Voici le texte de Louise qui m’a autorisé à en faire la lecture.
Je tiens à la remercier pour sa confiance.
Le cri
Les algues de ses cheveux zèbrent son doux visage
Et ses grands yeux voilés, déjà, naviguent vers le large.
Debout, au bord de la falaise,
Elle voudrait le pousser ce cri,
De ses tripes évacuer la tempête.
Que la douleur au fond de son être
Envole ses larmes sur les ailes des mouettes
Et disperse sur la crête des vagues
Ses sanglots étouffés……
Elle voudrait hurler pour vomir sa colère
Se libérer de cette médiocre vie
Et que les chevaux écumants de la mer l’emportent à jamais loin d’ici….
Elle voudrait dégueuler cette douleur immonde
Que la mer et le ciel l’entendent
Et dispersent sa rage aux quatre coins du monde……..
Secouée par les spasmes de son corps,
Ne sort qu’un cri muet, de sa gorge nouée.
Résignée, refusant de lutter encore
Sans jeter un cri, s’abat, tel un oiseau mort.
Le vertige d’Icare
Par un soir embrumé d’alcool et de havane,
J’ai lancé mon chapeau par-dessus les moulins
Et j’ai suivi des yeux sa joyeuse pavane
Jusqu’à ce qu’il devienne oiseau dans les lointains .
Grisé, je suis monté vers les plus hauts sommets
Prétendant m’élancer au-dessus des abîmes,
Pour dominer le vide où roulent les secrets,
Les rêves écrasés et les peines intimes .
Le vent m’a bousculé et m’a fait vaciller
Près du gouffre profond de mes années perdues.
J’ai crié mes remords, j’ai tremblé, j’ai hurlé
Et mon corps plus léger est monté vers les nues.
J’ai cru, gonflé d’orgueil, que j’allais m’envoler,
Mais j’ai plongé soudain lourd d’une vaine gloire
Pour m’abattre vaincu, haletant, poing levé
Comm un ivrogne amer sur les traces d’Icare.
Il est encore là tantôt
Tout sourire éclatant
Sur sa grande et belle bouche,
Dévoilant des pavés blancs
Alignés pareils aux touches
D’un piano.
Elle le regarde goulûment
Il est si beau,
Il a l’air si sur de lui.
Sa chemisette à fins carreaux
Et son jean moulant ses cuisses
Mettent en valeur son corps d’atlèthe.
Elle ferme les yeux.
Des images friponnes
Envahissent ses pensées,
Elle frémit sous ses mains
Et ses tendres baisers…
Son coeur s’emballe,
Elle cherche desespèrément un appui
Son cerveau est enfumé,
Elle perd les pédales…
Elle fait un pas ,elle hésite
Elle transpire abondamment,
Ne sais plus ou elle habite,
Elle a du mal à soutenir
Ses membres tremblants,
Le diable est à sa porte,
Elle est en plein délire,
Cette ivresse l’emporte…
Soudain le bel Apollon
Agite ses bras musclés
Tout en se dirigeant
D’un pas décidé
Vers une créature aux yeux de biche,
Qui répond par un signe…
L’autre malheureuse,
Bêtement rigole,
Ses jambes flageolent
Elle se retrouve piteuse
Plantée au milieu du dancing
Louise Montagne -Novembre 2025-
Texte lu par Pierre Duchon.
(Le vertige éprouvé au spectacle d’une danse qui fait tournoyer les corps et les coeurs s’exprime dans ce »Poème de Ninette »écrit en 1933 par une jeune fille qui a un peu moins de 18 ans.)
Rythme capricieux aux lentes harmonies
Aux élans de czardas, la valse de Lehar
Doit aux coups de minuit mêler ses mélodies
Et l’année finira sur ce chef-d’oeuvre d’art.
Des plafonniers tombait la radieuse lumière,
L’air n’était qu’un parfum, la nuit qu’une douceur
Et cette valse lente alors fut la dernière
Avant cette minute ineffable à ton coeur !
Depuis quelques instants, sans vous en rendre compte
Vos sourires brillaient, plus chauds étaient vos yeux
Et vous sentiez déjà dans la douceur qui monte
L’inexprimable joie que la joie d’être deux !
Et la danse s’achève et c’est minuit qui sonne
Malgré vous, frémissants d’un émoi infini,
Vous demeurez ensemble … Il n’y a plus personne
Et la main dans la main car tout n’est pas fini
Car les mots ne sont rien, c’est l’esprit qui les pose
Et le coeur dans les yeux se laisse apercevoir
N’était-ce pas ainsi ? Comme ta robe rose
Etait claire et jolie contre son habit noir !
