J’avais le cœur rempli d’amère solitude
Traînant un morne ennui, lourdement en tous lieux
Mes vingt ans étaient faits de trop de lassitude
J’étais seule toujours parmi la multitude
N’ayant pas vu vos yeux.
Je souffrais de n’avoir personne pour m’entendre
De sentir mon cœur lourd quand tous étaient joyeux
Lorsqu’on parlait d’amour, je croyais bien comprendre
Mais ce n’était qu’un leurre et ce n’était qu’attendre
N’ayant pas vu vos yeux.
Un jour, ce fut divin!… je vous vis sur ma route
Et tout mon cœur ardent battit, mystérieux.
J’avais l’âme ravie, étonnée, en déroute…
Je ne sus même pas qu’elle se donnait toute
Au regard de vos yeux.
Que m’importe aujourd’hui douleur, ennui, tristesse
Et tout ce qui nous fait le cœur lourd, soucieux!
Qu’importe qu’on m’oublie et que l’on me délaisse
Que l’abandon m’entraîne en sa morne détresse
Puisque j’ai vu vos yeux.
Je ne savais de toi que quelques photos floues:
Réalité virtuelle d’écrans interposés.
Pas le moindre contact ni de baisers aux joues,
Je nous sentais si proches et pourtant éloignés.
Tout est parti de rien, rien que d’un épicentre
Mon désir grandissait sans te voir ni t’entendre,
Soubresauts dans le cœur, gargouillis dans le ventre,
Souffle court, haletant à ne faire que t’attendre.
Puis tu m’es apparu(e) et ton corps s’est glissé
Sous mon regard soyeux, pour la première fois,
Jusqu’à mes mains tendues lorsque tu as crié.
Regard sur ta peau nue que je n’osais toucher
Alors que j’ignorais pour lequel de nous trois
Mes larmes s’écoulaient à n’en jamais sécher.
Merci Dominique pour ce magnifique poème qui fait naître beaucoup d’émotion, quand on découvre que ce premier rendez-vous d’amour est celui d’un père ou d’une mère avec un enfant attendu et intensément désiré.
Souvenir d’une visite à La Cathédrale d’images des Baux de Provence, en 2008.Cette année-là, les oeuvres de Van Gogh étaient projetées en diaporama, sur les parois de calcaire des anciennes carrières
Que cherchait donc Vincent en traversant la France ?
Sans doute voulait-il rencontrer les saisons,
Découvrir les maisons, entre haies et jardins,
Et les gestes des gens penchés sur leurs travaux …
Mais il cherchait surtout les ciels et la lumière
Qu’il découvrit enfin sur les rives du Rhône…
Aujourd’hui, il est là,
Juste au coeur des Alpilles,
Et ses yeux très clairs brillent
Aux parois des carrières,
De cette flamme intense
Qui nous scrute et nous trouble…
Sur les hauts murs de craie,
Tous ses tableaux défilent
En une longue danse
Tandis que la musique de Satie ou Saint-Saens
Emplit la cathédrale, au rythme des images.
Sous les yeux de Vincent,
Des oliviers se tordent,
Et leurs troncs noirs défilent
Sur les coteaux ocrés.
…/..
Des champs d’abricotiers
Ou d’amandiers en fleurs
Cloisonnent des ciels bleus,
Et de lourds tournesols se penchent dans des vases
Sous les yeux de Vincent, une nuit étoilée
S’enroule, somptueuse, enluminant le fleuve
De liquides reflets, longues soieries noyées.
…/…
Dans les yeux de Vincent, sous son chapeau de paille,
Dorment des moissonneurs étendus côte à côte
A l’ombre d’une meule.
Cet homme et cette femme, peuvent s’aimer d’amour,
Ils ne se touchent pas. Ecrasés de fatigue,
Ils attendront le soir pour s’enlacer enfin.
Dans le regard du peintre, et sur sa barbe rousse,
Des rangs de vignes rouges s’embrasent dans le soir.
Des chemins en automne
Nous mènent aux jardins des longues promenades
Où les ombres des femmes
Passent sous les grands arbres .
…/…
Le regard de Vincent brouille nos yeux de larmes
Tandis qu’un violoncelle,
Fait monter sous les voûtes
Une suite de Bach qui pleure et puis s’apaise .
