Très belle soirée au cours de laquelle si la tempête soufflait dehors, l’amitié résonnait dans nos coeurs !
Voici quelques poèmes lus extraits du recueil « EAUX-FORTES » d’Anne Bihoreau
Tempête
Lanières du vent
lacèrent
l’air
Trains de vagues
taraudent
la terre
Muet
le goéland
plane
sur le ventre de la terre
* * *
Rafale
Sur la houle
l’averse progresse
comme le flocon
blanchit la plaine
Encre d’ébène
Le vent se lève
le ciel crève
* * *
Vent force dix
Au toit d’une lune épaisse
flottent
les doris verts
Dans l’âpre tornade
cinglent
les grains de quarzite
Vas y ! dis le, crie le, hurle
Tu es la rage, tu es l’orage
Ca claque, ça craque, ça secoue
Cœur à l’envers, tête en bas
Brassée, traversée
Cœur, sang, viscères, peau, pensées
Où suis-je ?
Orage chamboule tout
Tempêtes , dévastations
Racines à nu
Où s’accrocher ?
Derme écorché, corps échoué
Nuit de colère…
… J’ouvre un œil
Un peu de lumière filtre à travers les persiennes
Des grains de poussière tremblent dans ces rayons
Poussières de la vie, je reprends pied dans ma vie
Rage exorcisée, fureur salvatrice.
En ce matin de Novembre, un bruit assourdissant
Me tire d’un sommeil douillet et apaisant
Par la fenêtre, je vois les arbres se tordant de douleur
Malmenés par un vent violent, hurlant de terreur
L’effroi me fait froid dans le dos, je me raidis aussitôt
La tempête se prépare à entrer dans mon jardin, illico
Je vois la nature sauvagement se transformer
En démon tout ébouriffé, yeux exorbité donnant de la voix
Au dessus des toits, des maisons, des montagnes
Recadrant l’image paisible d’un village somnolant
La nature en fureur laisse éclater sa rage sa colère
Le ciel s’est assombrit soudainement annonçant l’événement l
Le tonnerre gronde, d’abord faiblement puis rageusement
Une fine zébrure apparait, signalant un orage grandissant
Sinistre zigzag vibrant de couleur,
Objet léthal , de destruction annonciateur
Les tuiles, les volets, emportés, une avalanche de débris
Envahit les rues, les chemins les allées, tout est encombré
Une inquiétude grandissante amplifiée s’empare de moi
Et si ma maison partait emportée par le vent avec moi dedans ?
Ces éléments déchaînés annoncent un chaos par la nature organisé
D’un revers de main l’univers redessine les contours, les recoins
L’apocalypse arrive me dis-je, ne pouvant rien, juste témoin
Cette furie surnaturelle, accompagnée de pluie diluvienne
Le vent rageant tourbillonnant me donne des frissons
La puissance des éléments, cette force de la nature
Démontrant sa capacité à tout annihiler en un instant
Mes idées remises en place immédiatement, me rappelant
Que l’homme est tout petit, face à la nature en furie
Il n’est rien qu’une infime particule, de l’univers
Habité par une âme de géant, incapable de rivaliser
Avec Dieu et ses divinités en commandement
Devant cette grandiose démonstration, Je m’incline humblement
Rendant hommage à la grandeur, et à La splendeur universelle
Du cosmos ou simplement de Dieu, lui le créateur assurément.
Poème de Victor Hugo, dit par Olivier Guérin
Les Djinns
Murs, ville,
Et port,
Asile
De mort,
Mer grise
Où brise
La brise,
Tout dort.
Dans la plaine
Naît un bruit.
C’est l’haleine
De la nuit.
Elle brame
Comme une âme
Qu’une flamme
Toujours suit !
La voix plus haute
Semble un grelot.
D’un nain qui saute
C’est le galop.
Il fuit, s’élance,
Puis en cadence
Sur un pied danse
Au bout d’un flot.
La rumeur approche.
L’écho la redit.
C’est comme la cloche
D’un couvent maudit ;
Comme un bruit de foule,
Qui tonne et qui roule,
Et tantôt s’écroule,
Et tantôt grandit,
Dieu ! la voix sépulcrale
Des Djinns !… Quel bruit ils font !
