’homme ? Messieurs à votre plume! Je plaisante bien entendu……
Voilà Michèle, peut-être ai- je été un peu plus claire. De plus c’était une simple proposition et je te remercie de m’avoir donné ton avis.
Belle journée à toi et au groupe.
Elisabeth Thomas-Loridan
Merci pour ce poème dans lequel son auteure exprime sa passion pour le théâtre . On pourrait sans doute reprocher à ce poème d’être un peu long , mais l’intérêt que ces vers suscitent chez les lecteurs fait oublier ce détail.
d’ Yvonne à Dominique V. et bien d’autres…., je suis d’accord avec toi: la procédure d’envoi des commentaires n’est pas évidente, et il m’est arrivé assez souvent de me tromper entre » laisser un commentaire » qui va s’afficher à la suite des autres textes, et » répondre » qui permet que la réponse s’affiche juste après le poème concerné. Peut-être y a-t-il un moyen de rendre l’utilisation du site plus claire, afin de ne pas décourager ceux et celles qui souhaitent y déposer un poème ou une appréciation et qui, se heurtant à ces difficultés de « communication », renoncent à participer à la vie du site.
Remarque: quand on s’aperçoit qu’on s’est trompé on peut le signaler à l’adresse mail du contact PEP, et solliciter Jean-Yves qui sait corriger nos erreurs et nous éclairer sur la marche à suivre. Merci Jean-Yves pour ton aide et ta patience.
Il y a maintenant longtemps que je connais
Le bleu de ton regard et le pli de ta bouche,
La chaleur de ta main qui, lorsqu’elle me touche
Me trouble de sa paume; et soudain, je renais…
Je suis alors crinière au dos brun des poneys;
Je suis un chemin creux que le soir effarouche,
Je suis un aubépin refleuri sur sa souche,
Je suis un poitrail nu refusant le harnais.
Tu ne peux pas savoir que mes airs raisonnables
Dissimulent trop bien mes désirs indomptables,
Derrière des regards lointains, indifférents.
Je ne suis pas modeste, et je ne suis pas sage :
Je rêve, chaque nuit, qu’en tes bras tu me prends
Et que tes tendres doigts dégrafent mon corsage.
Yvonne Le Meur-Rollet (2003)
Tout est toujours bien à qui sait fermer les yeux.
N’est-il pas désastreux d’avoir autant d’envie
Au moment où des vies ont aussi peu de prix ?
À quoi s’accrochent-ils, ces pauvres malheureux ?
Je les vois et tous les jours et toutes les heures.
Je les sais abattus, leurs sourires éteints
Dans leurs espoirs déçus et leurs plaisirs défunts.
Tous les moments passés ont des effets majeurs.
Le gel ne les fait plus trembler. Il est en eux
Depuis si longtemps. Ils cèdent, pliés en deux
Sous le poids de la honte et de l’indifférence.
Le temps n’a la saveur que de l’éternité.
Les fantômes des rues la mesurent en nuitées
Sous les masques blanchis où ils hurlent en silence.
Ce poème me replonge dans les affres de ma jeunesse : « N’avoue jamais …..que tu aimes ». Tu décris avec subtilité et finesse (et sans doute connaissance de cause) cette émotion qui nous transperce quand nous pensons si jeunes, que notre monde s’écroule.
Il nous masque ses joies,
il nous masque ses peines,
toujours ami, toujours amen,
il parle tièdement
dans un bonheur de scène …
Il nous masque ses peurs,
il nous masque ses haines,
toujours poli, toujours en veine,
taisant ses sentiments
sous les dires de scène …
Il masque ses amours,
il masque la mort même,
toujours conforme … et toujours même.
Mais sous le masque mou,
sous le menteur en scène,
se cache un méchant loup … et un autre lui-même !
Mon commentaire s’adresse au poème de Michèle Pettazzoni Le masque du bien adapté. Je le précise car je m’embrouille avec la procédure d’envoi des commentaires. Désolée si ce n’est pas clair.
Entre chien et loup
A cette heure d’entre chien et loup
Je me suis écorchée les genoux
Des bois si lourds, des mains griffues
M’ont emportée dessous dessus
Environnée de lamentos
De grondements et de sanglots
Un vieux radeau m’a embarquée
Plein de rêves et plein de pitié
Plein d’épinards et de cachets
Chargé d’alcool bien frelaté
Juste une pirouette, une cacahuète
Une histoire à peine esquissée
Qu’attendais-tu turlututu ?