Chacun sentait des yeux de l’autre la caresse
Chacun de vos regards cherchait à se poser
Et dans un geste alors d’ineffable tendresse
Il posa sur ta main la douceur d’un baiser !
C’est à ce souvenir que tu frissonnes toute
Que tu gardes le charme d’un instant si court:
Oh ! Non, il ne faut plus que ta tendresse doute
Ce baiser fut l’écho du radieux amour !
Et vous avez repris les valses tournoyantes
Puis l’orchestre argentin des lourds tangos rêveurs
Versa ses harmonies en notes frémissantes
Sur la palpitation plus vive de vos coeurs.
Tu te souviens encore des mots qu’il dut te dire
Son franc regard posé sur tes yeux enivrés ?
Tu répondais par le rayon de ton sourire
Et tu sentais son bras contre toi plus serré.
Tu savourais alors le vertige de l’heure
Oubliant le passé, écartant l’avenir
Mais si le présent fuit, son souvenir demeure
Celui que tu attends, espère, il va venir !
Promets-moi chaque fois que tu liras ces lignes
D’y recueillir un peu l’affection de l’auteure
Et cachés dans les mots reconnais-en les signes
Je te dédie ces vers pour ton futur bonheur !
Autres lectures conseillées sur la thème:
1/ par Marie-Claire
Poème de François Cheng extrait du recueil » La vraie gloire est ici » de François Cheng ( p 132 « Réveil en sursaut de l’autre côté de l’abîme.. »
2/ par Claire
Poème de Cécile Coulon, intitulé « Légèrement ivre »dans le recueil » Retrouver la douceur ».
3/par Jean-Pierre
Poèmes de Roberto Juarroz extraits du recueil » Douzième poésie verticale ».
Lire aussi les commentaires de Philippe Jaccottet sur l’oeuvre poétique de Roberto Juarroz, poète argentin (1925-1995).
Il est de ces choses qui réveillent.
Le cœur s’emballe à prendre peur
Au beau milieu du sommeil
C’est un intrus qui n’a pas d’heure.
Les doigts s’accrochent à la parure
Pour ne pas sombrer dans le vide.
Fenêtres, plafonds et murs
Flottent autour de l’œil livide,
Globuleux. La couche tangue
Au gré des vagues absentes
Et des coups de vent exsangues.
Le corps est dans la tourmente.
Tout l’Univers obéit à l’Amour ;
Belle Psyché, soumettez-lui votre âme.
Les autres dieux à ce dieu font la cour,
Et leur pouvoir est moins doux que sa flamme.
Des jeunes cœurs c’est le suprême bien
Aimez, aimez ; tout le reste n’est rien.
Sans cet Amour, tant d’objets ravissants,
Lambris dorés, bois, jardins, et fontaines,
N’ont point d’appâts qui ne soient languissants,
Et leur plaisirs sont moins doux que ses peines.
Des jeunes cœurs c’est le suprême bien
Aimez, aimez ; tout le reste n’est rien.
Deux autres textes sur le thème (non lus faute de temps)
1/Le vertige amoureux
Mon rêve familier(Paul Verlaine)
Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant
D’une femme inconnue, et que j’aime, et qui m’aime
Et qui n’est, chaque fois, ni tout à fait la même
Ni tout à fait une autre, et m’aime et me comprend.
Car elle me comprend, et mon coeur, transparent
Pour elle seule, hélas ! cesse d’être un problème
Pour elle seule, et les moiteurs de mon front blême,
Elle seule les sait rafraîchir, en pleurant.
Est-elle brune, blonde ou rousse ? – Je l’ignore.
Son nom ? Je me souviens qu’il est doux et sonore
Comme ceux des aimés que la Vie exila.
Son regard est pareil au regard des statues,
Et, pour sa voix, lointaine, et calme, et grave, elle a
L’inflexion des voix chères qui se sont tues.
2/Le vertige devant la beauté de la nature
Harmonie du soir’(Charles Baudelaire)
Voici venir les temps où vibrant sur sa tige
Chaque fleur s’évapore ainsi qu’un encensoir ;
Les sons et les parfums tournent dans l’air du soir ;
Valse mélancolique et langoureux vertige !
Chaque fleur s’évapore ainsi qu’un encensoir ;
Le violon frémit comme un coeur qu’on afflige ;
Valse mélancolique et langoureux vertige !
Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir.
Le violon frémit comme un coeur qu’on afflige,
Un coeur tendre, qui hait le néant vaste et noir !
Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir ;
Le soleil s’est noyé dans son sang qui se fige.
Un coeur tendre, qui hait le néant vaste et noir,
Du passé lumineux recueille tout vestige !
