Le soir nous partirons
Sur la neige incertaine
Dans un traîneau d’amarantes
De cristaux en fleurs.
Le ciel éclatera
Comme un théâtre ouvert
Et tout refleurira
Autour de ta présence.
Ma vie se jettera
Aux pieds de tes bras nus
Et je t’inventerai
Mille merveilles anciennes
Qui renaîtront sans cesse
Les uns après les autres
En câlins de brocante
Suspendus à ton cou.
Le silence des feuilles
Englouties par l’hiver
Percera le verglas
Sous tes pas de géant
Et ma vie lèvera
A tes rêves de pierre
Comme lève déjà
Le parfum du printemps.
La mémoire est sans limite, elle est toute éternité
Ses ramifications nous entraînent
Dans l’antre chaleureux de l’humanité
Et nous amène dans les lieux les plus sombres même
Dans la forêt des pensées humaines
Où je me suis perdu, j’ai cru voir une luciole
J’ai couru, voulu la prendre entre mes mains
Comme un trésor, un guide, une idole
Mais plus j’avançais, plus la faible lueur s’éloignait
Posée sur les bois d’un cerf dix-cors
Ne voulant pas prendre forme, prendre corps
C’est alors que je me suis retrouvé nez à nez
Avec un personnage tout en barbe
Ayant tout l’air d’un sage, assis au pied d’un arbre
Un vieil homme dépenaillé à qui on aurait donné la monnaie
Que cherches-tu homme de peu de foi ?
Je suis en quête de la vérité sur notre destinée
Celle à laquelle tout le monde voudrait croire
Je voudrais savoir la fin de l’histoire
Celle qui commençait par « il était une fois… »
L’ogre et la fée
Un brave ogre des bois, natif de Moscovie,
Etait fort amoureux d’une fée, et l’envie
Qu’il avait d’épouser cette dame s’accrut
Au point de rendre fou ce pauvre cœur tout brut ;
L’ogre, un beau jour d’hiver, peigne sa peau velue,
Se présente au palais de la fée, et salue,
Et s’annonce à l’huissier comme prince Ogrousky.
La fée avait un fils, on ne sait pas de qui.
Elle était, ce jour-là, sortie, et quant au mioche, Bel enfant blond nourri de crème et de brioche, Don fait par quelque Ulysse à cette Calypso,
Il était sous la porte et jouait au cerceau.
On laisse l’ogre et lui tout seuls dans l’antichambre.
Comment passer le temps quand il neige, en décembre
Et quand on n’a personne avec qui dire un mot ? L’ogre se mit alors à croquer le marmot.
C’est très simple. Pourtant c’est aller un peu vite, Même lorsqu’on est ogre et qu’on est moscovite, Que de gober ainsi les mioches du prochain.
Le bâillement d’un ogre est frère de la faim. Quand la dame rentra, plus d’enfant ; on s’informe.
La fée avise l’ogre avec sa bouche énorme :
As-tu vu, cria-t-elle, un bel enfant que j’ai ?
Le bon ogre naïf lui dit : Je l’ai mangé.
Or c’était maladroit. Vous qui cherchez à plaire, Jugez ce que devint l’ogre devant la mère Furieuse qu’il eût soupé de son dauphin.
Que l’exemple vous serve ; aimez, mais soyez fin,
Adorez votre belle et soyez plein d’astuce ; N’allez pas lui manger, comme cet ogre russe, Son enfant, ou marcher sur la patte à son chien
… Victor Hugo
Il était une fois une petite graine toute ronde et toute mignonne,
Un petit poisson frétillant suivant le courant de la rivière de loin la regardait ,
Il réussit à l’approcher, ils se firent des bisous,
Et plus tard naquit une petite fille blonde aux yeux bleus si belle !
Ils se mirent a nager tous les trois,
Pour aller a la rencontre d’un copain,
Qui lui aussi avait rencontré une petite graine toute ronde et toute mignonne,
Ils avaient eu un petit garçon brun aux yeux marron,
Si beau lui aussi
Les deux petits se regardèrent, leurs yeux s’illuminèrent,
Ils se firent des bisous,
Et eurent beaucoup d’enfants des blonds, des bruns et des châtains clairs.
