VENDREDI 24 MARS à 18H30 au BRETAGNE,
« Frontières » le thème du Printemps des Poètes à l’apéro poétique du 24 mars – Les poèmes lus sont offerts en commentaires…
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Poème de Marie-Hélène Hudelist
Deux hommes pour une frontière
Au pied d’une clôture, haute, très haute, infranchissable,
l’adolescent regardait la longue palissade,
frontière de bois et de métal se dressant sur des kilomètres.
Il voulait aller vivre aux Etats-Unis,
pays ou l’on n’acceptait plus les Mexicains,
un pays interdit,
ou l’on ne parlait pas la même langue.
Il était seul, découragé.
Le coeur serré il reprit son chemin,
et rencontra un homme épuisé,
affaissé dans le sable et qui, dans un souffle
lui dit qu’il avait marché très longtemps sans trouver de brèche.
Continuons ensemble, dit l’homme,
nous ne pourrons peut-être pas franchir cette frontière,
mais unissons-nous pour tenter de réaliser notre rêve.
Marie hélène
24 mars 2023
Tout ce qui nous enferme…
Un homme est seul dans un jardin;
un jardin clos entre les haies.
L’homme est tranquille,
nul ne le voit ni le dérange.
Bien enfermé dans sa quiétude,
protégé des fracas du monde,
des dangers, des conflits, des misères d’ailleurs,
il peint.
En s’appliquant,
il étale du vert
sur des chaises de fer rouillées depuis longtemps.
Il semble satisfait, indifférent aux autres,
sans rêves, sans passion, ancré dans son confort.
Mais au bout d’un moment, il s’en va contempler
par-dessus la barrière,
un lent bateau de bois qui, venu de Norvège,
remonte l’estuaire.
De ses cales s’exhalent
tous les parfums des fjords,
et des voix de Vikings tonnent jusqu’à la rive.
Troublé, il se souvient des conquérants barbares,
ces hordes assoiffées de soleil et de femmes
qui crachaient la terreur des bords de leurs drakkars
pour incendier, piller les berges souriantes.
Alors se lève en lui la faim des grands espaces
et des courses sans frein dans l’infini des terres
où les peuples premiers, ignorant les frontières,
partaient pour explorer le monde et ses confins.
Mais,poussant un soupir, il reprend son pinceau,
le plonge dans le pot de peinture vert sombre,
et noie sous la couleur les désirs d’aventures
d’un homme retenu par d’invisibles chaînes,
un homme résigné aux mornes habitudes
qui élèvent des murs étouffant les rêveurs
Yvonne Le Meur Rollet
( version corrigée le 29 mars 2023)
Au château de Kerguelen
Frantz joue ce soir
Quand ses mains douces et légères
Effleurent les touches du piano
Marie frémit
De ses pas vifs et légers
Elle va et vient, virevolte
Ses pieds touchent à peine le sol
Ses mains papillonnent
Une rose par-ci, une rose par-là
Marie, vous êtes là ?
Marie ?
Madame vous attend à l’office
Marie ?
Marie a fui
A pas doux et légers
Elle s’est glissée près de Frantz
A osé effleurer du bout des doigts sa main
S’il vous plaît ce soir…. Jouez, jouez pour moi.
Elisabeth Thomas-Loridan
Poème de Louise Montagne
FRONTIERES
Les rivières d’argent
S’alanguissaient dans la plaine
Sous le reflet changeant
Du paisible ciel d’Ukraine.
Ondulant sous la brise
L’océan des blés d’or
Nous rendait orgueilleux
Et les fauvettes grises
Dans les buissons épineux
Je les entends encore.
Puis un fou sanguinaire
Une troupe de Huns
Du nom de Wagner
Est entrée un matin…
Ces féroces aigles noirs
Dans leurs terribles serres
Ont saisi nos espoirs
Se sont repus de nos chairs…
Et le sang des héros
Épars sur les herbes brûlées
Remplace les coquelicots
Qui poussaient dans les blés.
Alors mus par une force divine
Refusant l’esclavage,
Un courage sans faille
En nous a pris racine.