Fuyons sous la spirale
De l’escalier profond.
Déjà s’éteint ma lampe,
Et l’ombre de la rampe,
Qui le long du mur rampe,
Monte jusqu’au plafond.
C’est l’essaim des Djinns qui passe,
Et tourbillonne en sifflant !
Les ifs, que leur vol fracasse,
Craquent comme un pin brûlant.
Leur troupeau, lourd et rapide,
Volant dans l’espace vide,
Semble un nuage livide
Qui porte un éclair au flanc.
Ils sont tout près ! – Tenons fermée
Cette salle, où nous les narguons.
Quel bruit dehors ! Hideuse armée
De vampires et de dragons !
La poutre du toit descellée
Ploie ainsi qu’une herbe mouillée,
Et la vieille porte rouillée
Tremble, à déraciner ses gonds !
Cris de l’enfer! voix qui hurle et qui pleure !
L’horrible essaim, poussé par l’aquilon,
Sans doute, ô ciel ! s’abat sur ma demeure.
Le mur fléchit sous le noir bataillon.
La maison crie et chancelle penchée,
Et l’on dirait que, du sol arrachée,
Ainsi qu’il chasse une feuille séchée,
Le vent la roule avec leur tourbillon !
Prophète ! si ta main me sauve
De ces impurs démons des soirs,
J’irai prosterner mon front chauve
Devant tes sacrés encensoirs !
Fais que sur ces portes fidèles
Meure leur souffle d’étincelles,
Et qu’en vain l’ongle de leurs ailes
Grince et crie à ces vitraux noirs !
Ils sont passés ! – Leur cohorte
S’envole, et fuit, et leurs pieds
Cessent de battre ma porte
De leurs coups multipliés.
L’air est plein d’un bruit de chaînes,
Et dans les forêts prochaines
Frissonnent tous les grands chênes,
Sous leur vol de feu pliés !
De leurs ailes lointaines
Le battement décroît,
Si confus dans les plaines,
Si faible, que l’on croit
Ouïr la sauterelle
Crier d’une voix grêle,
Ou pétiller la grêle
Sur le plomb d’un vieux toit.
D’étranges syllabes
Nous viennent encor ;
Ainsi, des arabes
Quand sonne le cor,
Un chant sur la grève
Par instants s’élève,
Et l’enfant qui rêve
Fait des rêves d’or.
Les Djinns funèbres,
Fils du trépas,
Dans les ténèbres
Pressent leurs pas ;
Leur essaim gronde :
Ainsi, profonde,
Murmure une onde
Qu’on ne voit pas.
Ce bruit vague
Qui s’endort,
C’est la vague
Sur le bord ;
C’est la plainte,
Presque éteinte,
D’une sainte
Pour un mort.
On doute
La nuit…
J’écoute : –
Tout fuit,
Tout passe
L’espace
Efface
Le bruit.
Victor Hugo ( Les Orientales)
Olivier GUERIN nous a fait découvrir ou redécouvrir le poème Les Djinns de Victor Hugo. Son interprétation tout en nuance s’est mariée subtilement à l’écriture rythmée et fantastique du grand poète. Sa voix harmonieuse et contrôlée, sa diction parfaite nous ont entraînés dans la déferlante tonitruante de ces petits êtres malfaisants. Les mots du poète ont résonné en nous crescendo grâce au souffle et à la virtuosité du récitant…puis le calme est revenu après la tempête.
Bravo Olivier
Texte lu par Michèle Pettazzoni
ORAGES
J’aime l’orage,
l’orage dans la nuit.
Flèches de lumière aveuglantes,
rugissement venu d’un autre univers.
Depuis mon enfance j’ai appris à compter les secondes entre éclair et tonnerre,
puis à diviser le nombre par 3 . 15 secondes = 5km…
La menace est encore loin .
J’ai le sentiment de maîtriser le monstre qui se rapproche ou s’éloigne.
La pluie. Un torrent fou a transformé ma rue.
Les arbres se plient sous le vent.
Les feuilles, les branches, les chaises volent.
Une violence de fin du monde !
Quelle beauté dans ce déchaînement !
