venez offrir en partage vos poèmes ou les poèmes des auteurs que vous aimez sur le thème « Faille ».
Festival 2024
Festival en poésie "LA HOULE DES MOTS : EXIL, EX-ILE , Je ne suis pas d'ici, je ne suis plus d'ailleurs". 25,26,27,28 juillet 2024 à Saint-Jacut-de-la-Mer.
Un poème de Paul Verlaine:
Dans ce poème, Verlaine s’identifie à Gaspard Haüser.
(Voir Wikipédia pour trouver des renseignements sur ce personnage mystérieux dans lequel Verlaine retrouve ses propres failles)
Gaspard Haüser chante…
e Je suis venu, calme orphelin
Riche de mes seuls yeux tranquilles,
Vers les hommes des grandes villes :
Ils ne m’ont pas trouvé malin.
A vingt ans, un trouble nouveau,
Sous le nom d’amoureuses flammes,
M’a fait trouver belles les femmes :
Elles ne m’ont pas trouvé beau.
Bien que sans patrie et sans roi
Et très brave ne l’étant guère,
J’ai voulu mourir à la guerre :
La mort n’a pas voulu de moi.
Suis-je né trop tôt ou trop tard ?
Qu’est-ce que je fais en ce monde ?
O vous tous, ma peine est profonde :
Priez pour le pauvre Gaspard!
Ce sonnet a été écrit par Michel-Ange alors qu’il peignait le plafond de la Chapelle Sixtine. On notera le désespoir final de l’artiste face à sa création, « né io pittore »…. « je ne suis pas peintre ». Ce poème récapitule les tourments physiques du peintre, tourments qui aboutissent, en conclusion, à la remise en question de son art : c’est un très bel exemple des souffrances de l’artiste devant sa création.
Traduction en français :
Dans ce labeur, un goitre m’est venu,
Comme l’eau en fournit aux chats de Lombardie
À moins que ce ne soit de quelque autre pays,
Car, à force, mon ventre au menton s’est collé.
La barbe au ciel, je sens mon cerveau sur l’échine
Et me voilà doté d’un torse de harpie,
Pendant que, sur ma face dégouttant,
Le pinceau me transforme en riche pavement.
Les reins me sont rentrés dedans la panse,
Mon cul, par contrepoids, en croupe s’est changé,
En vain j’avance en aveugle mes pieds.
J’ai par devant l’écorce qui s’allonge
Et, par derrière, elle se tend, se plisse,
Me recourbant comme un arc de Syrie.
Ainsi de mon esprit
Les jugements sont-ils fallacieux, contournés :
Sarbacane tordue ne tire jamais droit.
Ma peinture défunte,
Ami, défends-la donc, et mon honneur aussi,
Car la place et mauvaise, et je ne suis pas peintre.
Traduction Michel Orcel
Enfantillages
Enfant, longtemps j’avais peur
du loup, des sorcières et du noir.
Qui m’a dit, les loups c’est fini,
y en a plus, même sous les lits ?
Et hop, j’ai chassé le loup de ma vie.
Qui m’a dit, les sorcières c’était hier,
y en a plus, même aux cimetières ?
Et hop, j’ai chassé la dernière.
Et le noir ?
Je l’ai fondu dans mille couleurs :
bleu nuit, jaune soleil, rouge ardeur …
Et hop, mon noir s’est changé en Renoir
Ecoutez ce que je vais vous dire :
-sans corps – sans couleur – muette –
chevauchant un balai sans tête,
tapie dans ma demeure à l’ombre d’un vieux loup
fondue dans le chaudron des nuits,
– LA PEUR –
Et hop, la Peur se cache et joue, puérile,
à me faire PEUR !
Michèle PETTAZZONI
Enfants aventuriers
Sur l’amas des rochers
De la tour Solidor
Deux grands aventuriers
Recherchaient un trésor
De coquilles d’hermite.
Fouillant parmi les failles
Du cahot de granit
Ils faisaient des trouvailles.
