« La rue » thème de l’apéro poétique du vendredi 27 janvier – Les poèmes lus sont offerts en commentaires …

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8 réponses à « La rue » thème de l’apéro poétique du vendredi 27 janvier – Les poèmes lus sont offerts en commentaires …

  1. Louise Montagne dit :

    MA RUE EN 1960
    À l’entrée elle est bordée de deux grands murs de pierre qui ceinturent des jardins, puis elle s’enfile entre deux rangées de petites maisons de granit. Le calme règne, les coups de battoirs de Julie sur sa planche à laver, rythment le lointain caquètement d’une poule qui pond, un vieux chien allongé sur le bord de la route sommeille, la fumée des poêles à charbon s’échappe en panache des cheminées et l’odeur de la soupe aux légumes embaume le quartier.

    Mais aussitôt la sortie de l’école,
    Telle une nuée de moineaux
    Qui aurait pris son envol,
    Par dizaine les marmots,
    S’égaillent dans la rue.
    Lestement les filles
    Sur la marelle tracée au charbon,
    A cloche pied sautillent
    Sur les graviers du goudron.
    Le petit vélo bleu de Charlie
    Passe de main en main.
    La vielle roue sans pneu
    Poussée avec le bâton
    Traverse effrontément la partie de billes.
    Julie manifeste sa lassitude,
    Elle lève les bras au ciel
    En brandissant son battoir,
    Et le chien fatigué lui aussi
    Par des aboiements dérisoires
    Essaye de couvrir nos cris
    La rue est notre royaume
    Nous en avons pris possession
    En écorchant nos paumes
    Ou râpant nos genoux sur les traîtres gravillons.
    Dans ma rue notre esprit se vide des moments amers
    Et s’emplit pour un temps des joies de l’enfance,
    Et alors l’insouciance
    Fait place à la misère.

    Louise Montagne – janvier 2023-

  2. Jean-Bernard Vivet dit :

    APPARITION

    Tout se déboîte, tout se déhanche,
    Dans ma rue,
    C’est une vraie cour des miracles
    L’amant rend visite à son aimante
    Le cul de jatte quémande quelques piécettes
    L’horloge là-haut ne tourne pas rond
    Les cloches se mettent à sonner à toute volée
    Un grain de sable s’est immiscé dans les cerveaux
    La tour du beffroi se met à pencher sérieusement
    Le clochard ne retrouve plus sa monnaie
    Mon pied glisse sur le pavé trempé

    Dans le bruissement de la cohue ordinaire
    Une gueule d’ange tout à trac flambe dans mes prunelles
    Un petit minois dont on ne se remet pas
    Je presse le pas, je plisse les yeux
    Qu’ai-je donc fait au bon Dieu
    Pour mériter si sublime apparition ?

    Transpercé par l’illumination,
    Je sens mon pouls s’accélérer
    Battre au bourdon de mon cœur
    Le sol s’efface sous mes pieds

    Que se passe-t-il ? Je me sens saisi,
    Je me sens voler. Je m’affaisse
    Soudain sur le passage clouté.

    Monsieur, réveillez-vous, on va fermer !

    Mince, j’ai encore abusé de l’absinthe,
    Pour oublier, s’il se peut, mon absente.

    Je retourne à la rue, en quête d’un autre rade
    Qui me rendra mon élue,
    Sitôt vue, sitôt disparue.

    Jean Bernard Vivet Saint-Suliac, 16 janvier 2023

  3. Yvonne Le Meur-Rollet dit :

    La Grande Rue en hiver

    Le soleil est si bas en ce frileux hiver
    Que chaque ombre s’allonge sur les maisons jaguines
    Et les feuilles tombant d’une maigre glycine
    Décorent d’éclats pâles les branches de buis vert.
     
    Sous le ciel de janvier, toute la rue frissonne
    Le village est désert, plusieurs volets sont clos,
    Les enfants à l’école restent sous le préau,
    Et les jeux de pétanque n’ont attiré personne.

    La Maison de la Presse n’ouvrira qu’à trois heures,
    L’épicerie du centre est fermée pour travaux, 
    Le bazar de la place a baissé ses rideaux,
    Et seul, un vieillard lent promène son Yorkshire.

    Au café Le Bretagne, la vitrine rappelle
    Qu’on y vend du tabac, des boissons et des jeux ;
    J’entre et me fais servir un grand café crémeux
    En espérant glaner au bar quelque nouvelle.