On a tous un chapeau pointu
Dominique Verdé de Lisle
Le masque
On le porte beaucoup en papier, en tissu,
C’est pour neutraliser ceux qui voudraient baver
Ou pire, postillonner, sur les visages amis ou juste rencontrés
Chez ceux qui nous gouvernent c’est la désinvolture
On arrime simplement le masque à la coiffure
On peut ainsi répandre de fausses vérités
Sur les gens innocents soucieux de leur santé
D’autres l’ont en Ray Ban sur le sommet du front
Pour jouer les play boy et bronzer du menton
Les dégoûtants les collent à leur cou dénudé
Pour mieux les bavouiller pendant leur déjeuner
Oubliant la serviette prévue à cet effet
Pour Trump et Sarkozy il le faudra en or à leur poignet
Les enfants le réclament en Donald ou Mickey
On leur dit vite fait qu’ils n’ont qu’à la fermer
Les porteurs de béquilles le plantent à une extrémité
Tenant bien à distance toute familiarité
Les assoiffés d’honneurs l’ont à la boutonnière
Les accordéonistes le portent en bandoulière
Les chasseurs sans pitié l’accrochent à leur fusil
Pour faire de gros dégâts dans la chair de leur proie
Les pêcheurs le choisissent usagé et en font un appât
Pour les poissons curieux insoucieux du trépas
Bref vous l’aurez compris tous les coups sont permis
Pour tenter d’éviter le masque sur le nez
Craignez pourtant l’absence de bon sens
Des furies despotiques prêtes à vous aligner
Pour 135 euros prix de la liberté
Dominique Verdé de Lisle
Bravo Dominique pour ce texte qui exprime avec énergie et humour une évidente détestation des masques et un goût prononcé pour la vérité et la liberté. Yvonne
Divan rouge
Ma plaie inconsolable,
ma souffrance ineffable,
j’appuie où ça fait mal,
reconnaître la faille !
Ma douleur délectable,
le suc de mon érable,
savoir d’où vient l’entaille,
son antre ? Son bercail ?
Le pus de la noirceur,
l’immaculée douleur,
un couteau dans le dos,
j’assemble les morceaux.
Quel étrange décor,
où je palpite encor’
mes tripes sur la table
coulent comme de l’or…
Ah ! Ce masque de peau,
ce sourire trop beau…
Mon mal irrémédiable,
de la vie, mon cadeau !
Michèle PETTAZZONI
Louisette, derrière son apparente simplicité, ton poème est bouleversant. Tu réussis, avec pudeur et subtilité, à dire l’indicible. La lecture de tes vers fait naître une profonde émotion , et montre ainsi la force de la Poésie pour dénoncer tous les crimes dissimulés et exprimer toutes les douleurs que l’on masque.
ENFANCE PERDUE
Elle est debout sur la jetée,
Ses cheveux flottent au vent,
Dans la mer son regard s’est noyé.
Une larme coule sur sa joue
Essuyée furtivement
D’un revers de main.
C’est encore une enfant.
Sur ses épaules un lourd fardeau
Lui interdit la candeur.
Elle pense à sa mère
Qui ne doit rien savoir
Et faire comme avant
Même si son cœur est noir.
Depuis quelques temps,
Elle camoufle sa douleur
En posant sur sa triste figure
Un sourire de mascarade,
Faire semblant devant les autres,
Jouer la comédie;
Ne pas afficher sa honte.
Son corps est blessé,
Son cœur est meurtri,
Elle s’enferme dans son mal-être
Et ses journées trop courtes,
Ne laissent rien paraître.
Mais aujourd’hui les gouttes salées
Qui lacèrent son teint
En sillons étoilés,
Ne sont pas des embruns
Louise Montagne- février 2021-
Louisette,c est magnifique d intensité, de pudeur,de douleur ,d émotion.
Merci à toi
J ai hâte de l entendre dire
Jacqueline B
Afrique noire
Homme blanc
ôte ton masque
L’homme blanc fait des grimaces
il s’est tordu la mâchoire
et cassé les dents
C’était un fou de sang
un marchand d’or
qui rêvait de voir la neige
dans un pays de fièvre
Homme blanc
ôte ton masque
Ici les hommes et les femmes dansent
comme jamais tu ne sauras le faire
Toi qui as rêvé de l’Afrique
Tu n’es qu’un domestique
il faut que la vague te roule
et que le nègre t’insulte
ô nègre ô négresse
Vos tam tam hantent mes nuits
ô nègres ô négresses
ô lances ô masques
Votre cri nous égorge
Annie Coll
Le serviteur d’Arlequin
« Voici ma main Clarice et avec elle c’est mon coeur tout entier que je vous offre »
30 ans que derrière le rideau
Je répète ces mots…….