Il était une fois…
Une seule fois…
Il était une fois l’enfance
Insouciance, innocence
Entre les deux mon coeur balance
Balance, balançoire… jusqu’au ciel !
Délicieuse terreur
un peu mal au coeur
Course au papillon
Si beau, si léger, si coloré
Mains en avant, espoir insensé de l’attraper
Et boum… pas vu la racine !
Aïe, pas grave, fais ta maligne
Grimper aux arbres
Là-haut, là aussi ça balance
Le ciel entre les feuilles
Si beau, si léger, si coloré
Le sol est loin, frayeur, terreur
Même pas peur !
Insouciance, innocence, confiance
Sauter dans les meules de foin
De la paille plein les cheveux
ça pique, ça gratte
Dévaler les pentes herbues
Bras écartés, on s’envole
ça glisse, ça crie
la chute est rude
Tomber nez à nez avec un scarabée
j’en suis bouche bée !
Il était une fois l’enfance
Allongée dans l’herbe
le regard hypnotisé par la course des nuages
Quelle histoire, le gros ours a perdu ses oreilles
il a fondu et est devenu crême fouettée
Des histoires qui s’écrivent toutes seules
Devant mes yeux ébahis !
Si beau, si léger, si blanc !
Il était une fois… mon enfance !
Il était un grand nombre de fois
Un homme qui aimait une femme.
Il était un grand nombre de fois
Une femme qui aimait un homme.
Il était un grand nombre de fois
Une femme et un homme
Qui n’aimaient pas celui et celle qui les aimaient.
Il était une seule fois
Une seule fois peut-être
Une femme et un homme qui s’aimaient.
Conte pour rire
Lu à trois voix:Dominique Mongodin, Michèle Pettazzoni, Claire Rollet
Chapitre I
Il était une fois, un vieux prince charmant
qui n’était plus vraiment sexy depuis longtemps .
Il s’était épaissi, s’essoufflait rapid’ment
et ne galopait plus les cheveux dans le vent.
À la fin du dîner, il buvait un rhum blanc
et sortait au jardin pour fumer en cachette.
Le soir, il montait tôt dans sa chambre, en toussant.
Sa femm’ restait en bas pour lire tranquill’ment
tandis qu’il s’endormait, très très seul, sous sa couette.
Le prince était pourtant toujours amoureux d’elle,
sa Belle au Bois dormant, aussi belle qu’avant,
mais lui, il l’admettait, n’était plus très vaillant.
Elle avait tout tenté pour qu’enfin se réveille,
la libido perdue du jeune époux d’antan :
ell’ portait des parfums d’ambre et de citronnelle,
des dessous chics coûteux et très affriolants,
lui servait des potions de jus de coccinelles….
Rien ne put ranimer, du prince, les élans.
Chapitre II
Ell’ s’ ennuyait énormément
et dépensait tout son argent
– l’argent du vieux prince charmant-
en fards, en crèm’s et en onguents
pour séduire un nouvel amant
qu’ell’ voulait jeune et plus fringant.
Il dormait sur ses deux oreilles,
le vieux prince un peu bedonnant,
sans se douter que l’infidèle
filait en robe de dentelle
dans un beau cabriolet blanc,
pour retrouver, dans un motel,
un jeune et séduisant amant.
Il l’emmèn’rait, espérait elle,
au plus haut point du firmament.
Mais l’amant fut très décevant,
il la saoula de compliments
sans jamais l’emmener au ciel.
Quand elle fut lasse des promesses
de ce faiseur de boniments
ell’ décida qu’il était temps
que cette fade histoire cesse.
Chapitre III
Lorsqu’el’ fut revenue chez elle,
près de son prince vieillissant,
ell’ le trouva,sous la tonnelle,
qui l’attendait fort patiemment,
sans se fâcher le moindrement.
