3 petits poèmes sur le thème de l’ignorance que j’ai écrits et lus
CHOISIR D’IGNORER
elle ne sait pas et elle ne veut pas savoir d’où elle vient,
ses traits dans le miroir doivent rester uniques
elle ne veut pas savoir la souffrance qui l’a enfantée
ni les raisons de celle qui l’a abandonnée
ne pas savoir est sa force
dans l’ignorance elle puise l’énergie de bâtir son histoire
elle a choisi de ne pas savoir
INTERROGATOIRE
C’était votre voisine de palier
L’avez vous entendue crier, pleurer
Je ne sais pas
et les enfants?
Etaient ils battus?
Je ne sais pas
Vous ne pouvez pas ne pas savoir
Votre silence va se retourner contre vous
Mon ignorance est le poids de mon discrédit
source de suspicion et de remords
si j’avais su, si j’avais su
FELURE
Je n’ai pas appris, ignorante
trop tard résonne une voix dans ma tête
tu es trop bête
trop de choses à apprendre
trop d’efforts à entreprendre
mon ignorance me colle à la peau
je me retranche dans le silence
pour rêver, le soleil me réchauffe
Rouge, jaune, bleu, vert, je saisis les couleurs
les oiseaux me parlent,
Ta main douce et chaude caresse mon épaule
Je peux donc ignorer et ressentir, je suis vivante
Le bleu du ciel se détache de mon regard
Un faux pas de plus et je tombe dans mon abîme noir
La connaissance est d’argile si malléable
Qu’elle perd toute consistance, et se dilue notre savoir
Combien de temps me faudra-t-il, sur le tard,
Sur le soir de ma vie de galère ou bien de ma vie agréable
Pour ne plus avoir peur de mes ignorances ?
A la vérité, il n’en est qu’une qui vaille
Celle qui nous tient, nous maintient
Nous sort de notre léthargie, nous travaille :
Celle de notre existence ici-bas, de notre lien
Ce fil ténu qui nous tisse
Jour après jour, pelote de laine
Qui se love au plus profond,
Au cœur de nos démons
Trame qui tient notre être, qui le hisse,
Sur le métier du temps qui traîne
Dans l’éclat de nos voix désarticulées
Ce guide invisible, pour tout dire translucide,
Avec qui nous marchons, tout au bord du vide,
Pétri d’amour dans ce monde souvent si laid
Nous l’interrogeons chaque jour que Dieu fait
Nous méditons, ruminons sur le fait que nous existons
Et c’est une grande joie que de vivre de cette question.
D’abord , on nous fait croire aux fées
qui se penchent sur les berceaux;
aux chocolats tombés du ciel,
au père Noël sur son traîneau.
On nous encourage à chercher
des bébés dans des choux pommés,
on nous dit que notre nez bouge
quand nous mentons à nos parents.
Lorsque maman a les yeux rouges
et dit : « C’est un rhume de printemps »,
nous la croyons ingénument,
comme nous croyons que chez grand-père,
dans le puits, il y a une sorcière.
Les sornettes de notre enfance
nous maintiennent dans l’ignorance
des plus dures réalités
et notre naïve candeur
fait de nous la proie des moqueurs
des profiteurs, des abuseurs.
Plus tard, nous allons à l’école
et oublions ces fariboles.
En plus de lire, compter, écrire,
on nous enseigne à reconnaître
les fleurs, les arbres, les insectes,
à nommer tous les animaux,
observer le cycle de l’eau,
repérer l’étoile polaire,
comprendre le rythme des marées
et l’infini de l’univers…
On nous fait lire des poèmes,
découvrir de l’art la beauté,
on nous enseigne des valeurs
qui devraient nous rendre meilleurs.
On nous entraîne à réfléchir
à nuancer nos jugements,
à respecter les religions
tout en condamnant sans faiblesse
fanatisme et superstitions.
On nous encourage à penser
sans tenir compte des préjugés.
Pour lutter contre l’ignorance,
l’école, ses maîtres et ses maîtresses
éveillent notre intelligence
…et la vie se charge du reste.
Yvonne Le Meur-Rollet, avril 2023
Quand j’étais petite, à l’école
-j’apprenais pas mes leçons-
C’était encore la vieille école
elles pleuvaient dru les punitions.
La maîtresse, je la rendais folle
à refuser l’enseignement
Je récoltais en guise d’obole
des lignes et des colles à foison.
Quand j’étais petite, à l’école
-j’aimais les récitations-
Savoir lire suffisait en somme
à mon besoin d’éducation.
En calcul, je virai atone,
l’œil morne dénué d’expression.
La maîtresse, ça la rendait stone …
et s’abattaient les corrections.
A présent lorsque des paroles
-viennent me frapper durement-
quand on me contraint, qu’on me somme …
c’est en adulte que je raisonne,
c’est une adulte qui répond.
