Fidèle au thème ce mois-ci j’ai planché sur les arbres.
Le tronc penché sur ma table de chêne, je puisais sous mon écorce et couchais sur ma feuille l’essence de mon thème . Ma cime n’étant point exsangue de sève, après de nombreuses coupes je ne gardais que les meilleurs tronçons, voici ce qu’il en fût.
BRISE LAMES
Que sont-ils devenus ces géants émondés ?
Drôle de destin pour ces grands arbres fiers
Quand un petit matin, aux prémices de l’hiver
On est venu les couper et les mettre en enfer.
Jadis ils trônaient dans ces vastes forêts
Envolant leur semence au gré du vent nouveau
Rêvant de quiétude, caressant de leurs branches
Les buissons touffus et les nids des oiseaux,
Ils étaient si beaux, se croyaient intouchables
Et pensaient être en place pour l’éternité.
Piqués dans la vase contre vents et marées
Sans répit, ils défendaient notre côte fragile
Fiers de leur sacrifice, bravant les coups de temps,
Ces robustes soldats se croyaient invincibles .
Cette armée si brave qui défiait les tempêtes
Est vaincue : de combattants ne reste que les têtes
Ne servant de perchoir qu’à la rieuse mouette,
Derniers témoins d’époque révolue
Remplacés par des blocs à rien ne servent plus.
Louise Montagne, mars 2020
PALARBRE
Qui sait quel secret m’a fait naître d’une graine
Placée dans cet endroit, aux risques de la forêt,
Assez humide et chaud pour nourrir mes poussées
Et rejoindre, encore jeune, la futaie aérée.
Pompée de mes racines jusqu’en ma chevelure
Une sève aqueuse recueille l’énergie
De ces feuilles éblouies qui effluvent la vie
Et distillent les sucres qui sont ma nourriture.
Par mes souffles parfumés, je me fais reconnaître
Adolescent boiseux rejoignant les houppiers
Où des feuillues caresses nous font communiquer
Nos dentelles racinaires en gardent les secrets
Nous connaissons les maux de perfides tempêtes
Les futs effarouchés en buisson se protègent
Des grêlons en tornade nous sommes écorchés
Des tueurs foudroyants parfois même nous renversent
Des plumes musicales, jour et nuit, nous enchantent
Dans nos écorces nichent des insectes gratteurs
Toute vie apeurée trouve en nous son refuge
Sens dessus, sens dessous, et en toutes saisons
Des artistes de talent nous taillent et nous polissent
Partout nos bois célèbrent d’infinies qualités
Ou restent ensevelis dans l’humus créateur
Nos destins sont multiples, souvent d’éternité
Henri Noël Mayaud mai 2020
Très beaux poèmes, c’est rafraîchissant en cette période de confinement et particulièrement triste en ce qui me concerne, vos rimes embellissent nos journées, c’est souvent Joyeux, dépaysant et lumineux.
Merci.
Thierry Chauveau
Voici n pantoum écrit il y a plusieurs années et qui figure dans le recueil « Deux souffles sur la flamme » ( paru en 2010)
Puisqu’il y est question d’un cerisier dans un jardin, j’ai pensé qu’il pouvait avoir sa place dans le thème « Les arbres »…
. Estampe.
Un cerisier dans un jardin,
Lorsque le ciel se japonise,
Dresse sa torche de satin.
Là-haut, la neige s’éternise…
Lorsque le ciel se japonise,
Dans l’étincelle du matin,
Là-haut, la neige s’éternise
Au flancs d’un volcan clandestin.
Dans l’étincelle du matin,
Retombe ma paume indécise.
Aux flancs d’un volcan clandestin,
J’estampe une douleur exquise…
Retombe ma paume indécise,
S’émerillonne mon chagrin.
J’estampe une douleur exquise,
Qui creuse et mord comme un burin.
S’émerillonne mon chagrin…
Ma faim de toi toujours s’aiguise,
Qui creuse et mord comme un burin,
Brasier couvant sous la banquise.
Ma faim de toi toujours s’aiguise…
Je suis un amant incertain,
Brasier couvant sous la banquise,
Un cerisier dans un jardin.
Yvonne Le Meur-Rollet
Yvonne,
cette estampe envoûtante est d’une rare beauté.
Merci Madame.
Bravo Michèle pour ce superbe poème dans lequel se mêlent avec bonheur la sensualité, les élans, les frémissements , les bouillonnements et la passion qui contribuent à la plénitude d’une vie d’arbre… et de femme.
Métamorphose
Sentir la vie vriller
dans mes jambes racines
mes pieds se transformer
en radicelles infimes
mes longs bras tournoyer
et s’unir à la cime
pour jouir du plein été
dans une aube sublime
Sentir le vent lécher
mes feuilles en sourdine
une à une les donner
à mon amant léger
sacrifier ma crinière
aux caresses de l’air
ainsi le retenir
une saison entière
Sentir ma sève bouillir
sous les rayons puissants
échauffer trop ma tête
pénétrer mes bourgeons
frémir de bien-être
ignorer que ce don
assèche les rivières
fane les floraisons
Oublier que tout cesse
vivre l’instinct présent
plus d’hiver ni tempête
dans mon être sylvestre
croire que le temps s’arrête
et que toujours s’enroulent
les plaisirs et les brises
du soleil et du vent.
