La saison des apéros poétiques 2020-2021 est désormais achevée. Presqu’île en poésie remercie chaleureusement tous les auteurs qui ont publié chaque mois dans cette rubrique . Il y a quelques mois je vous soumettais l’idée d’une publication de vos poèmes dans un recueil collectif. Cette idée sera débattu lors d’un prochain Conseil d’administration. Nous vous tiendrons au courant.
Alors à très bientôt pour une nouvelle saison.
D’ici là bonnes vacances poétiques à tous.
Bien à vous.
Jean Pierre Billois.
En habits du dimanche
Jupes plissées,socquettes blanches
Elles nous voyaient arriver dans leur école
Qui n’était pas encore la nôtre
Et qui ne le serait jamais vraiment
Nous venions d’un ailleurs
Souvent très proche
Parfois juste de l’autre côté de la rive
Nous avions le même âge qu’Elles
Mais déjà plus la même insouciance
Comme Elles nous avions la peau blanche
Semblables à Elles nous pensions être
Mais leurs regards nous disaient
que nous n’étions pas des leurs
Dans nos habits démodés et nos gestes empêchés
Sans doute étions-nous un peu étranges à leurs yeux
Sans doute leur faisions-nous un peu peur
Nous n’avions pas choisi d’être nomades
Pas choisi de vivre dans des meublés provisoires
Et d’attendre le prochain départ
Mais c’était ainsi
Notre père pour fuir le souvenir de sa misère
Et la peur du lendemain
Nous aurait emmenées au bout de la Terre
Si le bout de la Terre avait été la promesse de jours meilleurs
Son histoire n’était pas la nôtre
Mais elle l’était devenue
Enfants nous savions déjà
Que la vie peut être un fardeau
Parfois lourd à porter
Face aux regards moqueurs et aux quolibets
Ma soeur se taisait
Moi je serrais les poings
Prête à rendre coup pour coup
Depuis beaucoup de temps a passé
Les petites filles aux yeux tristes
Un peu ridicules dans leurs habits du dimanche
Jupes plissées, socquettes blanches
Se sont enfin posées
Mais de cette enfance intranquille
Leur reste une secrète douleur au coeur
Qui ne s’éteindra qu’avec elles.
Voilà une étrangère qui m’étreint doucement
Car pour me conquérir, du temps il lui faut prendre.
Elle se propose à moi imperceptiblement
Puis s’éclipse soudain, je m’étonne à l’attendre.
Je perçois son pouvoir qui monte crescendo
Elle sait hanter mon cœur et me pourrir le sang
Me fait courber l’échine du poids de son fardeau
Elle me poursuit parfois, me provoque souvent.
De ses incitations, je suis dans la méfiance
Mais il m’arrive aussi de me laisser tenter
De céder à son charme et à sa nonchalance
Puis je retiens mes gestes avant de la quitter.
Quand je parviens à fuir son emprise sur moi
Elle s’adonne à d’autres, sans doute plus fragiles
Ceux-là sont dans l’urgence pour un jour ou un mois
Puis elle se représente face à moi, indocile.
Je sais qu’elle gagnera, me fera succomber
Que je lâcherai prise devant ses tentations
Tant elle sera habile à me faire tomber.
Je me ferai surprendre par manque d’attention.
Certains soirs je pressens qu’elle voudra me garder
Un lendemain matin au milieu de ma couche
Et que dans ses bras froids je devrai m’attarder
Perdu dans ses étreintes, victime de sa bouche.
Derrière la télé
le monde d’à côté
comme une autre planète
où la mort se répète.
Le spectacle fait peur
avec ou sans couleur
cinéma-vérité
devant nos yeux blasés.
Un air de déjà vu
ou déjà entendu
sommes-nous concernés
par les gens d’à côté ?
On voit à la télé
les faces ravagées
ça gène, ça déplaît
au moment du dîner
que ça sent le malheur
tous ces gens de couleur
si nombreux, sans papiers
qui crèvent anonymes
derrière nos vitrines.
« Ils resteraient chez eux
ils seraient plus heureux »
pense-t-on magnanime,
en pantoufles sans frime !
Et soudain un dilemme,
une pensée, un blême…
Ils fuient car c’est l’horreur
oui… c’est bien pire ailleurs
que faire dans ce cas ?
Charybde ou bien Scylla ?
Ces humains sacrifiés
si c’était mon village
mon quartier… à la nage ?
Ces êtres n’ont plus rien
aux larmes citoyens !
Paraît qu’on est tous frères ?