Et moi, qui suis là, bien abritée,
comme possédée, électrisée,
me fondant dans les éléments, je deviens autre.
Je suis l’éclair, je suis le vacarme, je suis la pluie.
Une force exaltante m‘envahit.
La furie des éléments fait écho à ma propre brutalité .
Quand la colère me submerge,
Mes yeux rétrécissent et s’assombrissent,
Je peux frapper, je peux blesser, je peux tuer.
Alors pour différer l’explosion et le déchaînement,
je compte les secondes, je respire calmement. Rien qu’un léger souffle de vent.
Les tourments du monde sont résonances de ma propre violence.
Le temps des guerres, des tortures, des atrocités est revenu.
Plus de loi, chacun pour soi.
La foudre illumine tous les continents .Fracas des bombardements.
Mort et chaos à chaque minute .
L’orage s’éloigne, le tumulte s’apaise.
Les secondes entre éclair et tonnerre se distendent .
Dans la fraîcheur de la nuit pacifiée,
je rêve …
d’un feu qui ne détruirait pas, illuminant les ténèbres et embrasant les coeurs,
d une pluie bienfaisante éteignant les haines aveugles, revivifiant la terre,
d’une douce brise apaisant les âmes,
d’un ciel, d’un coeur ,d’une terre en paix.
Loin des roulements des tonnerres, de la colère et de la violence ,
Se lèverait le temps de la sagesse.
Il pleut. Le ciel dégoulinant rafraichit
Les ruelles où la canicule déverse
Sa lourdeur accablante depuis des jours.
L’odeur de bitume humide mais encore chaud
Se répand partout, jusqu’aux jardins publics.
Les herbes blanchies comme en hiver
Se sont clairsemées. Par endroits
N’apparaît qu’une terre craquelée.
Les feuilles déjà flétries des arbres et des plantes
Semblent plus grasses qu’hier.
Les ondées salvatrices vont les ragaillardir.
Les gouttes crépitantes se noient dans les impasses
Pour la joie des enfants qui batifolent
Sous les cris de leurs mères suantes
Accablées par le poids de la chape
Toujours beaucoup trop moite et molle.
Des nimbus, géants et cotonneux, des eaux
Tièdes s’épanchent en litaniques averses.
Sur les voieries se pose un tain qui réfléchit.
En voiture à trois heures du matin, je pense.
Je t’imagine dans ta tranquillité, endormie
Et que de moi tu rêves en silence.
Au milieu de la nuit pas de messagerie.
Le ciel de pleine lune était empli d’éclairs
Quand j’arrivais chez moi. Et tu m’avais écrit.
Vrai que c’était joli, vrai que tout était clair.
Sans doute rassurée, tu t’étais assoupie.
Prévenante et discrète comme tu sais le faire
Peut-être es tu venue avant de te coucher
Voir le feu d’artifice à travers un vitrage,
Pas par curiosité, juste pour partager
À trois heures du matin le nocturne éclairage.
Tous les deux éveillés, rien qu’à l’autre penser,
Histoire de partager la beauté de l’orage.
Lors de la présentation du thème « Orages et tempêtes » par Michèle PETTAZZONI, ont été évoqués les poètes et écrivains suivants : Diderot, Balzac, Chateaubriand, Saint Exupéry, Sénéque.
Poémes lus durant l’apéro-poétique:
___________________________________
La musique
Charles Baudelaire
La musique souvent me prend comme une mer !
Vers ma pâle étoile,
Sous un plafond de brume ou dans un vaste éther,
Je mets à la voile ;
La poitrine en avant et les poumons gonflés
Comme de la toile,
J’escalade le dos des flots amoncelés
Que la nuit me voile ;
Je sens vibrer en moi toutes les passions
D’un vaisseau qui souffre ;
Le bon vent, la tempête et ses convulsions
Sur l’immense gouffre
Me bercent. D’autres fois, calme plat, grand miroir
De mon désespoir !
Charles Baudelaire, Les fleurs du mal
_________________________________
L’orage
Emile Verhaeren
Parmi les pommes d’or que frôle un vent léger
Tu m’apparais là-haut, glissant de branche en branche,
Lorsque soudain l’orage accourt en avalanche
Et lacère le front ramu du vieux verger.