» Ecco la mia mano Clarice e con ella tutto il mio cuore che vi offro »
30 ans que je rêve d’être Silvio
L’Amoureux éperdu d’amour pour sa belle
Et même si je ne suis pas fait pour ce rôle
Et même si je n’en ai plus l’âge
J’en rêve encore
30 ans que derrière le rideau le coeur battant
J’attends d’entrer en scène à mon tour
Je les entends chuchoter toussoter gigoter sur leurs sièges
Puis, faire le silence
Ce soir Ils seront bons
Je le sais je le sens
Dans quelques instants vêtu de mon habit bariolé
La batte glissée à ma ceinture
Sous le masque noir du bouffon Magnifique
– Celui qui en fait toujours trop –
Sur la scène du Piccolo Teatro
Je ferai mon entrée en Arlequin
Arlecchino en italien
Arlequin « serviteur de deux maîtres »
» Il servitore di due padroni »
De tous les valets de la Commedia dell’arte
Il est le plus célèbre
Réjouissant le public de ses acrobaties et pitreries
Menteur comploteur flatteur provocateur moqueur
A la fois sot et rusé
Il se plaît aussi à jouer les grands séducteurs
Auprès d’ Esméraldine ou de Colombine
30 ans que je suis le serviteur zélé de ce gredin
C’est lui qui ose tout
Moi je ne suis que son pantin docile lui prêtant mon corps et ma voix
Quand pour la première fois
J’ai enfilé son costume à losanges de toutes les couleurs
Posé sur mon visage son masque noir aux sourcils broussailleux
Je sortais de la guerre meurtri mais vivant
Je n’avais qu’une envie : rire et faire rire
Faire le comique pour oublier ces années tragiques
Mais le temps a passé
Les théâtres se vident et nous n’avons pas vaincu la barbarie
Ce soir le comédien qui depuis si longtemps se cache derrière son génie
N’a plus envie de jouer la comédie
Il comico è stanco
Fatigué le comédien Fatigué
Sa Colombine l’a quitté
Lassée de cette vie de saltimbanque
Où l’ombre se joue sans cesse de la lumière
Ce soir c’est la dernière de la saison
Ce soir malgré ma lassitude je serai bon
Peut-être encore meilleur que les autres soirs
Je jouerai jusqu’au délire leur bouffon
Je singerai à la perfection mes maîtres
Pour séduire Esméraldine j’improviserai une sarabande à lui en donner le vertige
Pour la dernière fois je veux les entendre rire à mes lazzi, mes pitreries, mes jeux de mots
Mauvais mes jeux de mots
Mais rigolos
Je veux entendre leurs bravos
Bravo Arlecchino Bravissimo !!!!!
Je veux qu’ils crient leur plaisir encore et encore
Avant de quitter la scène je retirerai mon masque
Ce n’est pas Arlequin qui les saluera
Mais leur vieux compagnon de jeu
Lassé de jouer la comédie
Elisabeth Thomas-Loridan 15 / 02 / 2021
J’ai oublié de préciser les références de la phrase » Voici ma main……mon coeur tout entier ». C’est la première réplique de la pièce de Goldoni » le serviteur de deux maîtres ». Autre précision: Dans cette pièce, Arlequin s’appelle Truffaldin mais en réalité il s’agit bien du même personnage. » Le serviteur de deux maîtres « a d’ailleurs été rebaptisée par Giorgo Strehler ( fondateur du Piccolo Teatro)
« Arlequin, serviteur de deux maîtres » ce pour indiquer plus clairement au public l’appartenance de la pièce à la Commedia dell’arte et son caractère comique.
Concernant mon italien ( recherche dans un dictionnaire et sur un site) j’espère ne pas avoir fait trop de fautes.