Un œil crève l’écran
qui guette et nous attend…
La nuit lançait ses rets,
lourds comme la vie,
sur Lisbonne assoupie.
Corps et ville se consumaient d’ennui
dans les braises attiédies d’un brasero éteint.
La lune, absente d’elle-même,
luisait dans un ailleurs sans fin…
Sous mes pas, d’autres pas,
sous le ciel, l’autre passe,
est passé, trépasse…
Des limbes de son passé, des traces,
poèmes, mots en surface…
Et je m’accroche à eux,
seule dans mes impasses.
Certains rêvent de lui
qui tant rêva sa vie,
remarchent sur ses terres
fuyant les mêmes farces…
Ici gît Pessoa, que plus rien ne tracasse,
étranger comme un frère
dans sa châsse de roi !
Tu es arrivée dans mon île
Un jour d’avril.
Tu chantais
Toutes les chansons
Que je jouais sur ma guitare.
Tu m’as apporté à boire
Un vin très doux que je ne connaissais pas.
Tu m’as raconté une histoire
D’amour fatal, de mari jaloux et de philtre sournois.
Le navire de nos nuits a trouvé un abri
Au fond de mon grand lit creusé
De solitude.
Ta robe de coton rouge a glissé
Sur la courbe blonde de ton dos.
Aussitôt
Le vent s’est levé
Il nous a poussés vers le récif brillant de lune.
Toutes voiles gonflées nous avons franchi la passe
Et nous avons flotté au-dessus de la houle
Si longue et si haute
Que nous avons chaviré
Eclaboussés d’écume.
Enroulés dans les algues
Nos deux corps ont plongé
Et dans mes bras fermés
Je tenais la Sirène
J’enserrais La Joconde
Je découvrais l’Eden
Je dominais le Monde.
J’étais Ulysse
J’étais l’artiste
J’étais un dieu
J’étais un roi
Tu étais venue pour moi.
Yvonne Le Meur-Rollet
Dans le recueil « Saisons de pluie »
Dans la tiédeur des immondices
blotti au creux d’une poubelle de Londres
l’homme était endormi
bercé par la volupté cruelle
d’une nuit d’ivresse
effervescente et douce
quand le camion benne
aux mâchoires acérées
l’a broyé
une fois
pour toutes.
son poing s’est refermé
Que j’aime ta saveur, toi l’étranger!
Je mange tes mots si imparfaitement prononcés,
J’en savoure chaque couleur, chaque sonorité.
Ils câlinent et réveillent mes oreilles tellement habituées.
Merci à toi, toi l’étranger,
De m’ouvrir à toi en venant me visiter,
De m’ouvrir l’esprit et le coeur,
Et de m’en faire voir de toutes les couleurs!
Telle une Lacédémonienne
je souffre en silence
sans un cri, sans une arme
j’attends que cesse le mal
qui me ronge et me tord
à l’intérieur de moi
J’attends que cesse le mal
comme c’est long d’attendre
comme l’attente me fait mal
J’implore impuissante
la fin de tous mes maux
J’ai un Dieu qui m’ignore
et me laisse solitaire
souffrir et puis me taire
pauvre statue de chair.
En silence je me terre
au fond de son absence
Je regarde les mots
qu’ils disent en prière
au dedans des lieux clos
Ma souffrance désenchante
les beautés de la terre
et les joies du passé
je ne les connais plus
Je survis emmurée
dans mon corps mausolée
Fantôme familier
j’attends et désespère
Sous mes voiles de larmes
… je meurs …
et personne ne le voit.
J’exige une loi et je dis
La burqa ou La République !
Grand organisateur de la faim et de la mort
Grand manageur des suicides dans les entreprises
Grand exploiteur des travailleuses à la chaîne
Je m’oppose à la burqa des fondamentalistes !
Moi, mâle, misogyne, tueur d’épouse
Grand profiteur du travail précaire des femmes
Asservies, harassées, niées, bafouées, exploitées.
J’exige une loi contre la burqa.
Allez donc à St Denis, à la Courneuve
A la recherche de l’ombre errante
Vous n’y trouverez pas de burqa
Ou bien six ou sept, peut-être
Celles qui ont pris la pose, pour le journaliste !
Pitié, pour la femme sans visage !
Voilée, trompée, instrumentalisée
Pitié pour la femme sans visage, sans corps et sans voix !
Et vous
Grands prédateurs rapaces
Apôtres des bonnes consciences
Tombez vos masques !
J’accueille en moi une étrangère,
j’ignore sa nationalité.
Elle me ressemble d’étrange manière
et n’aime pas être regardée.
Elle parle une langue familière
que je ne peux pas répéter.