Dans les prunelles bleues,
Passent une maison jaune,
Des corbeaux dans les blés,
Des cafés, des terrasses ,
Des iris violacés, serrés entre des buis,
Le cloître de l’asile aux allées de graviers,
La route aux grands cyprès menant à une église,
Un semeur au couchant quand le soleil se noie.
Et toutes ces splendeurs,
Lumières fragmentées, aveuglantes richesses
D’un talent torturé par des douleurs secrètes,
Sont comme des fenêtres
Qui permettent de voir plus loin que le réel…
LA SIRENE
Comment ne pas succomber
Quand j’ai croisé son regard,
Qui aurait pu briser le charme envoûtant
De ses flaques sauvages
De ses grands yeux verts d’eau
pareils à l’océan;
Qui aurait pu m’empêcher d’aimer
cette figure de proue décrochée du navire
et ses cheveux dorés, éclatant en soleil
Autour de son visage.
Je n’ai pu résister à l’appel de la sirène
Sans retenue j’ai levé l’ancre
Et poussé par le vent du large,
Je suis allé à l’abordage
De ce regard sans fond.
J’ai navigué comme un bouchon
Sur les vagues de ses yeux mouillés,
Corps et âme je me suis noyé
Dans les abysses de son horizon.
A quoi bon ressasser le malheur à quoi bon ?
A quoi bon dire encore et encore le drame
Le drame de notre monde ?
Sa laideur
Crois-tu qu’on ne la voit pas ?
Mais on n’en peut plus de t’entendre.
Allez ferme les yeux
Laisse-toi aller à rêver
Oublie les images qui se bousculent dans ta tête
Et glacent ton coeur
Oublie les visages de ces enfants au regard vide se mourant de faim
Oublie ces enfants au regard brillant de vie mais aux corps abîmés à jamais
Oublie ces hommes et ces femmes chassés de leur pays marchant dans des rues devenues soudain silencieuses
Oublie ces ombres incertaines massées derrière des barbelés
Fixant l’objectif d’un regard étonné
Etonnés d’être encore Vivants
Mais pour combien de temps ?
Allons c’est assez ! Cesse ta litanie du malheur !
Oublie-les
Réchauffe ton cœur à tes rêves
Et dis-nous enfin le bonheur
J’ai joué le jeu
J’ai fermé les yeux
Et j’ai dit ce qui m’passait par la tête
Des petits pas sur le sable
Le rire d’un enfant
Les petits pas ce seraient les siens
Cet enfant qui rit
Ce serait le mien
Le doux murmure du vent
Le bruit des vagues qui se meurent doucement
Le chuchotement de voix amies le soir venu
Des regards qui s’invitent
Une balade sur une île déserte
Avec l’amour retrouvé
Un jour de plein soleil
Une nuit d’été
La tête dans les étoiles
J’ai partagé mes rêves avec eux toute la nuit
Ce fut doux, drôle, joyeux
La vie comme je rêverais qu’elle soit….
Ils m’ont cru guérie
Mais le jour s’est levé
Les rêves s’en sont allés
Je n’avais rien oublié
Il ne suffit pas de fermer les yeux
Pour oublier
Ces visages au regard vaincu
Pour oublier
La peur de voir dans leurs yeux ma propre défaite.
Elisabeth Thomas-Loridan le 6 / 04 / 2021
*J’ai écrit ce texte en pensant à mes amies et mes proches qui me disent souvent « Mais pourquoi tu écris « si triste » ? ». Je ne sais trop quoi leur répondre. Ils me disent beaucoup aimer voire préférer mes textes drôles (en particulier celui où j’imagine le dialogue entre un Ours polaire et sa femme : il est drôle au niveau de la forme mais pas du tout sur le fond, comme quoi…). Alors voilà pour essayer de leur répondre j’ai imaginé ce dialogue à la manière du dialogue qui oppose l’homme de guerre à la Mère furieuse dans Stabat Mater Furiosa de J.P Siméon, texte inspirant et que j’aimerais dire encore et encore tant malheureusement il est toujours d’une si douloureuse actualité (j’en avais dit des extraits lors du deuxième Festival de Poésie).
