« Histoires de famille », thème de l’apéro-poétique du vendredi 15 décembre, 18h30 au Bretagne.

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7 réponses à « Histoires de famille », thème de l’apéro-poétique du vendredi 15 décembre, 18h30 au Bretagne.

  1. Françoise Sartorio dit :

    FEMINICIDE EN EXIL

    La lame s’est enfoncée
    Le corps de la femme a chuté
    L’enfant a glissé de ses bras dans la tache rouge
    L’homme a fui
    « tu rentreras au Maroc dans un cercueil »
    Il a tenu sa promesse de mort
    pas sa promesse d’une vie meilleure
    Des changements avaient éveillé sa méfiance
    Voile épisodique, crayon bleu soulignant le noir de ses yeux
    Comment osait-elle s’exposer ainsi ?
    Idée obsessionnelle d’un autre homme
    Doutes sur la paternité de leur fils
    Lassée de leurs disputes, de ses menaces,
    elle l’a quitté pour se réfugier dans un foyer
    Protéger sa fille et son fils
    Divorcer pour les élever en liberté
    Elle travaillait, apprenait le français
    Je l’ai connue jeune et pleine de vie
    une longue natte noire et des yeux de jais
    vive et pétulante
    Elle se savait en danger
    Elle avait peur, tout le temps peur
    Aux Assises, il a défendu son acte mortifère
    Ses propos traduits résonnaient dans la salle d’audience
    « Exil ne signifie pas changement ni renoncement
    Monsieur Le Président
    La France c’était pour le travail et l’argent
    Nous on sera jamais français »
    Il était soulagé d’avoir agi
    Il semblait indifférent à son jugement
    Encore jeune, il avait une vie devant lui

    Françoise Sartorio
    Décembre 2023

  2. Yvonne+Le+Meur-Rollet dit :

    L’année dernière…
    (Texte lu par Joëlle Meilleray)
     
    C’était bien mieux l’année dernière:
    on avait pu, au mois de juin, ouvrir le nouveau parasol,
    manger le soir dans le jardin et voir voleter des lucioles.
    Mes parents montaient se coucher, avec des rires dans les yeux …

    Maman trouvait que Mademoiselle Claire
    m’avait fait très bien travailler avant mon entrée en sixième,
    alors, pour la remercier,
    elle avait voulu l’inviter à ma communion solennelle.
                                                                                                                                                                   
    C’était bien mieux l’année dernière :
    J’avais appris à pagayer avec papa sur la rivière,
    il m’avait montré où pêcher les truites vives à la cuillère.
    et nous faisions des ricochets, en choisissant de belles pierres…
     
    C’était bien mieux l’année dernière :
    maman chantait dans la cuisine en étalant la nappe bleue,
    papa l’appelait « Ma chérie » et me disait « Tu viens, fiston?»
    avant de m’ouvrir sa portière pour décharger les commissions.
    /…/  
    Tout était mieux l’année dernière,
    juste avant que papa nous quitte
    pour vivre avec Mademoiselle Claire…
    Yvonne Le Meur-Rollet

  3. Dominique Mongodin dit :

    Pied de nez

    Ça y est, je l’ai choppé !
    On m’avait prévenu :
    ‘’Il faut tout éviter,
    Les proches, les inconnus !’’

    Mais après dix-huit mois
    D’abstinence sociale,
    J’ai fauté malgré moi :
    Je suis allé au bal.

    Et j’ai mal à la tête
    Puisque j’ai de la fièvre.
    L’éveil de nuit m’inquiète
    De douleur à la plèvre.

    Je ne peux me lever
    Terrassé de fatigue.
    Je ne peux rien manger,
    Pas même une figue.

    Alors la peur me prend.
    On m’avait prévenu
    ‘’Reste toujours distant’’.
    J’ai joué, j’ai perdu !
    J’ai violé les barrières
    Des gestes interdits.
    J’ai cru qu’après hier
    Tout nous était permis.

    Mais la longévité
    De cette épidémie
    M’a trompé. J’ai tenté
    De revoir ma fratrie.

    La porte de ma chambre,
    Fermée dès hier soir,
    S’ouvre sur un rai ambre
    Et me redonne espoir.

    Un proche qui s’approche
    Me calme et prend ma main,
    Alors que je m’accroche
    Pour retarder la fin.

    Je sais qu’il a compris
    Où je me précipite.
    Il me rassure et dit :
    ‘’T’as pris une sacrée cuite !’’

  4. Michèle+PETTAZZONI dit :

    Père absent

    Chaque jour
    toi, tu te tais
    moi , je me tue
    à rompre ton indifférence.

    Face à tes abus de silence
    je meurs
    chaque jour
    un peu plus.

    Toi, tu te tais, moi, je me tue
    à espérer une présence,
    un signe, une reconnaissance
    de toi, légalement connu.

    Jour après jour
    je scrute, je sonde
    avec une belle constance
    les aurores de mes nuits déçues.

    Toi tu te tais
    je m’évertue
    à briser un mur d’ignorance
    en continu.

    Au nom du père
    s’il en fut,
    au NON de de sa grande distance
    au NON de l’absent du début

    Au nom si clair de l’évidence
    vient s’auréoler
    la sentence
    de tous mes espoirs déchus

    Face à mon père
    sans retenue
    je suis, je reste
    inconnue.

    Michèle Pettazzoni

  5. Michèle+PETTAZZONI dit :

    Complainte à la branche

    Je suis un bourgeon transpercé.
    La branche qui m’a enfanté
    par une tige sans ressort,
    me relie encor à son corps,
    laissant les pattes de la bête
    me piétiner et me soumettre .

    Si je murmure ma blessure
    à cette branche nourricière
    ses feuilles vite elle replie
    pour ne pas ouïr le cri discret
    de ma plainte et de mon secret.
    Elle me préfère muet.

    La bête rampe à son festin.
    Elle me pique au fond du cœur.
    Ma branche sait tout, ne fait rien
    pour secouer cette vermine
    corrompant mon œil enfantin.
    Ma branche a perdu son instinct.

    Et pourtant c’est la même sève
    coulant dans son être et le mien.
    Ma verdeur brûle de douleur.
    La bête frôle mon velours
    et pique et repique sans faim.
    Je me remplis de son venin.

    Le bourgeon charnu que j’étais
    se rabougrit, change d’aspect.
    Je laisse ruisseler mes forces
    dans une indifférence atroce.
    Bientôt je ne serai plus rien…
    La Bête est vivante et revient.

    Michèle Pettazzoni

    • Yvonne+Le+Meur-Rollet dit :

      Merci Michèle pour ce texte qui évoque le drame de l’inceste dans la métaphore qui file tout au long du poème: l’arbre, la branche, les bourgeons, les feuilles, la sève, la verdeur…. Le rythme régulier des vers, la richesse des mots choisis pour leur musique et les images qu’ils font naître arrivent à traduire avec pudeur et force la douleur de l’enfant abusé qui dénonce son bourreau sans jamais le nommer.

      • Pettazzoni dit :

        Merci Yvonne pour tes encouragements. Les violences sexuelles
        touchent 2 à 3 enfants par classe, soit une personne sur dix en France. (Chiffres de la Commission Indépendante sur l’Inceste et les Violences Sexuelles faites aux Enfants, la CIIVISE. )

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