Souvent elle pleure, l’irrégulière,
elle n’aura jamais de papiers.
Je porte en moi une immigrée
d’un pays où l’on désespère.
Elle résiste depuis des années
et moi longtemps, j’ai laissé faire.
Je l’abrite du bon côté,
je la voile de ma bannière.
Elle a très peur d’être expulsée,
en moi elle tremble, mon étrangère.
Je vis avec une réfugiée
qui ne repartira jamais.
Elle m’habite comme j’habite la terre,
elle n’a d’autre lieu où aller.
Parfois en moi on la repère
à ses yeux tristes d’exilée …
De poèmes en tapis de prière
je noue ma vie à ses côtés.
débattu dans le texte qui suit avec un « e » bien entendu.
La saison des apéros poétiques 2020-2021 est désormais achevée. Presqu’île en poésie remercie chaleureusement tous les auteurs qui ont publié chaque mois dans cette rubrique . Il y a quelques mois je vous soumettais l’idée d’une publication de vos poèmes dans un recueil collectif. Cette idée sera débattu lors d’un prochain Conseil d’administration. Nous vous tiendrons au courant.
Alors à très bientôt pour une nouvelle saison.
D’ici là bonnes vacances poétiques à tous.
Bien à vous.
Jean Pierre Billois.
Les socquettes blanches
En habits du dimanche
Jupes plissées,socquettes blanches
Elles nous voyaient arriver dans leur école
Qui n’était pas encore la nôtre
Et qui ne le serait jamais vraiment
Nous venions d’un ailleurs
Souvent très proche
Parfois juste de l’autre côté de la rive
Nous avions le même âge qu’Elles
Mais déjà plus la même insouciance
Comme Elles nous avions la peau blanche
Semblables à Elles nous pensions être
Mais leurs regards nous disaient
que nous n’étions pas des leurs
Dans nos habits démodés et nos gestes empêchés
Sans doute étions-nous un peu étranges à leurs yeux
Sans doute leur faisions-nous un peu peur
Nous n’avions pas choisi d’être nomades
Pas choisi de vivre dans des meublés provisoires
Et d’attendre le prochain départ
Mais c’était ainsi
Notre père pour fuir le souvenir de sa misère
Et la peur du lendemain
Nous aurait emmenées au bout de la Terre
Si le bout de la Terre avait été la promesse de jours meilleurs
Son histoire n’était pas la nôtre
Mais elle l’était devenue
Enfants nous savions déjà
Que la vie peut être un fardeau
Parfois lourd à porter
Face aux regards moqueurs et aux quolibets
Ma soeur se taisait
Moi je serrais les poings
Prête à rendre coup pour coup
Depuis beaucoup de temps a passé
Les petites filles aux yeux tristes
Un peu ridicules dans leurs habits du dimanche
Jupes plissées, socquettes blanches
Se sont enfin posées
Mais de cette enfance intranquille
Leur reste une secrète douleur au coeur
Qui ne s’éteindra qu’avec elles.
Inéluctable étrangère
Voilà une étrangère qui m’étreint doucement
Car pour me conquérir, du temps il lui faut prendre.
Elle se propose à moi imperceptiblement
Puis s’éclipse soudain, je m’étonne à l’attendre.
Je perçois son pouvoir qui monte crescendo
Elle sait hanter mon cœur et me pourrir le sang
Me fait courber l’échine du poids de son fardeau
Elle me poursuit parfois, me provoque souvent.
De ses incitations, je suis dans la méfiance
Mais il m’arrive aussi de me laisser tenter
De céder à son charme et à sa nonchalance
Puis je retiens mes gestes avant de la quitter.
Quand je parviens à fuir son emprise sur moi
Elle s’adonne à d’autres, sans doute plus fragiles
Ceux-là sont dans l’urgence pour un jour ou un mois
Puis elle se représente face à moi, indocile.
Je sais qu’elle gagnera, me fera succomber
Que je lâcherai prise devant ses tentations
Tant elle sera habile à me faire tomber.
Je me ferai surprendre par manque d’attention.
Certains soirs je pressens qu’elle voudra me garder
Un lendemain matin au milieu de ma couche
Et que dans ses bras froids je devrai m’attarder
Perdu dans ses étreintes, victime de sa bouche.
Dominique Mongodin
Le baiser qui tue !
Aux larmes citoyens !
Derrière la télé
le monde d’à côté
comme une autre planète
où la mort se répète.
Le spectacle fait peur
avec ou sans couleur
cinéma-vérité
devant nos yeux blasés.