Oui, je me souviens de cette lecture des extraits du poème de J-P Siméon que tu avais cité lors d’un de nos apéros poétiques. Je l’avais recherché sur internet pour pouvoir le lire et le relire…
Merci pour ce nouveau texte qui nous rappelle qu’il « ne suffit pas de fermer les yeux pour oublier ».
Un parapluie retourné
Devient un incroyable lieu de vie
Où les poissons nagent ensemble
Un couple de yeux, une vision,
Tellement de visions dans ce monde,
Tellement de façon de voir les choses,
Tellement de choses à apprendre, désapprendre,
Apprendre à regarder différemment,
Apprendre à regarder sans jugement,
Apprendre à savourer l’instant présent,
J’imagine,
J’imagine un regard que je ne connais pas.
Un regard qui me capte dans sa douce puissance.
Deux yeux que je surprends à réduire la distance.
Je pense,
Je pense à l’œil profond qui ne s’adresse qu’à moi
Et me couve et me veut désirer protéger
Qui me susurre sans mot l’envie de m’héberger.
Je vois,
Je vois l’éclair saillant qui n’est pas équivoque,
Qui montre sans le dire l’attirance naissante.
C’est un regard qui voile une âme caressante.
Je sais,
Je sais un œil complice, intime, qui me provoque,
Qui m’invite à comprendre toute sa profondeur
Et partage pour moi sa confiante douceur.
Je découvre,
Je découvre un regard qui ne sait pas tricher,
Mais me dit ce qu’aucun n’est parvenu à dire
Par le langage des mots ou celui d’un sourire.
J’aime,
J’aime la confession, derrière les yeux cachée,
Qui me donne, au-delà de son invitation,
La promesse d’une vie ou d’une heure de passion.
Ose du bout des cils,
Balayer la vie,
Caresser les poussières,
Glisser sur les dunes.
Ose au delà de tes cils,
Aimer la vie, la nuit,
Courir dans les clairières,
Apprivoiser la lune.
Ose le temps d’une éclipse de cils
Croire que tout est possible.
Sais tu que….lorsque que battent tes cils,
Ma vie s’anime, mon coeur s’active…Est ce visible…
Je te regarde vivre, entre mes cils,
Je danse sur le ton silencieux
Du doux battement de tes cils,
Viens, ose te regarder à travers mes yeux.
Ose t’aimer, plus que je t’aime!
Lorsque la lumière décline et que mes cils s’inclinent,
Je te devine, je t’imagine, je te dessine…
Les yeux plongés le noir, ta lumière me guide et prend racine.
Regarde, mais regarde toi… Tu brilles! tu m’illumines…
Elle est assise à même le sol
Un sol dur et froid
Il a gelé cette nuit
De l’autre côté de la rue
Je l’observe
Je l’ai déjà vue
Mendier ailleurs dans la ville
Visage fermé
Murmurant des mots que je devinais hostiles
Mais ce matin tournée vers les passants
Qui la frôlent sans même lui jeter un regard
Je la vois vaciller, frémissant de froid
Dans ses yeux je surprends une lueur de détresse
Mais très vite elle se redresse
Sans un mot sans une larme
Elle restera là assise à même le sol jusqu’à la relève.
Quelques instants plus tard
Lorsque je lui tendrai un croissant
Elle l’acceptera en souriant
Me remercie-t-elle pour mon geste
Si dérisoire soit-il
Ou pour le regard que nous avons alors échangé ?
L’un est rieur, éclair de charme,
pépites d’or, attise-flamme.
L’autre d’un seul rai ravit l’âme,
chanson de vie, bel oriflamme.
Celui-là, vert bleu, tombeur,
nous fait chavirer de bonheur.
Ceux-ci, glaçants et suspects,
nous transpercent d’un sombre trait.
Certains fuient comme des voleurs,
l’approche douce est de rigueur…
Et puis le tien, par-dessus tout
qui m’aime sens dessus-dessous !
Un grand merci à tous ceux qui écrivent pour cette rubrique. Je sais que vos textes sont appréciés et je pense que nous pourrions envisager une publication papier. C’est une idée partagée par un certain nombre d’entre nous. Je vous promets que nous en discuterons au sein du Conseil d’Administration de notre association.
Une autre idée , facile à mettre en oeuvre, serait que, en ces temps difficiles, vous lisiez vos textes par téléphone aux personnes qui en feraient la demande.
N’hésitez pas à vous exprimer librement sur ces propositions.