Tu fuis craintive et preste et descends de l’échelle
Et t’abrites sous l’appentis dont le mur clair
Devient livide et blanc aux lueurs de l’éclair
Et dont sonne le toit sous la pluie et la grêle.
Mais voici tout le ciel redevenu vermeil.
Alors, dans l’herbe en fleur qui de nouveau t’accueille,
Tu t’avances et tends, pour qu’il rie au soleil,
Le fruit mouillé que tu cueillis, parmi les feuilles.
L’Ennemi
Charles Baudelaire
Ma jeunesse ne fut qu’un ténébreux orage,
Traversé çà et là par de brillants soleils ;
Le tonnerre et la pluie ont fait un tel ravage,
Qu’il reste en mon jardin bien peu de fruits vermeils.
Voilà que j’ai touché l’automne des idées,
Et qu’il faut employer la pelle et les râteaux
Pour rassembler à neuf les terres inondées,
Où l’eau creuse des trous grands comme des tombeaux.
Et qui sait si les fleurs nouvelles que je rêve
Trouveront dans ce sol lavé comme une grève
Le mystique aliment qui ferait leur vigueur ?
– Ô douleur ! ô douleur ! Le Temps mange la vie,
Et l’obscur Ennemi qui nous ronge le cœur
Du sang que nous perdons croît et se fortifie !
J’ai apprécié d ce montage très réussi de cette affiche qui colle parfaitement avec le thème « Orages et Tempêtes » .
Plus haut, j’ai adressé à Jean-Pierre des félicitations qu’il m’a dit ne pas avoir méritées. En effet cette magnifique affiche a été produite par l’IIA que Jean-Pierre a sollicitée pour en mesurer les performances.
Epoustouflant, non?
Et bravo à Jean-Pierre d’avoir osé cette édifiante démonstration.
Très belle soirée au cours de laquelle si la tempête soufflait dehors, l’amitié résonnait dans nos coeurs !
Voici quelques poèmes lus extraits du recueil « EAUX-FORTES » d’Anne Bihoreau
Tempête
Lanières du vent
lacèrent
l’air
Trains de vagues
taraudent
la terre
Muet
le goéland
plane
sur le ventre de la terre
* * *
Rafale
Sur la houle
l’averse progresse
comme le flocon
blanchit la plaine
Encre d’ébène
Le vent se lève
le ciel crève
* * *
Vent force dix
Au toit d’une lune épaisse
flottent
les doris verts
Dans l’âpre tornade
cinglent
les grains de quarzite
Orage et tempête
Vas y ! dis le, crie le, hurle
Tu es la rage, tu es l’orage
Ca claque, ça craque, ça secoue
Cœur à l’envers, tête en bas
Brassée, traversée
Cœur, sang, viscères, peau, pensées
Où suis-je ?
Orage chamboule tout
Tempêtes , dévastations
Racines à nu
Où s’accrocher ?
Derme écorché, corps échoué
Nuit de colère…
… J’ouvre un œil
Un peu de lumière filtre à travers les persiennes
Des grains de poussière tremblent dans ces rayons
Poussières de la vie, je reprends pied dans ma vie
Rage exorcisée, fureur salvatrice.
Merci Anne pour ce très beau texte chargé d’une forte émotion que tu nous as fait entendre et partager, l’autre soir « Chez Virginie ».
ORAGE & TEMPETE
En ce matin de Novembre, un bruit assourdissant
Me tire d’un sommeil douillet et apaisant
Par la fenêtre, je vois les arbres se tordant de douleur
Malmenés par un vent violent, hurlant de terreur
L’effroi me fait froid dans le dos, je me raidis aussitôt
La tempête se prépare à entrer dans mon jardin, illico
Je vois la nature sauvagement se transformer
En démon tout ébouriffé, yeux exorbité donnant de la voix
Au dessus des toits, des maisons, des montagnes
Recadrant l’image paisible d’un village somnolant
La nature en fureur laisse éclater sa rage sa colère
Le ciel s’est assombrit soudainement annonçant l’événement l
Le tonnerre gronde, d’abord faiblement puis rageusement
Une fine zébrure apparait, signalant un orage grandissant
Sinistre zigzag vibrant de couleur,
Objet léthal , de destruction annonciateur
Les tuiles, les volets, emportés, une avalanche de débris
Envahit les rues, les chemins les allées, tout est encombré
Une inquiétude grandissante amplifiée s’empare de moi
Et si ma maison partait emportée par le vent avec moi dedans ?