Alors, riches de peu
Ils se dressaient devant
Leur glorieuse aire de jeu
Et ils bravaient le vent.
Sans faille
La fille à fleur de l’âge et fraiche d’innocence
S’éveille dans la grange où la lumière avance
Elle étend tout son corps dans l’herbe qui la cerne
Mêlant dans ses cheveux quelques brins de luzerne.
Les yeux toujours mi-clos, elle sent son amant
Qui bien avant le jour repartit en laissant
Dans ses mains le cadeau d’un peu de sa sueur
Et sur sa bouche rose un baiser plein d’ardeur.
Il promit à l’enfant qu’elle n’était qu’hier
Qu’il reviendra ce soir, humble et malgré tout fier
Avec un bouquet blanc d’œillets pour son sourire
Et des poèmes doux qu’il aimera lui dire.
Elle doute un instant et s’étonne à prier
Que ce qu’a dit sa mère est faux au parolier.
C’est un homme sincère et droit qu’elle a séduit.
Il viendra, c’est certain, sans attendre la nuit.
Puis le jour se fait long et triste de travail
Les heures sont des poids plus lourds que le poitrail
Qu’elle avait sur ses seins, qu’elle voyait briller.
Puis soudain, elle entend des pas sur le gravier.
Désolée je suis trop distraite, j’ai mis deux fois le titre et j’ai oublié de signer.
Louise Montagne -avril 2024 –
BATAILLE
Je n’ai pas trouvé d’accordailles
Au fond de mon intimité
Ni dans mon cerveau en pagaille,
Mon âme est torturée.
Au fond de mon intimité,
Mes idées noires ferraillent,
Mon âme est torturée,
Ma vie en pièces se détaille.
Mes idées noires ferraillent
Mes regrets dans la brêche engouffrés,
Ma vie en pièce se détaille
Comme les morceaux d’un navire fracassé.
Mes regrets dans la brêche engouffrés,
Tels les flots dans la faille,
Comme les morceaux d’un navire fracassé
Mes remords s’écaillent.
Tels les flots dans la faille
Le bleu de mes yeux s’est noyé
Mes remords s’écaillent,
Débordant d’eau salée
Le bleu de mes yeux s’est noyé,
Ma résistance défaille
Au fond de mon intimité
Je n’ai pas trouvé d’accordailles.
Louise Montagne
Bonjour.
Suite à la soirée de vendredi dernier, je vous livre un texte écrit il y a déjà quelques semaines dans le cadre du thème 2024 du Printemps des Poètes.
J’ai fait un montage avec les tableaux associés mais je ne puis le transmettre dans ce commentaire.
RENDRE GRACE
Par la grâce, d’un mot, au musée imaginaire
Je suis entré, revenu de l’antique ère
Sur de vieux parquets désertés où m’apaisent
Des tableaux mêlés oubliés aux cimaises.
Une « Danseuse » de Degas, vaporeuse,
S’y élance, elle flotte radieuse,
Bondit avec grâce hors son cadre doré,
Aérienne, éperdue, sans gravité.
Légère, elle surfe « la Vague » d’Hokusaï,
Ephémère équilibre de la muraille,
Surabondance, puissance de la grâce,
Source infinie de toutes les audaces.
Sur le port brumeux du Havre, elle glisse
Au pied du chevalet de Monet, complice,
Elle entre en « Impression soleil levant »,
En moment de grâce absolu hors du temps.
Quelques entrechats lumineux l’introduisent
Dans l’atelier de Rembrandt que le soir tamise.
Elle assiste au « Retour du fils prodigue »,
Folle rentrée en grâce que tout cœur brigue.
Ultime cabriole à la Tate Britain,
Agenouillée en espérance sereine,
Avec « L’Enfant Samuel » qu’elle embrasse,
Abondamment elle prie… d’avoir la grâce.
Sur la pointe des pieds je me suis retiré
Mais j’ai laissé la porte ouverte, entrez !
Accrochez là vos tableaux, il y a place,
Rêvez, vivez, il est temps de rendre grâce.
Jean-Yves HUET – 17 février 2024