Bien poétiquement.
VOS YEUX
J’avais le cœur rempli d’amère solitude
Traînant un morne ennui, lourdement en tous lieux
Mes vingt ans étaient faits de trop de lassitude
J’étais seule toujours parmi la multitude
N’ayant pas vu vos yeux.
Je souffrais de n’avoir personne pour m’entendre
De sentir mon cœur lourd quand tous étaient joyeux
Lorsqu’on parlait d’amour, je croyais bien comprendre
Mais ce n’était qu’un leurre et ce n’était qu’attendre
N’ayant pas vu vos yeux.
Un jour, ce fut divin!… je vous vis sur ma route
Et tout mon cœur ardent battit, mystérieux.
J’avais l’âme ravie, étonnée, en déroute…
Je ne sus même pas qu’elle se donnait toute
Au regard de vos yeux.
Que m’importe aujourd’hui douleur, ennui, tristesse
Et tout ce qui nous fait le cœur lourd, soucieux!
Qu’importe qu’on m’oublie et que l’on me délaisse
Que l’abandon m’entraîne en sa morne détresse
Puisque j’ai vu vos yeux.
Eva Senécal, poète canadienne
1905-1988
Premier rendez-vous
Je ne savais de toi que quelques photos floues:
Réalité virtuelle d’écrans interposés.
Pas le moindre contact ni de baisers aux joues,
Je nous sentais si proches et pourtant éloignés.
Tout est parti de rien, rien que d’un épicentre
Mon désir grandissait sans te voir ni t’entendre,
Soubresauts dans le cœur, gargouillis dans le ventre,
Souffle court, haletant à ne faire que t’attendre.
Puis tu m’es apparu(e) et ton corps s’est glissé
Sous mon regard soyeux, pour la première fois,
Jusqu’à mes mains tendues lorsque tu as crié.
Regard sur ta peau nue que je n’osais toucher
Alors que j’ignorais pour lequel de nous trois
Mes larmes s’écoulaient à n’en jamais sécher.
Merci Dominique pour ce magnifique poème qui fait naître beaucoup d’émotion, quand on découvre que ce premier rendez-vous d’amour est celui d’un père ou d’une mère avec un enfant attendu et intensément désiré.
Le regard de Vincent
Souvenir d’une visite à La Cathédrale d’images des Baux de Provence, en 2008.Cette année-là, les oeuvres de Van Gogh étaient projetées en diaporama, sur les parois de calcaire des anciennes carrières
Que cherchait donc Vincent en traversant la France ?
Sans doute voulait-il rencontrer les saisons,
Découvrir les maisons, entre haies et jardins,
Et les gestes des gens penchés sur leurs travaux …
Mais il cherchait surtout les ciels et la lumière
Qu’il découvrit enfin sur les rives du Rhône…
Aujourd’hui, il est là,
Juste au coeur des Alpilles,
Et ses yeux très clairs brillent
Aux parois des carrières,
De cette flamme intense
Qui nous scrute et nous trouble…
Sur les hauts murs de craie,
Tous ses tableaux défilent
En une longue danse
Tandis que la musique de Satie ou Saint-Saens
Emplit la cathédrale, au rythme des images.
Sous les yeux de Vincent,
Des oliviers se tordent,
Et leurs troncs noirs défilent
Sur les coteaux ocrés.
…/..
Des champs d’abricotiers
Ou d’amandiers en fleurs
Cloisonnent des ciels bleus,
Et de lourds tournesols se penchent dans des vases
Sous les yeux de Vincent, une nuit étoilée
S’enroule, somptueuse, enluminant le fleuve
De liquides reflets, longues soieries noyées.
…/…
Dans les yeux de Vincent, sous son chapeau de paille,
Dorment des moissonneurs étendus côte à côte
A l’ombre d’une meule.
Cet homme et cette femme, peuvent s’aimer d’amour,
Ils ne se touchent pas. Ecrasés de fatigue,
Ils attendront le soir pour s’enlacer enfin.
Dans le regard du peintre, et sur sa barbe rousse,
Des rangs de vignes rouges s’embrasent dans le soir.
Des chemins en automne
Nous mènent aux jardins des longues promenades
Où les ombres des femmes
Passent sous les grands arbres .