Ces éléments déchaînés annoncent un chaos par la nature organisé
D’un revers de main l’univers redessine les contours, les recoins
L’apocalypse arrive me dis-je, ne pouvant rien, juste témoin
Cette furie surnaturelle, accompagnée de pluie diluvienne
Le vent rageant tourbillonnant me donne des frissons
La puissance des éléments, cette force de la nature
Démontrant sa capacité à tout annihiler en un instant
Mes idées remises en place immédiatement, me rappelant
Que l’homme est tout petit, face à la nature en furie
Il n’est rien qu’une infime particule, de l’univers
Habité par une âme de géant, incapable de rivaliser
Avec Dieu et ses divinités en commandement
Devant cette grandiose démonstration, Je m’incline humblement
Rendant hommage à la grandeur, et à La splendeur universelle
Du cosmos ou simplement de Dieu, lui le créateur assurément.
Jasmine Zemouli 13 Septembre 2025
Poème de Victor Hugo, dit par Olivier Guérin
Les Djinns
Murs, ville,
Et port,
Asile
De mort,
Mer grise
Où brise
La brise,
Tout dort.
Dans la plaine
Naît un bruit.
C’est l’haleine
De la nuit.
Elle brame
Comme une âme
Qu’une flamme
Toujours suit !
La voix plus haute
Semble un grelot.
D’un nain qui saute
C’est le galop.
Il fuit, s’élance,
Puis en cadence
Sur un pied danse
Au bout d’un flot.
La rumeur approche.
L’écho la redit.
C’est comme la cloche
D’un couvent maudit ;
Comme un bruit de foule,
Qui tonne et qui roule,
Et tantôt s’écroule,
Et tantôt grandit,
Dieu ! la voix sépulcrale
Des Djinns !… Quel bruit ils font !
Fuyons sous la spirale
De l’escalier profond.
Déjà s’éteint ma lampe,
Et l’ombre de la rampe,
Qui le long du mur rampe,
Monte jusqu’au plafond.
C’est l’essaim des Djinns qui passe,
Et tourbillonne en sifflant !
Les ifs, que leur vol fracasse,
Craquent comme un pin brûlant.
Leur troupeau, lourd et rapide,
Volant dans l’espace vide,
Semble un nuage livide
Qui porte un éclair au flanc.
Ils sont tout près ! – Tenons fermée
Cette salle, où nous les narguons.
Quel bruit dehors ! Hideuse armée
De vampires et de dragons !
La poutre du toit descellée
Ploie ainsi qu’une herbe mouillée,
Et la vieille porte rouillée
Tremble, à déraciner ses gonds !
Cris de l’enfer! voix qui hurle et qui pleure !
L’horrible essaim, poussé par l’aquilon,
Sans doute, ô ciel ! s’abat sur ma demeure.
Le mur fléchit sous le noir bataillon.
La maison crie et chancelle penchée,
Et l’on dirait que, du sol arrachée,
Ainsi qu’il chasse une feuille séchée,
Le vent la roule avec leur tourbillon !
Prophète ! si ta main me sauve
De ces impurs démons des soirs,
J’irai prosterner mon front chauve
Devant tes sacrés encensoirs !
Fais que sur ces portes fidèles
Meure leur souffle d’étincelles,
Et qu’en vain l’ongle de leurs ailes
Grince et crie à ces vitraux noirs !
Ils sont passés ! – Leur cohorte
S’envole, et fuit, et leurs pieds
Cessent de battre ma porte
De leurs coups multipliés.
L’air est plein d’un bruit de chaînes,
Et dans les forêts prochaines
Frissonnent tous les grands chênes,
Sous leur vol de feu pliés !
De leurs ailes lointaines
Le battement décroît,
Si confus dans les plaines,
Si faible, que l’on croit
Ouïr la sauterelle
Crier d’une voix grêle,
Ou pétiller la grêle
Sur le plomb d’un vieux toit.
