Sur le thème ‘Insolite’, 1 texte de Marc Bataille

C’est le bistrot du moment, un bistrot à la mode où le « tout Saint-Jacut » se retrouve, en plein cœur du bourg.

Chez Virginie

Un bistrot où l’on se sent bien. Mais si on y vient pour boire un verre ou pour retrouver des copains, le plus passionnant est ailleurs.

Le vendredi matin, jour de marché, quand le temps est au beau fixe, la foule se presse et on peut alors avoir la chance d’assister à une grande partie de chasse insolite.

Car la terrasse qui s’étend devant le café Place Landouar est un lieu de prédilection : on y prend un verre à midi, assis au soleil en dégustant une galette saucisse. Tout le monde veut y être.

Et c’est alors que commence la chasse à la place libre pour s’installer sur la terrasse.

On distingue deux catégories de chasseurs : les chaiseux et les tableux.

Les chaiseux chassent la chaise libre, pour s’installer seul ou avec les amis. On distingue 2 types de gibier, la chaise qu’on vient enlever pour la déposer un peu plus loin ou bien la chaise qu’on vient occuper sans la déplacer. Le chaiseux est à l’affût, il rôde et donne l’impression de tourner en rond, mais en fait, il se déplace selon un schéma bien précis pour débusquer au bon moment la chaise qui vient de se libérer et pour s’en saisir, au nez et à la barbe des autres chaiseux.

Le tableux, lui, chasse un plus gros gibier : une table avec plusieurs chaises. Là, il n’est pas question de transporter, il s’agit de récupérer une table qui se libère. Les gibiers sont plus rares et cette chasse nécessite une bonne anticipation pour être le premier à se saisir de la proie.

Mais il arrive aussi que certains tableux trichent et ne respectent pas le code déontologique : ils s’assoient à une table déjà occupée en anticipant le départ de leurs occupants.

Il arrive aussi que la pluie vienne calmer les ardeurs des protagonistes. Ou bien que la rosée matinale ait laissé une couche d’humidité qui mouille traîtreusement les fonds de pantalon.

Enfin il y a le moment tant attendu du lâcher de proies, lorsque le gibier se fait rare et que Virginie, pressée par les chasseurs, décide d’ouvrir sa réserve et libère alors tables et chaises. Et c’est la curée…

Mais, il ne suffit pas de saisir sa proie, encore faut-il la transporter. Et c’est là que bien des chaiseux ont trébuché et s’en sont retournés bredouilles avec, en guise de consolation, le sourire de Virginie.

Marc Bataille

Apéro-poétique de « Presqu’île en poésie » sur le thème ‘Insolite’, 14 décembre 2018

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