    Mais en ce jour glacé, pas de clients bavards…
    Je me résigne alors à marcher vers la mer
    Où les bernaches grises cacardent des histoires
    Rapportées du Grand Nord dont elles ont fui l’hiver.
    Yvonne Le Meur-Rollet

  4. Michèle PETTAZZONI dit :

    Les Allées des Poètes

    Allée Charles Baudelaire
    une atmosphère délétère
    nimbe les corolles d’azur
    Doux veloutés de luxure.

    Allée Arthur Rimbaud
    les voyelles de l’écriteau
    taguées aux couleurs nouvelles
    bavent, ivres et rebelles.

    Allée André Chénier
    un panneau décapité
    gît au tréfonds du fossé
    Le destin est sans pitié.

    Allée Gérard de Nerval
    un désespoir automnal
    suspendu au lampadaire
    sonne les heures, pendulaire.

    Allée Alfred de Musset
    nez collé à la verrière
    j’ai vu passer l’étranger
    Il lui ressemblait en frère.

    Allée Paul Verlaine
    les Poètes vont et viennent
    comme des rêves familiers
    sur les pensées des Allées.

  5. Yvonne Le Meur-Rollet dit :

    Dans la rue des Drapiers  
    ’Yvonne Le Meur-Rollet
     
    Ils se sont promenés
    Comme le premier soir
    Dans la rue mal pavée
    Mais  n’ont pas retrouvé
    Le porche lisse et noir
    De leurs baisers mouillés
    Dans la Rue des Drapiers. 
    Elle a voulu quand même
    S’accrocher à son bras
    Elle a vu dans ses yeux
    Monter une étincelle
    Elle a cru que pour elle
    Se ranimait le feu
    Dans la Rue des Drapiers. 
    Mais près de la margelle
    En haut de l’escalier
    S’avançait une fille
    Aux cheveux caramel
    Anneau d’or au nombril
    Fin tricot de dentelle
    Dans la Rue des Drapiers. 
    Tous deux ont aperçu
    Leur reflet dans la glace
    Et  ils ont entrevu
    Le poids du temps qui passe
    Qui essouffle les cœurs
    Et fait traîner les pieds
    Dans la Rue des Drapiers. 
    Ils se sont promenés
    Comme le premier soir
    Dans la rue mal pavée
    Mais  n’ont pas retrouvé
    Le porche lisse et noir
    De leurs baisers mouillés
    Dans la Rue des Drapiers.

    ( Ce texte de chanson a été mis en musique et interprété par Jean Deschamps.)

  6. Dominique Mongodin dit :

    UN JOUR

    Ce jour aurait pu être
    Un jour comme les autres,
    Un jour avec métro
    Puis boulot et dodo.

    Bien étranges combats,
    Insolites soldats
    Venus de tous les âges.
    Sous les pavés, la plage.

    Le rouge était levé
    Pour une évolution,
    Couleur de liberté
    Et d’émancipation.

    Des hommes gros et gourds
    Allaient à leur poursuite.
    C’était l’aube d’un jour
    Début Mai soixante-huit.

  7. Dominique Mongodin dit :

    Bruits de bottes, Opus IV :
    Féminins

    Repliée au bord du banc public
    Elle glisse sa paire de bas
    De soie filés dans son cabas
    Maudit le froid qui la pique

    Caresse cuisses et chevilles
    Remet ses bottines d’argent

    Et ne laisse en repartant
    Qu’un bruit de talons aiguilles.

  8. Dominique Mongodin dit :

    Saint-Lunaire en hiver

    Dans la ville sans vie
    Désertée par les chiens
    Et par les goélands
    Le sable noie les rues.
    Une boule d’oyats
    Arrachés à la dune
    Traverse l’avenue
    Qui n’est plus qu’un désert.

    Les murs gris se lamentent
    Comme un harmonica
    Lancinant et troublant
    Sous le vent de l’hiver.
    Au clocher le bourdon
    Sensible à la bourrasque
    Tinte timidement
    Tel un glas mexicain.

    Un volet claque aux pierres
    Rebondit au taquet
    Et se retourne encore
    Dans un bruit de fusil.
    La cité dépourvue
    Des colons de l’été
    S’abandonne aux torpeurs
    Venues de l’océan.

    Novembre 2022

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