Il vit bien qu’elle était à cran !
Il lui offrit très gentiment
un grand vin chaud à la cannelle.
Et ils trinquèr’nt en souriant….
..
Quand elle eut bu ce remontant,
ell’le regarda tendrement.
Il lui joua du violoncelle
pour la distraire artistiq’ment :
ell’ l’écouta les yeux brillants.
Il lui chanta des ritournelles
aux refrains quelque peu gnangnan :
ell’ les trouva bouleversants…
Puis, ouvrant ses bras à sa belle
Il l’invita très galamment
À partager son lit trop grand.
Et là, ô miracle ! ô merveille !
le corps du vieux prince charmant
retrouva sa vigueur d’antan,
et ils s’aimèrent comme avant.
A été évoqué le poème de Jean Anouilh « La chèvre folle »
Monologue d’un Prince Charmant devant la Belle au Bois dormant.
Dors ma dulcinée, dors
J’ai une nouvelle à t’annoncer
Je ne te réveillerai pas tout de suite
Dors de ton lourd sommeil de Belle aux cheveux d’or
La nouvelle m’a bouleversé
Elle te bouleversera
Je ne suis plus le même
Je ne serai plus jamais le même
Reste dans ta profonde léthargie
Toi aussi tu seras changée
Que rien ne bouge, que rien n’effleure
Ta virginale candeur !
Rêve dans ton mignon lit doré, rêve dans ton fastueux palais
Que tes songes ne soient que luxe et beauté !
Moi, prince vaillant connu des tous dans le pays des fées
Je me sens tel une méchante araignée
Hésitant au-dessus de toi
Il faut pourtant que tu saches !
Tout est calme dans le château
Pur espace d’éternité suspendu à mon baiser…
Épilogue :
La princesse, malgré son état semi comateux, avait tout entendu de ce verbiage oiseux.
C’était une jeune princesse intelligente et pragmatique. Elle avait eu tout le temps de cogiter durant ses cent ans de solitude. Les paroles de ce prince hésitant l’avaient fait flipper en langage actuel et elle décida de ne pas se réveiller quoiqu’il en coûte ! (Comme il se dit à présent) Ce discours ondoyant l’avait dégoûté du prince. Car elle en avait soupé des non-dits et des mensonges durant sa courte existence.
Elle conclut que son réveil serait subordonné à une véritable rencontre avec un homme qui saura, après ce terrible traumatisme vécu, trouver les mots du cœur et de l’esprit. Qu’il soit prince, bûcheron ou palefrenier.
L’hiver
Le soir nous partirons
Sur la neige incertaine
Dans un traîneau d’amarantes
De cristaux en fleurs.
Le ciel éclatera
Comme un théâtre ouvert
Et tout refleurira
Autour de ta présence.
Ma vie se jettera
Aux pieds de tes bras nus
Et je t’inventerai
Mille merveilles anciennes
Qui renaîtront sans cesse
Les uns après les autres
En câlins de brocante
Suspendus à ton cou.
Le silence des feuilles
Englouties par l’hiver
Percera le verglas
Sous tes pas de géant
Et ma vie lèvera
A tes rêves de pierre
Comme lève déjà
Le parfum du printemps.
Monique CHAPLIN
IL ETAIT UNE FOIS (1894) – extrait de « La Mer »
Jean Richepin (1849-1926)
Il était une fois jadis
Trois petit gueux sans père et mère
C’est sur l’air du de profundis
Qu’on chante leur histoire amère
Ils avaient soif, ils avaient faim
Ne buvaient, ne mangeaient qu’en rêve
Quand ils arrivèrent enfin
A demi-morts sur une grève
L’Océan leur dit : – C’est ici
Que va finir votre fringale.
Mangez ! Buvez ! Chantez aussi !
Soyez gais ! C’est moi qui régale.
Et les trois pauvres goussepains
Qui n’avaient jamais vu de grève,
Ont contemplé des pains, des pains,
Et de l’eau, plus que dans leur rêve.