Mais je l’entends en moi qui grogne,
la petite têtue de l’école
qui tout du long a tenu bon.
Au fond de moi, elle crie, elle tonne
-une véritable poison-
« Alors, toujours des colles ?
toujours ces horribles leçons ?
Quand est-ce donc
que la cloche sonne
pour la vraie récréation ? »
Il faut croire au cadeau qu’on ne sait pas offrir
Ne pas tendre à l’enfant le jouet qu’on lui retire.
Ne pas dire de mensonge et ne pas faire souffrir
Il faut parler d’avions lorsque l’on veut partir.
Il faut croire toujours que tout peut advenir
Ne pas salir les mots qui font qu’un cœur chavire.
Ne pas faire de promesse qu’on ne peut pas tenir
Il faut parler des rêves que l’on veut assouvir.
Il faut croire au bonheur quand on redoute le pire
Ne pas citer l’amour en absence de désir.
Ne pas prôner le règne quand il n’est pas d’empire
Il faut parler de chance quand on veut la saisir.
Cette nuit, cauchemar. Un mot a disparu
Du Robert, du Larousse et de tout dictionnaire.
Je me lève amnésique du rêve incongru
Et je vais rechercher ‘’Les fleurs…’’ de Baudelaire
Que j’aime à lire quand le café coule et passe.
Mais quand je tends le bras pour prendre à l’étagère
Le livre désiré, il n’est plus à sa place.
J’ai du, hier matin, égaré dans ma sphère
Le poser quelque part. Je lirai donc Rimbaud
Dont l’ouvrage se trouve à côté de Prévert.
Mais la planche du bas autant que celle en haut
Ne porte aucun recueil ni de bouquins en vers.
Je dois m’y résoudre : mon cauchemar est vrai.
Cela m’est impossible et je cherche aussitôt
Dans l’Encyclopédie la trace de Musset
D’Heredia, d’Aragon, de Ronsard ou Boileau.
Rien ! Ils ne sont pas cités. Ils n’ont jamais vécu.
Je me hâte dehors : ‘’Savez-vous Laborie ?
Connaissez-vous Éluard ? Et les avez-vous lus ?’’
Le monde est ignorant de toute poésie !
3 petits poèmes sur le thème de l’ignorance que j’ai écrits et lus
CHOISIR D’IGNORER
elle ne sait pas et elle ne veut pas savoir d’où elle vient,
ses traits dans le miroir doivent rester uniques
elle ne veut pas savoir la souffrance qui l’a enfantée
ni les raisons de celle qui l’a abandonnée
ne pas savoir est sa force
dans l’ignorance elle puise l’énergie de bâtir son histoire
elle a choisi de ne pas savoir
INTERROGATOIRE
C’était votre voisine de palier
L’avez vous entendue crier, pleurer
Je ne sais pas
et les enfants?
Etaient ils battus?
Je ne sais pas
Vous ne pouvez pas ne pas savoir
Votre silence va se retourner contre vous
Mon ignorance est le poids de mon discrédit
source de suspicion et de remords
si j’avais su, si j’avais su
FELURE
Je n’ai pas appris, ignorante
trop tard résonne une voix dans ma tête
tu es trop bête
trop de choses à apprendre
trop d’efforts à entreprendre
mon ignorance me colle à la peau
je me retranche dans le silence
pour rêver, le soleil me réchauffe
Rouge, jaune, bleu, vert, je saisis les couleurs
les oiseaux me parlent,
Ta main douce et chaude caresse mon épaule
Je peux donc ignorer et ressentir, je suis vivante
Françoise Sartorio
JOIE DE NOS IGNORANCES
Le bleu du ciel se détache de mon regard
Un faux pas de plus et je tombe dans mon abîme noir
La connaissance est d’argile si malléable
Qu’elle perd toute consistance, et se dilue notre savoir
Combien de temps me faudra-t-il, sur le tard,
Sur le soir de ma vie de galère ou bien de ma vie agréable
Pour ne plus avoir peur de mes ignorances ?
A la vérité, il n’en est qu’une qui vaille
Celle qui nous tient, nous maintient
Nous sort de notre léthargie, nous travaille :
Celle de notre existence ici-bas, de notre lien
Ce fil ténu qui nous tisse
Jour après jour, pelote de laine
Qui se love au plus profond,
Au cœur de nos démons
Trame qui tient notre être, qui le hisse,
Sur le métier du temps qui traîne
Dans l’éclat de nos voix désarticulées
Ce guide invisible, pour tout dire translucide,
Avec qui nous marchons, tout au bord du vide,
Pétri d’amour dans ce monde souvent si laid
Nous l’interrogeons chaque jour que Dieu fait
Nous méditons, ruminons sur le fait que nous existons
Et c’est une grande joie que de vivre de cette question.