Et devant ces sauvages
Nous avons fait muraille.
Et bouté le fléau
Hors de nos frontières
Afin qu’un jour nouveau
Reverdissent nos terres
Et que dans nos campagnes
Reviennent les oiseaux.
Louise montagne –mars-2023–
Poème de Louise Montagne
À MALEK et tous les autres
Il avait traversé nombre de contrées hostiles
Laissant derrière lui, misère et ravage
Emportant pour tout bagage
Regrets et cicatrices indélébiles.
Mais aujourd’hui il s’approchait de la côte
Et à sa vue s’offrait l’Eldorado
Il souriait emmitouflé dans sa capote
À la promesse d’un jour nouveau.
Il pensait ne plus connaître la peur
Ne plus être tenaillé par la faim,
Il souhaitait pour réchauffer son cœur
Qu’on lui tende simplement la main.
Il s’était trompé, avait rêvé de chimères
Ce merveilleux pays
N’était qu’un leurre, une utopie.
Alors par une nuit trop franche
Les doigts crispés sur sa valise À bord d’un rafiot sur la manche
Il abandonne la terre promise.
Ballotté par la tempête
Loin de ses natales frontières
Dernière pensée pour ses ancêtres
MALEK a disparu en mer .
Louise Montagne- mars 2023-
Ultime migration
Aux creux d’embranchements la mousse moelleuse
Réserve au vagabond et au vieux migrateur
De quoi se reposer sur la tendre berceuse
À l’écorce gercée et aux rameaux sans fleur.
C’est la terre d’accueil de cet oiseau perdu
Quand vient souffler le vent elle est un instrument
Et ses branches flétries s’offrent au bienvenu
Qu’elle aime à protéger dans son balancement.
L’apatride planeur séduit par la ramure
Vient alors se poser sur la fourche attirante
Puis il siffle pour eux le chant de l’aventure
Qui les lie désormais, ultime mais brillante.
Marathonienne afghane
La femme afghane court, son noir niqab l’étouffe.
Son enfant dans ses bras meurt de balle perdue.
Résiste femme afghane et pleure ton chagrin
Fuis ton pays chéri pour un autre étranger.
La femme exilée court pour son garçon Malouf
Elle crie ses foulées dans sa course éperdue.
Tiens bon ton marathon pour ton fils utérin
Dans ton nouveau pays où tout n’est que danger.
Cours vers la liberté, toi qui connus le gouffre
Montre à l’humanité que le voile tendu
N’est autre que prison du regard féminin
Et hurle ta douleur et fais la partager.
Libérée de ton joug, cours sans céder et souffre
Pour souvenir ton fils, lardé de tir perdu.
Tu le portes toujours. Ta course est le refrain
Où claquent les bruits sourds dont tu veux le venger.
L’autiste
Les yeux regardent
et ne comprennent pas
Les paroles flottent dans l’air
et ne le touchent pas
La nourriture fuse
et ne le nourrit pas
Il dessine parfois
dans sa bulle de verre
des signes sans importance
hiéroglyphes de l’absence
tout au bout de ses doigts
Limité par un corps
qui enferme et déplume
un être aérien
un génie dans la lampe
qu’aucune main n’allume,
il endure l’attente …
Le temps ne l’atteint pas
Seul dans un monde sans terre
transparent et désert
il geint et se débat
Que le flacon se brise
et que fusionnent enfin
le vide de la lampe
et l’espace qui l’étreint.
Michèle PETTAZZONI
Les portes
… Plus rien à faire ?
Il me restera les mots
je connais les plus beaux
des mots trop chauds pour être faux
je livrerai tous ceux que j’aime
je les sortirai du chapeau
les mots surprises les mots sanglots
les mots qu’on suit à demi-mot
et quand il n’y aura
plus rien à dire
il me restera mon sourire
mes yeux ma bouche
et mon désir …
Sur les croisées de ma poitrine
mes mains fermeront le chemin …
Et mon cœur,
ce petit oiseau de passage
l’oiseau trublion dans sa cage
cognera de toutes ses ailes
et les portes s’ouvriront … Sans fin.
Michèle PETTAZZONI