Un air de déjà vu
ou déjà entendu
sommes-nous concernés
par les gens d’à côté ?
On voit à la télé
les faces ravagées
ça gène, ça déplaît
au moment du dîner
que ça sent le malheur
tous ces gens de couleur
si nombreux, sans papiers
qui crèvent anonymes
derrière nos vitrines.
« Ils resteraient chez eux
ils seraient plus heureux »
pense-t-on magnanime,
en pantoufles sans frime !
Et soudain un dilemme,
une pensée, un blême…
Ils fuient car c’est l’horreur
oui… c’est bien pire ailleurs
que faire dans ce cas ?
Charybde ou bien Scylla ?
Ces humains sacrifiés
si c’était mon village
mon quartier… à la nage ?
Ces êtres n’ont plus rien
aux larmes citoyens !
Paraît qu’on est tous frères ?
Un œil crève l’écran
qui guette et nous attend…
slam
Michèle PETTAZZONI
Etrange étranger
La nuit lançait ses rets,
lourds comme la vie,
sur Lisbonne assoupie.
Corps et ville se consumaient d’ennui
dans les braises attiédies d’un brasero éteint.
La lune, absente d’elle-même,
luisait dans un ailleurs sans fin…
Sous mes pas, d’autres pas,
sous le ciel, l’autre passe,
est passé, trépasse…
Des limbes de son passé, des traces,
poèmes, mots en surface…
Et je m’accroche à eux,
seule dans mes impasses.
Certains rêvent de lui
qui tant rêva sa vie,
remarchent sur ses terres
fuyant les mêmes farces…
Ici gît Pessoa, que plus rien ne tracasse,
étranger comme un frère
dans sa châsse de roi !
Michèle PETTAZZONI
Marianne et le griot
Sensible à sa lumière,
sensible à son parfum,
sensible à ses manières,
sensible à ce voisin.
Sensible à sa pâleur,
toute blanche est sa main
sur sa main de couleur
sans papiers et sans pain.
Sensible à sa chaleur,
sensible à son chagrin,
sensible à cette peur
qu’ont tous ceux qui n’ont rien.
Sensible à cet ailleurs
d’un sourire sans frein …
Deux yeux accroche-cœur
emportent ses refrains.
Michèle PETTAZZONI
Tu étais l’étrangère
Tu es arrivée dans mon île
Un jour d’avril.
Tu chantais
Toutes les chansons
Que je jouais sur ma guitare.
Tu m’as apporté à boire
Un vin très doux que je ne connaissais pas.
Tu m’as raconté une histoire
D’amour fatal, de mari jaloux et de philtre sournois.
Le navire de nos nuits a trouvé un abri
Au fond de mon grand lit creusé
De solitude.
Ta robe de coton rouge a glissé
Sur la courbe blonde de ton dos.
Aussitôt
Le vent s’est levé
Il nous a poussés vers le récif brillant de lune.
Toutes voiles gonflées nous avons franchi la passe
Et nous avons flotté au-dessus de la houle
Si longue et si haute
Que nous avons chaviré
Eclaboussés d’écume.
Enroulés dans les algues
Nos deux corps ont plongé
Et dans mes bras fermés
Je tenais la Sirène
J’enserrais La Joconde
Je découvrais l’Eden
Je dominais le Monde.
J’étais Ulysse
J’étais l’artiste
J’étais un dieu
J’étais un roi
Tu étais venue pour moi.
Yvonne Le Meur-Rollet
Dans le recueil « Saisons de pluie »
Fait divers
Dans la tiédeur des immondices
blotti au creux d’une poubelle de Londres
l’homme était endormi
bercé par la volupté cruelle
d’une nuit d’ivresse
effervescente et douce
quand le camion benne
aux mâchoires acérées
l’a broyé
une fois
pour toutes.
son poing s’est refermé
sur la symphonie du monde
Annie Coll
Que j’aime ta saveur, toi l’étranger!
Je mange tes mots si imparfaitement prononcés,
J’en savoure chaque couleur, chaque sonorité.
Ils câlinent et réveillent mes oreilles tellement habituées.
Merci à toi, toi l’étranger,
De m’ouvrir à toi en venant me visiter,
De m’ouvrir l’esprit et le coeur,
Et de m’en faire voir de toutes les couleurs!
Pervenche
Toi,
qui que tu sois
je te suis bien plus proche
qu’étranger
Andrée Chedid
Moi, l’étranger ?
Et si c’était moi, l’étranger
Celui qu’on fuit, que l’on refuse
Celui qu’on soupçonne de tricher
Mais dont-on profite, on abuse.