Sans chercher, sans se déranger
Ils avaient la table servie,
De quoi boire et de quoi manger
Tout leur soûl et toute leur vie.
Hélas ! les jolis pains mollets
A la croûte ronde et dorée,
C’était le désert des galets
Jaunis par l’or de la soirée.
L’eau claire et pure, l’eau sans fin,
C’était l’eau de la plaine amère.
Ils sont morts de soif et de faim,
Les trois petits sans père et mère.
Cette histoire est du temps jadis.
Une vague me l’a narrée
Au rythme du de profondis
Que leur chante encor la marée.
IL ÉTAIT UNE FOIS…
La mémoire est sans limite, elle est toute éternité
Ses ramifications nous entraînent
Dans l’antre chaleureux de l’humanité
Et nous amène dans les lieux les plus sombres même
Dans la forêt des pensées humaines
Où je me suis perdu, j’ai cru voir une luciole
J’ai couru, voulu la prendre entre mes mains
Comme un trésor, un guide, une idole
Mais plus j’avançais, plus la faible lueur s’éloignait
Posée sur les bois d’un cerf dix-cors
Ne voulant pas prendre forme, prendre corps
C’est alors que je me suis retrouvé nez à nez
Avec un personnage tout en barbe
Ayant tout l’air d’un sage, assis au pied d’un arbre
Un vieil homme dépenaillé à qui on aurait donné la monnaie
Que cherches-tu homme de peu de foi ?
Je suis en quête de la vérité sur notre destinée
Celle à laquelle tout le monde voudrait croire
Je voudrais savoir la fin de l’histoire
Celle qui commençait par « il était une fois… »
Jean-Bernard VIVET
Saint-Suliac, 20 décembre 2024
En supplément:Un conte de Victor Hugo
L’ogre et la fée
Un brave ogre des bois, natif de Moscovie,
Etait fort amoureux d’une fée, et l’envie
Qu’il avait d’épouser cette dame s’accrut
Au point de rendre fou ce pauvre cœur tout brut ;
L’ogre, un beau jour d’hiver, peigne sa peau velue,
Se présente au palais de la fée, et salue,
Et s’annonce à l’huissier comme prince Ogrousky.
La fée avait un fils, on ne sait pas de qui.
Elle était, ce jour-là, sortie, et quant au mioche, Bel enfant blond nourri de crème et de brioche, Don fait par quelque Ulysse à cette Calypso,
Il était sous la porte et jouait au cerceau.
On laisse l’ogre et lui tout seuls dans l’antichambre.
Comment passer le temps quand il neige, en décembre
Et quand on n’a personne avec qui dire un mot ? L’ogre se mit alors à croquer le marmot.
C’est très simple. Pourtant c’est aller un peu vite, Même lorsqu’on est ogre et qu’on est moscovite, Que de gober ainsi les mioches du prochain.
Le bâillement d’un ogre est frère de la faim. Quand la dame rentra, plus d’enfant ; on s’informe.
La fée avise l’ogre avec sa bouche énorme :
As-tu vu, cria-t-elle, un bel enfant que j’ai ?
Le bon ogre naïf lui dit : Je l’ai mangé.
Or c’était maladroit. Vous qui cherchez à plaire, Jugez ce que devint l’ogre devant la mère Furieuse qu’il eût soupé de son dauphin.
Que l’exemple vous serve ; aimez, mais soyez fin,
Adorez votre belle et soyez plein d’astuce ; N’allez pas lui manger, comme cet ogre russe, Son enfant, ou marcher sur la patte à son chien
… Victor Hugo
Il était une fois…
Il était une fois une petite graine toute ronde et toute mignonne,
Un petit poisson frétillant suivant le courant de la rivière de loin la regardait ,
Il réussit à l’approcher, ils se firent des bisous,
Et plus tard naquit une petite fille blonde aux yeux bleus si belle !