Le soleil s’est noyé dans son sang qui se fige…
Ton souvenir en moi luit comme un ostensoir !
Le poème ‘Pax’ d’Aliette Audra, extrait de ses Poèmes Choisis, résonne avec une grande profondeur émotionnelle. Écrit en 1964, il s’inscrit dans un contexte post-conflit où la paix est un thème universel et intemporel. À travers des images de réunions amicales, de souvenirs et de mélancolie, Audra invite le lecteur à réfléchir sur la quête de paix et l’importance des liens humains.
Ô souvent je voudrais que la vie éternelle
Fût simplement cela : Quelques-uns réunis
Dans un jardin qu’embaume encor la citronnelle,
Réunis par amour dans l’été qui finit.
L’un d’entre eux serait juste arrivé de voyage.
On le ferait asseoir près de la véranda
Où est la lampe, afin de mieux voir son visage,
Son uniforme usé, sa pâleur de soldat .
La plus jeune viendrait le tenir par sa manche,
On n’oserait pas dire : » Tu es pâle… » Et lui,
Devant cette douceur des très anciens dimanches
Souhaite pour pouvoir pleurer, qu’il fasse nuit.
Une voix s’élèverait alors, la musique
Même de jadis au milieu d’un grand respect
Et du coeur de chacun, dans le soir balsamique
Disant ces mots simples : Mes enfants, c’est la paix.
Extrait de:
1964, Poèmes Choisis, (Editions Pierre Seghers)
Aliette Audra est née en 1897, décédée en 1962.
Un jour il me faudra tout quitter :
Ces grands arbres qui bordent mon regard de vert,
les chants des oiseaux dans le petit matin,
les fleurs qui renaissent chaque année
colorant ma vie de leur promesse tenue …
Tout quitter !
Et ces clochettes de muguet,
bonheur suspendu à ma main,
je les lâcherai ?
Un jour je disparaîtrai ?
Toi mon chat qui somnole serein,
Sais-tu que la vie ne tient qu’à un brin ?
Voici le texte de Louise qui m’a autorisé à en faire la lecture.
Je tiens à la remercier pour sa confiance.
Le cri
Les algues de ses cheveux zèbrent son doux visage
Et ses grands yeux voilés, déjà, naviguent vers le large.
Debout, au bord de la falaise,
Elle voudrait le pousser ce cri,
De ses tripes évacuer la tempête.
Que la douleur au fond de son être
Envole ses larmes sur les ailes des mouettes
Et disperse sur la crête des vagues
Ses sanglots étouffés……
Elle voudrait hurler pour vomir sa colère
Se libérer de cette médiocre vie
Et que les chevaux écumants de la mer l’emportent à jamais loin d’ici….
Elle voudrait dégueuler cette douleur immonde
Que la mer et le ciel l’entendent
Et dispersent sa rage aux quatre coins du monde……..
Secouée par les spasmes de son corps,
Ne sort qu’un cri muet, de sa gorge nouée.
Résignée, refusant de lutter encore
Sans jeter un cri, s’abat, tel un oiseau mort.
Louise MONTAGNE
Texte lu par Dominique MONGODIN
Le vertige d’Icare
Par un soir embrumé d’alcool et de havane,
J’ai lancé mon chapeau par-dessus les moulins
Et j’ai suivi des yeux sa joyeuse pavane
Jusqu’à ce qu’il devienne oiseau dans les lointains .
Grisé, je suis monté vers les plus hauts sommets
Prétendant m’élancer au-dessus des abîmes,
Pour dominer le vide où roulent les secrets,
Les rêves écrasés et les peines intimes .
Le vent m’a bousculé et m’a fait vaciller
Près du gouffre profond de mes années perdues.
J’ai crié mes remords, j’ai tremblé, j’ai hurlé
Et mon corps plus léger est monté vers les nues.
J’ai cru, gonflé d’orgueil, que j’allais m’envoler,
Mais j’ai plongé soudain lourd d’une vaine gloire
Pour m’abattre vaincu, haletant, poing levé
Comm un ivrogne amer sur les traces d’Icare.
Yvonne Le Meur-Rollet. Novembre 2025
VERTIGE
Il est encore là tantôt
Tout sourire éclatant
Sur sa grande et belle bouche,
Dévoilant des pavés blancs
Alignés pareils aux touches
D’un piano.
Elle le regarde goulûment
Il est si beau,
Il a l’air si sur de lui.
Sa chemisette à fins carreaux
Et son jean moulant ses cuisses
Mettent en valeur son corps d’atlèthe.
Elle ferme les yeux.