Et si j’étais l’usurpateur
Facile proie de ceux qui traquent
Et qui ne portent dans leur cœur
Que le profit ou bien l’arnaque.
Si j’étais de ceux qui arborent
La liberté sur les épaules
À en quitter ceux qu’ils adorent.
Si c’étais moi le boat-people.
Femme afghane
Telle une Lacédémonienne
je souffre en silence
sans un cri, sans une arme
j’attends que cesse le mal
qui me ronge et me tord
à l’intérieur de moi
J’attends que cesse le mal
comme c’est long d’attendre
comme l’attente me fait mal
J’implore impuissante
la fin de tous mes maux
J’ai un Dieu qui m’ignore
et me laisse solitaire
souffrir et puis me taire
pauvre statue de chair.
En silence je me terre
au fond de son absence
Je regarde les mots
qu’ils disent en prière
au dedans des lieux clos
Ma souffrance désenchante
les beautés de la terre
et les joies du passé
je ne les connais plus
Je survis emmurée
dans mon corps mausolée
Fantôme familier
j’attends et désespère
Sous mes voiles de larmes
… je meurs …
et personne ne le voit.
Michèle PETTAZZONI
La burqa-aubaine !
J’exige une loi et je dis
La burqa ou La République !
Grand organisateur de la faim et de la mort
Grand manageur des suicides dans les entreprises
Grand exploiteur des travailleuses à la chaîne
Je m’oppose à la burqa des fondamentalistes !
Moi, mâle, misogyne, tueur d’épouse
Grand profiteur du travail précaire des femmes
Asservies, harassées, niées, bafouées, exploitées.
J’exige une loi contre la burqa.
Allez donc à St Denis, à la Courneuve
A la recherche de l’ombre errante
Vous n’y trouverez pas de burqa
Ou bien six ou sept, peut-être
Celles qui ont pris la pose, pour le journaliste !
Pitié, pour la femme sans visage !
Voilée, trompée, instrumentalisée
Pitié pour la femme sans visage, sans corps et sans voix !
Et vous
Grands prédateurs rapaces
Apôtres des bonnes consciences
Tombez vos masques !
Annie Coll
Printemps arabe 2011
Je vibre de la vibration de ce vaste monde
je vis de son brassage
Je veux le monde en moi et rien d’autre
en moi les Roms de Paris
et de Bulgarie
Les enfants peuls du 93
insurgés de tous pays
Je vomis ce monde
caddies et écrans compris
Je veux l’amour comme toi
Souleymane Diamanka
Que suis-je, moi
Que suis-je
si je ne vous aime pas ?
Toi la blogueuse
Lina Ben Mhemi
Toi, ô le calciné, halluciné
Mohamed Bouazizi
Annie Coll
Fils barbelés
La mousse le lichen la boue
détrempent mon cœur
en grammes de pluie
la vase n’éblouit plus
J’ai perdu la saison des mots
dans le souffle de l’hiver
Comment saisir la main tendue
elle a vendu son amour
Le désespoir s’agglutine
aux ronces de nos rêves
la peine chemine
elle fait des ronds dans l’eau
Verrai-je encore tes yeux de givre
sur le chemin de halage ?
Pourquoi faisons-nous semblant ?
Dans les tranchées de la peur et de la haine
les barbelés des réfugiés hagards
nous montrent du doigt
ils ne savent pas
ils ne veulent plus
ils ne pleurent pas
ils ne dorment plus
Fermerons nous longtemps les yeux
pour le pire ?
Attendrons-nous encore
pour le meilleur ?
Quelque chose est né , un jour, pourtant
à partir de rien
L’étincelle
Annie Coll
L’ étrangère
J’accueille en moi une étrangère,
j’ignore sa nationalité.
Elle me ressemble d’étrange manière
et n’aime pas être regardée.
Elle parle une langue familière
que je ne peux pas répéter.
Souvent elle pleure, l’irrégulière,
elle n’aura jamais de papiers.
Je porte en moi une immigrée
d’un pays où l’on désespère.
Elle résiste depuis des années
et moi longtemps, j’ai laissé faire.
Je l’abrite du bon côté,
je la voile de ma bannière.
Elle a très peur d’être expulsée,
en moi elle tremble, mon étrangère.
Je vis avec une réfugiée
qui ne repartira jamais.
Elle m’habite comme j’habite la terre,
elle n’a d’autre lieu où aller.
Parfois en moi on la repère
à ses yeux tristes d’exilée …
De poèmes en tapis de prière
je noue ma vie à ses côtés.
Michèle PETTAZZONI