…/…
Le regard de Vincent brouille nos yeux de larmes
Tandis qu’un violoncelle,
Fait monter sous les voûtes
Une suite de Bach qui pleure et puis s’apaise .
Dans les prunelles bleues,
Passent une maison jaune,
Des corbeaux dans les blés,
Des cafés, des terrasses ,
Des iris violacés, serrés entre des buis,
Le cloître de l’asile aux allées de graviers,
La route aux grands cyprès menant à une église,
Un semeur au couchant quand le soleil se noie.
Et toutes ces splendeurs,
Lumières fragmentées, aveuglantes richesses
D’un talent torturé par des douleurs secrètes,
Sont comme des fenêtres
Qui permettent de voir plus loin que le réel…
Yvonne Le Meur-Rollet
_________
LA SIRENE
Comment ne pas succomber
Quand j’ai croisé son regard,
Qui aurait pu briser le charme envoûtant
De ses flaques sauvages
De ses grands yeux verts d’eau
pareils à l’océan;
Qui aurait pu m’empêcher d’aimer
cette figure de proue décrochée du navire
et ses cheveux dorés, éclatant en soleil
Autour de son visage.
Je n’ai pu résister à l’appel de la sirène
Sans retenue j’ai levé l’ancre
Et poussé par le vent du large,
Je suis allé à l’abordage
De ce regard sans fond.
J’ai navigué comme un bouchon
Sur les vagues de ses yeux mouillés,
Corps et âme je me suis noyé
Dans les abysses de son horizon.
Louise Montagne-avril 2021-
Mais le jour s’est levé
A quoi bon ressasser le malheur à quoi bon ?
A quoi bon dire encore et encore le drame
Le drame de notre monde ?
Sa laideur
Crois-tu qu’on ne la voit pas ?
Mais on n’en peut plus de t’entendre.
Allez ferme les yeux
Laisse-toi aller à rêver
Oublie les images qui se bousculent dans ta tête
Et glacent ton coeur
Oublie les visages de ces enfants au regard vide se mourant de faim
Oublie ces enfants au regard brillant de vie mais aux corps abîmés à jamais
Oublie ces hommes et ces femmes chassés de leur pays marchant dans des rues devenues soudain silencieuses
Oublie ces ombres incertaines massées derrière des barbelés
Fixant l’objectif d’un regard étonné
Etonnés d’être encore Vivants
Mais pour combien de temps ?
Allons c’est assez ! Cesse ta litanie du malheur !
Oublie-les
Réchauffe ton cœur à tes rêves
Et dis-nous enfin le bonheur
J’ai joué le jeu
J’ai fermé les yeux
Et j’ai dit ce qui m’passait par la tête
Des petits pas sur le sable
Le rire d’un enfant
Les petits pas ce seraient les siens
Cet enfant qui rit
Ce serait le mien
Le doux murmure du vent
Le bruit des vagues qui se meurent doucement
Le chuchotement de voix amies le soir venu
Des regards qui s’invitent
Une balade sur une île déserte
Avec l’amour retrouvé
Un jour de plein soleil
Une nuit d’été
La tête dans les étoiles
J’ai partagé mes rêves avec eux toute la nuit
Ce fut doux, drôle, joyeux
La vie comme je rêverais qu’elle soit….
Ils m’ont cru guérie
Mais le jour s’est levé
Les rêves s’en sont allés
Je n’avais rien oublié
Il ne suffit pas de fermer les yeux
Pour oublier
Ces visages au regard vaincu
Pour oublier
La peur de voir dans leurs yeux ma propre défaite.
Elisabeth Thomas-Loridan le 6 / 04 / 2021
*J’ai écrit ce texte en pensant à mes amies et mes proches qui me disent souvent « Mais pourquoi tu écris « si triste » ? ». Je ne sais trop quoi leur répondre. Ils me disent beaucoup aimer voire préférer mes textes drôles (en particulier celui où j’imagine le dialogue entre un Ours polaire et sa femme : il est drôle au niveau de la forme mais pas du tout sur le fond, comme quoi…). Alors voilà pour essayer de leur répondre j’ai imaginé ce dialogue à la manière du dialogue qui oppose l’homme de guerre à la Mère furieuse dans Stabat Mater Furiosa de J.P Siméon, texte inspirant et que j’aimerais dire encore et encore tant malheureusement il est toujours d’une si douloureuse actualité (j’en avais dit des extraits lors du deuxième Festival de Poésie).