Des images friponnes
Envahissent ses pensées,
Elle frémit sous ses mains
Et ses tendres baisers…
Son coeur s’emballe,
Elle cherche desespèrément un appui
Son cerveau est enfumé,
Elle perd les pédales…
Elle fait un pas ,elle hésite
Elle transpire abondamment,
Ne sais plus ou elle habite,
Elle a du mal à soutenir
Ses membres tremblants,
Le diable est à sa porte,
Elle est en plein délire,
Cette ivresse l’emporte…
Soudain le bel Apollon
Agite ses bras musclés
Tout en se dirigeant
D’un pas décidé
Vers une créature aux yeux de biche,
Qui répond par un signe…
L’autre malheureuse,
Bêtement rigole,
Ses jambes flageolent
Elle se retrouve piteuse
Plantée au milieu du dancing
Louise Montagne -Novembre 2025-
Texte lu par Pierre Duchon.
(Le vertige éprouvé au spectacle d’une danse qui fait tournoyer les corps et les coeurs s’exprime dans ce »Poème de Ninette »écrit en 1933 par une jeune fille qui a un peu moins de 18 ans.)
Rythme capricieux aux lentes harmonies
Aux élans de czardas, la valse de Lehar
Doit aux coups de minuit mêler ses mélodies
Et l’année finira sur ce chef-d’oeuvre d’art.
Des plafonniers tombait la radieuse lumière,
L’air n’était qu’un parfum, la nuit qu’une douceur
Et cette valse lente alors fut la dernière
Avant cette minute ineffable à ton coeur !
Depuis quelques instants, sans vous en rendre compte
Vos sourires brillaient, plus chauds étaient vos yeux
Et vous sentiez déjà dans la douceur qui monte
L’inexprimable joie que la joie d’être deux !
Et la danse s’achève et c’est minuit qui sonne
Malgré vous, frémissants d’un émoi infini,
Vous demeurez ensemble … Il n’y a plus personne
Et la main dans la main car tout n’est pas fini
Car les mots ne sont rien, c’est l’esprit qui les pose
Et le coeur dans les yeux se laisse apercevoir
N’était-ce pas ainsi ? Comme ta robe rose
Etait claire et jolie contre son habit noir !
Chacun sentait des yeux de l’autre la caresse
Chacun de vos regards cherchait à se poser
Et dans un geste alors d’ineffable tendresse
Il posa sur ta main la douceur d’un baiser !
C’est à ce souvenir que tu frissonnes toute
Que tu gardes le charme d’un instant si court:
Oh ! Non, il ne faut plus que ta tendresse doute
Ce baiser fut l’écho du radieux amour !
Et vous avez repris les valses tournoyantes
Puis l’orchestre argentin des lourds tangos rêveurs
Versa ses harmonies en notes frémissantes
Sur la palpitation plus vive de vos coeurs.
Tu te souviens encore des mots qu’il dut te dire
Son franc regard posé sur tes yeux enivrés ?
Tu répondais par le rayon de ton sourire
Et tu sentais son bras contre toi plus serré.
Tu savourais alors le vertige de l’heure
Oubliant le passé, écartant l’avenir
Mais si le présent fuit, son souvenir demeure
Celui que tu attends, espère, il va venir !
Promets-moi chaque fois que tu liras ces lignes
D’y recueillir un peu l’affection de l’auteure
Et cachés dans les mots reconnais-en les signes
Je te dédie ces vers pour ton futur bonheur !
Autres lectures conseillées sur la thème:
1/ par Marie-Claire
Poème de François Cheng extrait du recueil » La vraie gloire est ici » de François Cheng ( p 132 « Réveil en sursaut de l’autre côté de l’abîme.. »
2/ par Claire
Poème de Cécile Coulon, intitulé « Légèrement ivre »dans le recueil » Retrouver la douceur ».
3/par Jean-Pierre
Poèmes de Roberto Juarroz extraits du recueil » Douzième poésie verticale ».
Lire aussi les commentaires de Philippe Jaccottet sur l’oeuvre poétique de Roberto Juarroz, poète argentin (1925-1995).
Vertigo
Il est de ces choses qui réveillent.
Le cœur s’emballe à prendre peur
Au beau milieu du sommeil
C’est un intrus qui n’a pas d’heure.
Les doigts s’accrochent à la parure
Pour ne pas sombrer dans le vide.
Fenêtres, plafonds et murs
Flottent autour de l’œil livide,
Globuleux. La couche tangue
Au gré des vagues absentes
Et des coups de vent exsangues.
Le corps est dans la tourmente.
Éloge de l’Amour
Tout l’Univers obéit à l’Amour ;
Belle Psyché, soumettez-lui votre âme.