Michèle PETTAZZONI
Merci pour vos poèmes, Louisette, Michèle et Dominique. Pour le moment le thème du mois d’avril ne m’a pas encore inspirée, mais je ne désespère pas.
L’arbre à lettres
(À fleur de mots)
Les branches chargées sont trop fragiles
Pour garder tout le poids des fleurs
Qui se sont épanouies au fil
Des mois et des jours et des heures.
Le vent devient alors pour l’arbre un allié
Et libère les rameaux des pétales pesants.
Les corolles s’élancent, prennent leur liberté
Dans un ballet coloré et odorant.
Trop fraiches pour germer si elles tombent à terre
D’être baies : impossible ! Elles manqueront de sève.
Elles doivent voleter pour devenir matière
À transporter les âmes et exaucer les rêves.
Elles forment un nuage parfumé et fruité
Dans les espaces qui se proposent à elles
Et qui les invitent à se métamorphoser
Pour qu’elles se pollinisent en consonnes et voyelles.
Ainsi les mots paraissent et les paroles s’envolent
Au bon gré des caprices du souffle hasardeux
Jusqu’à trouver jardin sur des bouches frivoles
Ou dans l’encre fébrile d’un poète amoureux.
Il faut œil prévenant ou oreille attentive
Avant que se dispersent et viennent s’égarer
Les phrases inspirées par la nature lascive.
Alors prenons le temps de voir et d’écouter.
Dominique Mongodin
Rendez-vous chez les arbres
J’avais un âge qui permet une foi absolue
Dans le merveilleux
Et j’espère en garder une trace
Qui encore aujourd’hui
Me fait croire à la vie
Sans doute exaspérés par une obstination boudeuse
Et croyant m’infliger une leçon fameuse
Cédant à un acte tabou objet de leurs désirs
Au cœur de la forêt mes parents me perdirent
Bien aise d’échapper à leur réprobation
Je voulus profiter d’une belle occasion…
La forêt observa avec perplexité
Un être à la peau claire et de poils dépourvu
Qui prétendait trouver dans les taillis touffus
Une hospitalité offerte à tout intrus
Les animaux surpris, pleins de curiosité
Hésitaient entre fuir et se dissimuler
Ces regards attentifs me firent réfléchir
Et garder le silence pour me faire accepter
Je m’appuyai alors contre un arbre accueillant
Dont les racines entremêlées
Offraient un creux qui me parut douillet
Mon cœur s’ouvrit ainsi à la vie de ces lieux
A l’univers confus et pourtant ordonné
A la rumeur formée de bruits insoupçonnés
Tous mes sens percevaient les bruissements légers
Et les chuchotements discrets
Qui m’enveloppaient
Au-dessus de ma tête dans un ciel miroitant
Les feuilles et les branches s’agitaient dans le vent
Jouant à susciter des lumières mouvantes
Et des ombres changeantes
Les semblables à l’entour de ce grand arbre vert
Communiquaient entre eux pour faire un grand discours
Inquiets de voir chez eux une espèce étrangère
Ils conversaient ensemble, lentement, patiemment
De la difficulté d’accueillir des enfants
Qui pouvaient s’égarer, courir de grands dangers
Saper leur harmonie, troubler leur communion
Je refusai d’entendre ce sermon
Et je leur réclamai douceur et protection
Vous êtes la nature, et je le suis aussi
Nous pouvons nous entendre et me faire un bon nid
Si je grimpe à la fourche je serai à l’abri
Vous me raconterez l’origine des temps
Le ciel, la terre et le grand vent
Et vous me bercerez pendant l’éternité
Dominique Verdé de L’Isle
Filiation
Tu n’as pas étendu
de branches caressantes
au-dessus de ma tête :
– Tu ne le pouvais pas.
Tu n’as pas soutenu
mes racines légères
s’arrimant dans la terre :
– Toi, tu n’en avais pas.
J’ai poussé solitaire,
étranger à ton bois,
éperdu de lumière,
le tronc tourné vers toi…
Les années ont passé,
ton fruit s’est transformé…
Vois ses feuilles bruissantes
paillant ton faible pied !
Michèle PETTAZZONI
Bravo Louisette magnifique poème qui nous réjouit en ces temps difficiles
On nomme parfois ces brise-lames des Ducs-d’Albe mais il ne faut pas se méprendre ces ‘ducs’ n’ont pas pour fonction de briser les lames de la mer…
La plage du Sillon à Saint-Malo est tout à fait remarquable pour son un alignement de ces grands arbres devenus brise-lames pour protéger la digue de la force des vagues.
« … Édifiés au début du 19è siècle sur une idée de l’ingénieur Ponts et Chaussées Robinault de St-Servan, les brise-lames en bois de chêne ont une profondeur d’au moins égale voire supérieure à leur hauteur visible… » (soruce : https://www.saint-malo-tourisme.com/decouvrir/l-eau/la-mer/les-plages/plage-du-sillon-1829319
ces arbres devenus brise-lames portent un nom et cen’est pas bouchot sauf pour les moules. Mais je ne me souviens plus
Merci Louisette
Oui on peut les voir sur la Banche,spectres égarés et guerriers nostalgiques regardant au loin l armée de bouchots qui se dresse en rangs serrés
Jacqueline B
Merci louisette
On les voit sur la banche ,spectres égarés dans la brume,guerriers nostalgiques observant au loin l armée de bouchots en rangs serrés….