Ils se mirent a nager tous les trois,
Pour aller a la rencontre d’un copain,
Qui lui aussi avait rencontré une petite graine toute ronde et toute mignonne,
Ils avaient eu un petit garçon brun aux yeux marron,
Si beau lui aussi
Les deux petits se regardèrent, leurs yeux s’illuminèrent,
Ils se firent des bisous,
Et eurent beaucoup d’enfants des blonds, des bruns et des châtains clairs.
Il était une fois…
Une seule fois…
Il était une fois l’enfance
Insouciance, innocence
Entre les deux mon coeur balance
Balance, balançoire… jusqu’au ciel !
Délicieuse terreur
un peu mal au coeur
Course au papillon
Si beau, si léger, si coloré
Mains en avant, espoir insensé de l’attraper
Et boum… pas vu la racine !
Aïe, pas grave, fais ta maligne
Grimper aux arbres
Là-haut, là aussi ça balance
Le ciel entre les feuilles
Si beau, si léger, si coloré
Le sol est loin, frayeur, terreur
Même pas peur !
Insouciance, innocence, confiance
Sauter dans les meules de foin
De la paille plein les cheveux
ça pique, ça gratte
Dévaler les pentes herbues
Bras écartés, on s’envole
ça glisse, ça crie
la chute est rude
Tomber nez à nez avec un scarabée
j’en suis bouche bée !
Il était une fois l’enfance
Allongée dans l’herbe
le regard hypnotisé par la course des nuages
Quelle histoire, le gros ours a perdu ses oreilles
il a fondu et est devenu crême fouettée
Des histoires qui s’écrivent toutes seules
Devant mes yeux ébahis !
Si beau, si léger, si blanc !
Il était une fois… mon enfance !
IL ÉTAIT UNE FOIS.
Il était un grand nombre de fois
Un homme qui aimait une femme.
Il était un grand nombre de fois
Une femme qui aimait un homme.
Il était un grand nombre de fois
Une femme et un homme
Qui n’aimaient pas celui et celle qui les aimaient.
Il était une seule fois
Une seule fois peut-être
Une femme et un homme qui s’aimaient.
Robert Desnos.
Conte pour rire
Lu à trois voix:Dominique Mongodin, Michèle Pettazzoni, Claire Rollet
Chapitre I
Il était une fois, un vieux prince charmant
qui n’était plus vraiment sexy depuis longtemps .
Il s’était épaissi, s’essoufflait rapid’ment
et ne galopait plus les cheveux dans le vent.
À la fin du dîner, il buvait un rhum blanc
et sortait au jardin pour fumer en cachette.
Le soir, il montait tôt dans sa chambre, en toussant.
Sa femm’ restait en bas pour lire tranquill’ment
tandis qu’il s’endormait, très très seul, sous sa couette.
Le prince était pourtant toujours amoureux d’elle,
sa Belle au Bois dormant, aussi belle qu’avant,
mais lui, il l’admettait, n’était plus très vaillant.
Elle avait tout tenté pour qu’enfin se réveille,
la libido perdue du jeune époux d’antan :
ell’ portait des parfums d’ambre et de citronnelle,
des dessous chics coûteux et très affriolants,
lui servait des potions de jus de coccinelles….
Rien ne put ranimer, du prince, les élans.
Chapitre II
Ell’ s’ ennuyait énormément
et dépensait tout son argent
– l’argent du vieux prince charmant-
en fards, en crèm’s et en onguents
pour séduire un nouvel amant
qu’ell’ voulait jeune et plus fringant.
Il dormait sur ses deux oreilles,
le vieux prince un peu bedonnant,
sans se douter que l’infidèle
filait en robe de dentelle
dans un beau cabriolet blanc,
pour retrouver, dans un motel,
un jeune et séduisant amant.
Il l’emmèn’rait, espérait elle,
au plus haut point du firmament.
Mais l’amant fut très décevant,
il la saoula de compliments
sans jamais l’emmener au ciel.
Quand elle fut lasse des promesses
de ce faiseur de boniments
ell’ décida qu’il était temps
que cette fade histoire cesse.