Oui, je me souviens de cette lecture des extraits du poème de J-P Siméon que tu avais cité lors d’un de nos apéros poétiques. Je l’avais recherché sur internet pour pouvoir le lire et le relire…
Merci pour ce nouveau texte qui nous rappelle qu’il « ne suffit pas de fermer les yeux pour oublier ».
Le chat et le soleil
Le chat ouvrit les yeux,
Le soleil y entra.
Le chat ferma les yeux,
Le soleil y resta.
Voila pourquoi, le soir,
Quand le chat se réveille,
J’aperçois dans le noir
Deux morceaux de soleil.
Maurice Carême
J’ai toujours beaucoup aimé ce poème. Merci de l’avoir choisi pour illustrer le thème de ce mois.
Regards sur une vie ( pantoum)
La rivière, là-bas, s’étire
Entre les chênes émondés.
L’orme, penché sur l’eau, soupire,
Rameaux et branches dénudés.
Entre les chênes émondés,
Le jour est passé sans sourire.
Rameaux et branches dénudés,
C’est un soir où l’automne expire.
Le jour est passé sans sourire,
Mes espoirs se sont envolés.
C’est un soir où l’automne expire,
Sous des regrets froids et voilés.
Mes espoirs se sont envolés,
Est-il d’autres mots pour le dire?
Sous des regrets froids et voilés
Ton visage aimé se déchire.
Est-il d’autres mots pour le dire?
Les serments se sont effrités.
Ton visage aimé se déchire,
Au long des pontons désertés.
Les serments se sont effrités,
Reste un reflet que je désire…
Au long des pontons désertés,
La rivière, là-bas, s’étire.
Yvonne Le Meur-Rollet
Aveu
Je l’ai vue en Egypte
du Caire à Assouan
au pied du mont Fuji
dans le cœur d’un volcan.
Je l’ai vue dans le ciel
aux couleurs de nectar
dans la fleur qui s’éveille,
sur l’aile du canard.
Je l’ai vue,
époustouflante,
la beauté éperdue
de ce monde
Michèle PETTAZZONI
Lève toi, Regarde toi
Lève toi, Regarde toi,
Tu illumines les yeux des gens,
Par des pépites en couleurs d’émoi,
Par la poésie des mots en fragment.
Réveille toi, Délivre toi.
Dans ton sang coule la vie en tourment,
Dans tes larmes scintille la joie,
Dans ton regard vit une âme d’enfant.
Regard d’enfant
Un parapluie retourné
Devient un incroyable lieu de vie
Où les poissons nagent ensemble
Un couple de yeux, une vision,
Tellement de visions dans ce monde,
Tellement de façon de voir les choses,
Tellement de choses à apprendre, désapprendre,
Apprendre à regarder différemment,
Apprendre à regarder sans jugement,
Apprendre à savourer l’instant présent,
Comme un regard d’enfant.
Dans les yeux
J’imagine,
J’imagine un regard que je ne connais pas.
Un regard qui me capte dans sa douce puissance.
Deux yeux que je surprends à réduire la distance.
Je pense,
Je pense à l’œil profond qui ne s’adresse qu’à moi
Et me couve et me veut désirer protéger
Qui me susurre sans mot l’envie de m’héberger.
Je vois,
Je vois l’éclair saillant qui n’est pas équivoque,
Qui montre sans le dire l’attirance naissante.
C’est un regard qui voile une âme caressante.
Je sais,
Je sais un œil complice, intime, qui me provoque,
Qui m’invite à comprendre toute sa profondeur
Et partage pour moi sa confiante douceur.
Je découvre,
Je découvre un regard qui ne sait pas tricher,
Mais me dit ce qu’aucun n’est parvenu à dire
Par le langage des mots ou celui d’un sourire.
J’aime,
J’aime la confession, derrière les yeux cachée,
Qui me donne, au-delà de son invitation,
La promesse d’une vie ou d’une heure de passion.
Battre des cils
Ose du bout des cils,
Balayer la vie,
Caresser les poussières,
Glisser sur les dunes.
Ose au delà de tes cils,
Aimer la vie, la nuit,
Courir dans les clairières,
Apprivoiser la lune.