Je profite de ce message pour vous remercier pour vos textes que je lis et relis. J’ai beaucoup de difficultés à faire des retours « à chaud » craignant de ne pas trouver les mots justes. J’ai trouvé que le thème du masque inspirait parfois des textes un peu différents invoquant des faits sociétaux ( les sans-abris; la colonisation de l’Afrique), je trouve cela intéressant aussi. Moi, j’ai eu envie d’écrire sur le théâtre sans doute parce que cette pratique me manque terriblement.
Lors de ces lectures et relectures une idée m’est venue que j’aimerais vous soumettre. Dans la mesure où ce groupe est constitué majoritairement de femmes, il est évident que cela se ressent dans ce que nous écrivons. Pourquoi lors du festival ne pourrions-nous pas sélectionner quelques-uns de nos textes dans lequel la femme serait présente ( qu’elle soit en devenir, qu’elle soit mère, jeune femme ou …..moins jeune mais toujours amoureuse), la femme se souvenant de son enfance meurtrie ou heureuse, de son amour perdu, du jour où sa vie a basculé, etc, etc (l’aventure n’est pas finie). Une fois ces textes sélectionnés, nous pourrions en faire une mise en voix. Nous ne prendrions ni beaucoup de place ni beaucoup de temps mais ce serait une façon de partager avec le plus grand nombre ce qui reste pour l’instant très confidentiel me semble-t-il ce qui me semble dommage .
Elisabeth Thomas-Loridan
Merci Elisabeth pour tes poèmes et tes commentaires qui font vivre le site.
Quant à l’idée d’un groupe de poésie exclusivement féminine je n’y suis pas favorable. La poésie est universelle transcendant les genres et débordant de » l’entre-soi « .
À mon avis il vaut mieux ‘ouvrir ‘ que contraindre un public déjà restreint.
Cordialement, Michèle Pettazzoni.
Il me semble que « l’entre-soi » c’est ce que nous vivons actuellement. Majoritairement ce sont des femmes qui écrivent et envoient leurs poèmes chaque mois et ce sont des femmes qui leur répondent et ce sont toujours les mêmes. C’est un constat pas plus. Mon intention était juste de lire quelques-uns de nos textes devant un public que j’aurais espéré bien entendu le plus large possible parce que je le répète je trouve cela dommage que ces textes restent « confinés ». Quant au choix du thème je trouve que ceux qui évoquent l’amour perdu, l’enfance meurtrie, etc, etc, écrits par des femmes sont particulièrement beaux. Pourquoi se priver de cette parole ? La faire entendre n’est pas exclure celle de l’Autre qu’il soit Homme, petit bout d’homme ? Messieurs à votre plume! Je plaisante bien entendu……
Voilà Michèle, peut-être ai- je été un peu plus claire. De plus c’était une simple proposition et je te remercie de m’avoir donné ton avis.
Belle journée à toi et au groupe.
Elisabeth Thomas-Loridan
Merci pour ce poème dans lequel son auteure exprime sa passion pour le théâtre . On pourrait sans doute reprocher à ce poème d’être un peu long , mais l’intérêt que ces vers suscitent chez les lecteurs fait oublier ce détail.
Tout à fait d’accord sur le fait qu’il soit « un peu long ». J’en ai pris conscience en le relisant. Merci pour ce commentaire.
Elisabeth
Le masque invisible
Plus de poèmes
plus de lecture
je suis fatiguée de culture
ma tête est vide , la main lasse.
Quand sonne l’heure de la casse ?
Rangez-moi loin
des devantures
et cachez ma triste figure
ou placez quel qu’autre à ma place
qui vous sourira dans la glace.
Sang de poète
fou d’aventure
habile en faux en écriture
il effacera toute trace
tout en recomposant ma face.
Moi dans mon coin
dans mon impasse
je connaîtrai toutes ses passes …
Et je crierai à l’imposture
Scindée en deux, le dos au mur.
Michèle PETTAZZONI
d’ Yvonne à Dominique V. et bien d’autres…., je suis d’accord avec toi: la procédure d’envoi des commentaires n’est pas évidente, et il m’est arrivé assez souvent de me tromper entre » laisser un commentaire » qui va s’afficher à la suite des autres textes, et » répondre » qui permet que la réponse s’affiche juste après le poème concerné. Peut-être y a-t-il un moyen de rendre l’utilisation du site plus claire, afin de ne pas décourager ceux et celles qui souhaitent y déposer un poème ou une appréciation et qui, se heurtant à ces difficultés de « communication », renoncent à participer à la vie du site.