Jean-Bernard Vivet
Saint-Suliac, 25 avril 2023
Hommage à, l’école
D’abord , on nous fait croire aux fées
qui se penchent sur les berceaux;
aux chocolats tombés du ciel,
au père Noël sur son traîneau.
On nous encourage à chercher
des bébés dans des choux pommés,
on nous dit que notre nez bouge
quand nous mentons à nos parents.
Lorsque maman a les yeux rouges
et dit : « C’est un rhume de printemps »,
nous la croyons ingénument,
comme nous croyons que chez grand-père,
dans le puits, il y a une sorcière.
Les sornettes de notre enfance
nous maintiennent dans l’ignorance
des plus dures réalités
et notre naïve candeur
fait de nous la proie des moqueurs
des profiteurs, des abuseurs.
Plus tard, nous allons à l’école
et oublions ces fariboles.
En plus de lire, compter, écrire,
on nous enseigne à reconnaître
les fleurs, les arbres, les insectes,
à nommer tous les animaux,
observer le cycle de l’eau,
repérer l’étoile polaire,
comprendre le rythme des marées
et l’infini de l’univers…
On nous fait lire des poèmes,
découvrir de l’art la beauté,
on nous enseigne des valeurs
qui devraient nous rendre meilleurs.
On nous entraîne à réfléchir
à nuancer nos jugements,
à respecter les religions
tout en condamnant sans faiblesse
fanatisme et superstitions.
On nous encourage à penser
sans tenir compte des préjugés.
Pour lutter contre l’ignorance,
l’école, ses maîtres et ses maîtresses
éveillent notre intelligence
…et la vie se charge du reste.
Yvonne Le Meur-Rollet, avril 2023
L’école de la vie
Quand j’étais petite, à l’école
-j’apprenais pas mes leçons-
C’était encore la vieille école
elles pleuvaient dru les punitions.
La maîtresse, je la rendais folle
à refuser l’enseignement
Je récoltais en guise d’obole
des lignes et des colles à foison.
Quand j’étais petite, à l’école
-j’aimais les récitations-
Savoir lire suffisait en somme
à mon besoin d’éducation.
En calcul, je virai atone,
l’œil morne dénué d’expression.
La maîtresse, ça la rendait stone …
et s’abattaient les corrections.
A présent lorsque des paroles
-viennent me frapper durement-
quand on me contraint, qu’on me somme …
c’est en adulte que je raisonne,
c’est une adulte qui répond.
Mais je l’entends en moi qui grogne,
la petite têtue de l’école
qui tout du long a tenu bon.
Au fond de moi, elle crie, elle tonne
-une véritable poison-
« Alors, toujours des colles ?
toujours ces horribles leçons ?
Quand est-ce donc
que la cloche sonne
pour la vraie récréation ? »
Michèle PETTAZZONI
Il faut croire
Il faut croire au cadeau qu’on ne sait pas offrir
Ne pas tendre à l’enfant le jouet qu’on lui retire.
Ne pas dire de mensonge et ne pas faire souffrir
Il faut parler d’avions lorsque l’on veut partir.
Il faut croire toujours que tout peut advenir
Ne pas salir les mots qui font qu’un cœur chavire.
Ne pas faire de promesse qu’on ne peut pas tenir
Il faut parler des rêves que l’on veut assouvir.
Il faut croire au bonheur quand on redoute le pire
Ne pas citer l’amour en absence de désir.
Ne pas prôner le règne quand il n’est pas d’empire
Il faut parler de chance quand on veut la saisir.
Cauchemar
Cette nuit, cauchemar. Un mot a disparu
Du Robert, du Larousse et de tout dictionnaire.
Je me lève amnésique du rêve incongru
Et je vais rechercher ‘’Les fleurs…’’ de Baudelaire
Que j’aime à lire quand le café coule et passe.
Mais quand je tends le bras pour prendre à l’étagère
Le livre désiré, il n’est plus à sa place.
J’ai du, hier matin, égaré dans ma sphère
Le poser quelque part. Je lirai donc Rimbaud
Dont l’ouvrage se trouve à côté de Prévert.
Mais la planche du bas autant que celle en haut
Ne porte aucun recueil ni de bouquins en vers.
Je dois m’y résoudre : mon cauchemar est vrai.
Cela m’est impossible et je cherche aussitôt
Dans l’Encyclopédie la trace de Musset
D’Heredia, d’Aragon, de Ronsard ou Boileau.
Rien ! Ils ne sont pas cités. Ils n’ont jamais vécu.
Je me hâte dehors : ‘’Savez-vous Laborie ?
Connaissez-vous Éluard ? Et les avez-vous lus ?’’
Le monde est ignorant de toute poésie !