D’étranges syllabes
Nous viennent encor ;
Ainsi, des arabes
Quand sonne le cor,
Un chant sur la grève
Par instants s’élève,
Et l’enfant qui rêve
Fait des rêves d’or.
Les Djinns funèbres,
Fils du trépas,
Dans les ténèbres
Pressent leurs pas ;
Leur essaim gronde :
Ainsi, profonde,
Murmure une onde
Qu’on ne voit pas.
Ce bruit vague
Qui s’endort,
C’est la vague
Sur le bord ;
C’est la plainte,
Presque éteinte,
D’une sainte
Pour un mort.
On doute
La nuit…
J’écoute : –
Tout fuit,
Tout passe
L’espace
Efface
Le bruit.
Victor Hugo ( Les Orientales)
Olivier GUERIN nous a fait découvrir ou redécouvrir le poème Les Djinns de Victor Hugo. Son interprétation tout en nuance s’est mariée subtilement à l’écriture rythmée et fantastique du grand poète. Sa voix harmonieuse et contrôlée, sa diction parfaite nous ont entraînés dans la déferlante tonitruante de ces petits êtres malfaisants. Les mots du poète ont résonné en nous crescendo grâce au souffle et à la virtuosité du récitant…puis le calme est revenu après la tempête.
Bravo Olivier
Texte lu par Michèle Pettazzoni
ORAGES
J’aime l’orage,
l’orage dans la nuit.
Flèches de lumière aveuglantes,
rugissement venu d’un autre univers.
Depuis mon enfance j’ai appris à compter les secondes entre éclair et tonnerre,
puis à diviser le nombre par 3 . 15 secondes = 5km…
La menace est encore loin .
J’ai le sentiment de maîtriser le monstre qui se rapproche ou s’éloigne.
La pluie. Un torrent fou a transformé ma rue.
Les arbres se plient sous le vent.
Les feuilles, les branches, les chaises volent.
Une violence de fin du monde !
Quelle beauté dans ce déchaînement !
Et moi, qui suis là, bien abritée,
comme possédée, électrisée,
me fondant dans les éléments, je deviens autre.
Je suis l’éclair, je suis le vacarme, je suis la pluie.
Une force exaltante m‘envahit.
La furie des éléments fait écho à ma propre brutalité .
Quand la colère me submerge,
Mes yeux rétrécissent et s’assombrissent,
Je peux frapper, je peux blesser, je peux tuer.
Alors pour différer l’explosion et le déchaînement,
je compte les secondes, je respire calmement. Rien qu’un léger souffle de vent.
Les tourments du monde sont résonances de ma propre violence.
Le temps des guerres, des tortures, des atrocités est revenu.
Plus de loi, chacun pour soi.
La foudre illumine tous les continents .Fracas des bombardements.
Mort et chaos à chaque minute .
L’orage s’éloigne, le tumulte s’apaise.
Les secondes entre éclair et tonnerre se distendent .
Dans la fraîcheur de la nuit pacifiée,
je rêve …
d’un feu qui ne détruirait pas, illuminant les ténèbres et embrasant les coeurs,
d une pluie bienfaisante éteignant les haines aveugles, revivifiant la terre,
d’une douce brise apaisant les âmes,
d’un ciel, d’un coeur ,d’une terre en paix.
Loin des roulements des tonnerres, de la colère et de la violence ,
Se lèverait le temps de la sagesse.
Liliane Catoire-Lenglet
(Nevers, septembre 2025)
Fraicheur estivale
Il pleut. Le ciel dégoulinant rafraichit
Les ruelles où la canicule déverse
Sa lourdeur accablante depuis des jours.
L’odeur de bitume humide mais encore chaud
Se répand partout, jusqu’aux jardins publics.
Les herbes blanchies comme en hiver
Se sont clairsemées. Par endroits
N’apparaît qu’une terre craquelée.
Les feuilles déjà flétries des arbres et des plantes
Semblent plus grasses qu’hier.
Les ondées salvatrices vont les ragaillardir.
Les gouttes crépitantes se noient dans les impasses
Pour la joie des enfants qui batifolent
Sous les cris de leurs mères suantes
Accablées par le poids de la chape
Toujours beaucoup trop moite et molle.