Remarque: quand on s’aperçoit qu’on s’est trompé on peut le signaler à l’adresse mail du contact PEP, et solliciter Jean-Yves qui sait corriger nos erreurs et nous éclairer sur la marche à suivre. Merci Jean-Yves pour ton aide et ta patience.
Dissimulation
Il y a maintenant longtemps que je connais
Le bleu de ton regard et le pli de ta bouche,
La chaleur de ta main qui, lorsqu’elle me touche
Me trouble de sa paume; et soudain, je renais…
Je suis alors crinière au dos brun des poneys;
Je suis un chemin creux que le soir effarouche,
Je suis un aubépin refleuri sur sa souche,
Je suis un poitrail nu refusant le harnais.
Tu ne peux pas savoir que mes airs raisonnables
Dissimulent trop bien mes désirs indomptables,
Derrière des regards lointains, indifférents.
Je ne suis pas modeste, et je ne suis pas sage :
Je rêve, chaque nuit, qu’en tes bras tu me prends
Et que tes tendres doigts dégrafent mon corsage.
Yvonne Le Meur-Rollet (2003)
Sans domicile fixe
Tout est toujours bien à qui sait fermer les yeux.
N’est-il pas désastreux d’avoir autant d’envie
Au moment où des vies ont aussi peu de prix ?
À quoi s’accrochent-ils, ces pauvres malheureux ?
Je les vois et tous les jours et toutes les heures.
Je les sais abattus, leurs sourires éteints
Dans leurs espoirs déçus et leurs plaisirs défunts.
Tous les moments passés ont des effets majeurs.
Le gel ne les fait plus trembler. Il est en eux
Depuis si longtemps. Ils cèdent, pliés en deux
Sous le poids de la honte et de l’indifférence.
Le temps n’a la saveur que de l’éternité.
Les fantômes des rues la mesurent en nuitées
Sous les masques blanchis où ils hurlent en silence.
Merci Dominique M. d’avoir pensé à d ceux qui souffrent en silence derrière le masque de la misère et du désespoir.
MASQUES
Neige masquant la terre
ses creux et ses tanières,
ses blessures secrètes
sous un tapis de fête …
Terres masquant nos morts
depuis la nuit des temps
et l’on se remémore
la vie de bien des gens.
Gens masquant tant de peines
de joies ou de tourments …
La mort secoue la neige
et jamais ne vous ment !
Michèle PETTAZZONI 11/02/2021
Partie de cache-
cache ou heure de vérité ?
Jeune masque
Tu mets de l’or sur tes paupières
et tu enflammes tes cheveux.
L’orange étalé sur tes lèvres
brille au soleil d’un matin bleu.
Tu marches seule sur la grève
tu es belle et n’as pas vingt ans.
Tu ne veux pas montrer ta peine
lorsque tu croises des passants.
Sous de longs volants de gitane
tu sens trembler ton jeune corps
fier animal qui se pavane
alors que le chagrin le mord.
Tu ne veux pas que l’on devine
que ton amoureux t’a trahie ;
tu crains plus que tout que l’on plaigne
La pauvre fille au cœur meurtri.
Un masque couvre ton visage
maquillé de vives couleurs,
tu te promènes sur la plage
et tu ne crois plus au bonheur.
Yvonne Le Meur-Rollet . 8 février 2021
Ce poème me replonge dans les affres de ma jeunesse : « N’avoue jamais …..que tu aimes ». Tu décris avec subtilité et finesse (et sans doute connaissance de cause) cette émotion qui nous transperce quand nous pensons si jeunes, que notre monde s’écroule.
Le masque du bien adapté
Il nous masque ses joies,
il nous masque ses peines,
toujours ami, toujours amen,
il parle tièdement
dans un bonheur de scène …
Il nous masque ses peurs,
il nous masque ses haines,
toujours poli, toujours en veine,
taisant ses sentiments
sous les dires de scène …
Il masque ses amours,
il masque la mort même,
toujours conforme … et toujours même.
Mais sous le masque mou,
sous le menteur en scène,
se cache un méchant loup … et un autre lui-même !
Michèle PETTAZZONI
J’aime beaucoup ce poème, sa subtilité, l’excellence de la forme. Un masque pour les autres est aussi un masque à lui même
Mon commentaire s’adresse au poème de Michèle Pettazzoni Le masque du bien adapté. Je le précise car je m’embrouille avec la procédure d’envoi des commentaires. Désolée si ce n’est pas clair.