Chapitre III
Lorsqu’el’ fut revenue chez elle,
près de son prince vieillissant,
ell’ le trouva,sous la tonnelle,
qui l’attendait fort patiemment,
sans se fâcher le moindrement.
Il vit bien qu’elle était à cran !
Il lui offrit très gentiment
un grand vin chaud à la cannelle.
Et ils trinquèr’nt en souriant….
..
Quand elle eut bu ce remontant,
ell’le regarda tendrement.
Il lui joua du violoncelle
pour la distraire artistiq’ment :
ell’ l’écouta les yeux brillants.
Il lui chanta des ritournelles
aux refrains quelque peu gnangnan :
ell’ les trouva bouleversants…
Puis, ouvrant ses bras à sa belle
Il l’invita très galamment
À partager son lit trop grand.
Et là, ô miracle ! ô merveille !
le corps du vieux prince charmant
retrouva sa vigueur d’antan,
et ils s’aimèrent comme avant.
Yvonne Le Meur-Rollet. Décembre 2024
.
Comment se faire rouler
Il avait une 103.
Elle avait un solex.
J’étais sur mon vélo.
On s’baladait à trois
Refoulant nos complexes.
Y’en avait un de trop.
Elle a mis sa main blanche
Sur son frêle poignet
Et il a mis les gaz.
J’ai senti dans mes hanches
Et mes cuisses musclées
Que je n’étais qu’un nase !…
Il avait une moto
Elle aimait bien le rock.
J’avais une 4L.
On était bon potos,
Trouvant au fond d’un bock
De quoi avoir des ailes.
Elle chantait Elvis
En play-back du juke-box.
Quand ils s’en sont allés
J’ai senti mon pénis
Dépourvu de botox
Doucement s’étaler….
Il avait une étoile
Sur son capot brillant.
Elle faisait du stop.
Il a freiné pile poil.
J’ai mis mon clignotant,
Il a jeté sa clope.
Elle a penché la tête
Vers la vitre teintée
Et elle m’a fait un doigt
Pour saluer ma défaite.
Alors j’ai continué
Tout seul dans ma Dacia….
Moralité
Pour choper une gonzesse
Fallait être motard !
Pour mater une cougar
Mieux vaut une Mercedes !
A été évoqué le poème de Jean Anouilh « La chèvre folle »
Monologue d’un Prince Charmant devant la Belle au Bois dormant.
Dors ma dulcinée, dors
J’ai une nouvelle à t’annoncer
Je ne te réveillerai pas tout de suite
Dors de ton lourd sommeil de Belle aux cheveux d’or
La nouvelle m’a bouleversé
Elle te bouleversera
Je ne suis plus le même
Je ne serai plus jamais le même
Reste dans ta profonde léthargie
Toi aussi tu seras changée
Que rien ne bouge, que rien n’effleure
Ta virginale candeur !
Rêve dans ton mignon lit doré, rêve dans ton fastueux palais
Que tes songes ne soient que luxe et beauté !
Moi, prince vaillant connu des tous dans le pays des fées
Je me sens tel une méchante araignée
Hésitant au-dessus de toi
Il faut pourtant que tu saches !
Tout est calme dans le château
Pur espace d’éternité suspendu à mon baiser…
Épilogue :
La princesse, malgré son état semi comateux, avait tout entendu de ce verbiage oiseux.
C’était une jeune princesse intelligente et pragmatique. Elle avait eu tout le temps de cogiter durant ses cent ans de solitude. Les paroles de ce prince hésitant l’avaient fait flipper en langage actuel et elle décida de ne pas se réveiller quoiqu’il en coûte ! (Comme il se dit à présent) Ce discours ondoyant l’avait dégoûté du prince. Car elle en avait soupé des non-dits et des mensonges durant sa courte existence.
Elle conclut que son réveil serait subordonné à une véritable rencontre avec un homme qui saura, après ce terrible traumatisme vécu, trouver les mots du cœur et de l’esprit. Qu’il soit prince, bûcheron ou palefrenier.
Michèle PETTAZZONI
Belle affiche qui offre une grande liberté à l’imagination.