Des nimbus, géants et cotonneux, des eaux
Tièdes s’épanchent en litaniques averses.
Sur les voieries se pose un tain qui réfléchit.
À n’en plus dormir
En voiture à trois heures du matin, je pense.
Je t’imagine dans ta tranquillité, endormie
Et que de moi tu rêves en silence.
Au milieu de la nuit pas de messagerie.
Le ciel de pleine lune était empli d’éclairs
Quand j’arrivais chez moi. Et tu m’avais écrit.
Vrai que c’était joli, vrai que tout était clair.
Sans doute rassurée, tu t’étais assoupie.
Prévenante et discrète comme tu sais le faire
Peut-être es tu venue avant de te coucher
Voir le feu d’artifice à travers un vitrage,
Pas par curiosité, juste pour partager
À trois heures du matin le nocturne éclairage.
Tous les deux éveillés, rien qu’à l’autre penser,
Histoire de partager la beauté de l’orage.
Lors de la présentation du thème « Orages et tempêtes » par Michèle PETTAZZONI, ont été évoqués les poètes et écrivains suivants : Diderot, Balzac, Chateaubriand, Saint Exupéry, Sénéque.
Poémes lus durant l’apéro-poétique:
___________________________________
La musique
Charles Baudelaire
La musique souvent me prend comme une mer !
Vers ma pâle étoile,
Sous un plafond de brume ou dans un vaste éther,
Je mets à la voile ;
La poitrine en avant et les poumons gonflés
Comme de la toile,
J’escalade le dos des flots amoncelés
Que la nuit me voile ;
Je sens vibrer en moi toutes les passions
D’un vaisseau qui souffre ;
Le bon vent, la tempête et ses convulsions
Sur l’immense gouffre
Me bercent. D’autres fois, calme plat, grand miroir
De mon désespoir !
Charles Baudelaire, Les fleurs du mal
_________________________________
L’orage
Emile Verhaeren
Parmi les pommes d’or que frôle un vent léger
Tu m’apparais là-haut, glissant de branche en branche,
Lorsque soudain l’orage accourt en avalanche
Et lacère le front ramu du vieux verger.
Tu fuis craintive et preste et descends de l’échelle
Et t’abrites sous l’appentis dont le mur clair
Devient livide et blanc aux lueurs de l’éclair
Et dont sonne le toit sous la pluie et la grêle.
Mais voici tout le ciel redevenu vermeil.
Alors, dans l’herbe en fleur qui de nouveau t’accueille,
Tu t’avances et tends, pour qu’il rie au soleil,
Le fruit mouillé que tu cueillis, parmi les feuilles.
Emile Verhaeren
_____________________________________
L’Ennemi
Charles Baudelaire
Ma jeunesse ne fut qu’un ténébreux orage,
Traversé çà et là par de brillants soleils ;
Le tonnerre et la pluie ont fait un tel ravage,
Qu’il reste en mon jardin bien peu de fruits vermeils.
Voilà que j’ai touché l’automne des idées,
Et qu’il faut employer la pelle et les râteaux
Pour rassembler à neuf les terres inondées,
Où l’eau creuse des trous grands comme des tombeaux.
Et qui sait si les fleurs nouvelles que je rêve
Trouveront dans ce sol lavé comme une grève
Le mystique aliment qui ferait leur vigueur ?
– Ô douleur ! ô douleur ! Le Temps mange la vie,
Et l’obscur Ennemi qui nous ronge le cœur
Du sang que nous perdons croît et se fortifie !
Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal
Le poème L’Orage d’Emile Verhaeren a été lu par Béatrice.
Superbe affiche!
Merci et bravo Jean-Pierre.
J’ai apprécié d ce montage très réussi de cette affiche qui colle parfaitement avec le thème « Orages et Tempêtes » .
Plus haut, j’ai adressé à Jean-Pierre des félicitations qu’il m’a dit ne pas avoir méritées. En effet cette magnifique affiche a été produite par l’IIA que Jean-Pierre a sollicitée pour en mesurer les performances.
Epoustouflant, non?
Et bravo à Jean-Pierre d’avoir osé cette édifiante démonstration.