Ose le temps d’une éclipse de cils
Croire que tout est possible.
Sais tu que….lorsque que battent tes cils,
Ma vie s’anime, mon coeur s’active…Est ce visible…
Je te regarde vivre, entre mes cils,
Je danse sur le ton silencieux
Du doux battement de tes cils,
Viens, ose te regarder à travers mes yeux.
Ose t’aimer, plus que je t’aime!
Lorsque la lumière décline et que mes cils s’inclinent,
Je te devine, je t’imagine, je te dessine…
Les yeux plongés le noir, ta lumière me guide et prend racine.
Regarde, mais regarde toi… Tu brilles! tu m’illumines…
Pyrénées catalanes
J’écoute le torrent
son cristal m’arrache à moi-même
son effervescence m’emporte
dans le jaillissement de l’écume
Le lointain devient proche
la montagne enlace la mer
ensemence le ciel
Les émotions bouillonnent
dans l’ivresse des musiques
les rêves absolus se confondent
se répondent
Je sais que j’attendais
depuis toujours
ce qui était sous mes yeux
la sincérité du cœur
dans la profusion du torrent
A Vienne
Dans une taverne
Cassa romana
L’Italien qui servait
avait un air délicat
Quand, après-dîner, confuse
je ne trouvai plus mon porte-monnaie
il me proposa avec un sourire
de ne pas m’inquiéter
de revenir payer le lendemain
Le deuxième soir
Je vins à la même table
son service était ailleurs
Il se précipita
prit mon billet
alluma la bougie
me fixa avant de regarder la flamme
Son regard me troubla tant
que je n’osai le lui rendre.
François Nadaud
J’ai revu mon ami après de longues années d’absence.
il fut difficile de retrouver sa maison
perdue dans les bois
Quand je le trouvai déjeunant dans son atelier
Il fit
comme si nous ne nous étions jamais quittés
Nous interrogions nos visages
tandis que nos mots
se disaient autre chose
J’ai parcouru son jardin parsemé de sculptures
Vu
le bois bien coupé
soigneusement rangé
C’était dans un vallon du Boischaut sud
où j’avais vécu
autrefois
Dans cette nature vibrante
il parlait de sa vie tranquille
du temps qui passe
la vie va si vite, disait-il
et il y a tant à faire
Un matin d’hiver
Elle est assise à même le sol
Un sol dur et froid
Il a gelé cette nuit
De l’autre côté de la rue
Je l’observe
Je l’ai déjà vue
Mendier ailleurs dans la ville
Visage fermé
Murmurant des mots que je devinais hostiles
Mais ce matin tournée vers les passants
Qui la frôlent sans même lui jeter un regard
Je la vois vaciller, frémissant de froid
Dans ses yeux je surprends une lueur de détresse
Mais très vite elle se redresse
Sans un mot sans une larme
Elle restera là assise à même le sol jusqu’à la relève.
Quelques instants plus tard
Lorsque je lui tendrai un croissant
Elle l’acceptera en souriant
Me remercie-t-elle pour mon geste
Si dérisoire soit-il
Ou pour le regard que nous avons alors échangé ?
Elisabeth Loridan
Regards croisés
L’un est rieur, éclair de charme,
pépites d’or, attise-flamme.
L’autre d’un seul rai ravit l’âme,
chanson de vie, bel oriflamme.
Celui-là, vert bleu, tombeur,
nous fait chavirer de bonheur.
Ceux-ci, glaçants et suspects,
nous transpercent d’un sombre trait.
Certains fuient comme des voleurs,
l’approche douce est de rigueur…
Et puis le tien, par-dessus tout
qui m’aime sens dessus-dessous !
Michèle PETTAZZONI
J’adore, la malice avec délice.
Un grand merci à tous ceux qui écrivent pour cette rubrique. Je sais que vos textes sont appréciés et je pense que nous pourrions envisager une publication papier. C’est une idée partagée par un certain nombre d’entre nous. Je vous promets que nous en discuterons au sein du Conseil d’Administration de notre association.
Une autre idée , facile à mettre en oeuvre, serait que, en ces temps difficiles, vous lisiez vos textes par téléphone aux personnes qui en feraient la demande.
N’hésitez pas à vous exprimer librement sur ces propositions.
Bien poétiquement.
JP Billois