Les autres dieux à ce dieu font la cour,
Et leur pouvoir est moins doux que sa flamme.
Des jeunes cœurs c’est le suprême bien
Aimez, aimez ; tout le reste n’est rien.
Sans cet Amour, tant d’objets ravissants,
Lambris dorés, bois, jardins, et fontaines,
N’ont point d’appâts qui ne soient languissants,
Et leur plaisirs sont moins doux que ses peines.
Des jeunes cœurs c’est le suprême bien
Aimez, aimez ; tout le reste n’est rien.
Jean de la Fontaine (1669)
Deux autres textes sur le thème (non lus faute de temps)
1/Le vertige amoureux
Mon rêve familier(Paul Verlaine)
Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant
D’une femme inconnue, et que j’aime, et qui m’aime
Et qui n’est, chaque fois, ni tout à fait la même
Ni tout à fait une autre, et m’aime et me comprend.
Car elle me comprend, et mon coeur, transparent
Pour elle seule, hélas ! cesse d’être un problème
Pour elle seule, et les moiteurs de mon front blême,
Elle seule les sait rafraîchir, en pleurant.
Est-elle brune, blonde ou rousse ? – Je l’ignore.
Son nom ? Je me souviens qu’il est doux et sonore
Comme ceux des aimés que la Vie exila.
Son regard est pareil au regard des statues,
Et, pour sa voix, lointaine, et calme, et grave, elle a
L’inflexion des voix chères qui se sont tues.
2/Le vertige devant la beauté de la nature
Harmonie du soir’(Charles Baudelaire)
Voici venir les temps où vibrant sur sa tige
Chaque fleur s’évapore ainsi qu’un encensoir ;
Les sons et les parfums tournent dans l’air du soir ;
Valse mélancolique et langoureux vertige !
Chaque fleur s’évapore ainsi qu’un encensoir ;
Le violon frémit comme un coeur qu’on afflige ;
Valse mélancolique et langoureux vertige !
Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir.
Le violon frémit comme un coeur qu’on afflige,
Un coeur tendre, qui hait le néant vaste et noir !
Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir ;
Le soleil s’est noyé dans son sang qui se fige.
Un coeur tendre, qui hait le néant vaste et noir,
Du passé lumineux recueille tout vestige !
Le soleil s’est noyé dans son sang qui se fige…
Ton souvenir en moi luit comme un ostensoir !
Le poète russe Alexandre BLOK a écrit:
« Toute poésie est un voile tendu sur la pointe de quelques mots.
Ces mots-là brillent comme des étoiles.
C’est à cause d’eux qu’une poésie existe. »
Né en 1880, décédé en 1921.
Pax
Le poème ‘Pax’ d’Aliette Audra, extrait de ses Poèmes Choisis, résonne avec une grande profondeur émotionnelle. Écrit en 1964, il s’inscrit dans un contexte post-conflit où la paix est un thème universel et intemporel. À travers des images de réunions amicales, de souvenirs et de mélancolie, Audra invite le lecteur à réfléchir sur la quête de paix et l’importance des liens humains.
Ô souvent je voudrais que la vie éternelle
Fût simplement cela : Quelques-uns réunis
Dans un jardin qu’embaume encor la citronnelle,
Réunis par amour dans l’été qui finit.
L’un d’entre eux serait juste arrivé de voyage.
On le ferait asseoir près de la véranda
Où est la lampe, afin de mieux voir son visage,
Son uniforme usé, sa pâleur de soldat .
La plus jeune viendrait le tenir par sa manche,
On n’oserait pas dire : » Tu es pâle… » Et lui,
Devant cette douceur des très anciens dimanches
Souhaite pour pouvoir pleurer, qu’il fasse nuit.
Une voix s’élèverait alors, la musique
Même de jadis au milieu d’un grand respect
Et du coeur de chacun, dans le soir balsamique
Disant ces mots simples : Mes enfants, c’est la paix.
Extrait de:
1964, Poèmes Choisis, (Editions Pierre Seghers)
Aliette Audra est née en 1897, décédée en 1962.
Brin de vie
Un jour il me faudra tout quitter :
Ces grands arbres qui bordent mon regard de vert,
les chants des oiseaux dans le petit matin,
les fleurs qui renaissent chaque année
colorant ma vie de leur promesse tenue …
Tout quitter !
Et ces clochettes de muguet,
bonheur suspendu à ma main,
je les lâcherai ?
Un jour je disparaîtrai ?
Toi mon chat qui somnole serein,
Sais-tu que la vie ne tient qu’à un brin ?
Michèle PETTAZZONI